Après 15 ans à la tête de la faculté de médecine puis de l’université unique d’Aix-Marseille, Yvon Berland a officiellement quitté son poste samedi 31 août 2019. Pour Gomet’, il fait le bilan de son mandat et revient sur les grands chantiers à mener pour l’université de demain.
Quelle est la plus grande réussite de ces quinze ans à la tête de l’université ?
Yvon Berland : Le fait le plus marquant de mon mandat est indéniablement la fusion des trois universités. Il y a dix ans, c’était encore inimaginable pour les acteurs locaux et nationaux. Pourtant, c’est une réalité et une belle réussite aujourd’hui. Tous les membres de l’université sont aujourd’hui fier d’y avoir participé. Il y a maintenant un sentiment d’unité qui a changé en profondeur les mentalités et la réputation de l’établissement.
Concrètement, qu’est ce que cela a changé pour l’université ?
Y. B. : La fusion a impulsé une dynamique exceptionnelle pour l’université et tout le territoire en profite. Ça nous a permis d’attirer des chercheurs de renommée internationale et des étudiants de talents qui ne nous connaissaient même pas avant. L’un des plus grands succès de la fusion, c’est aussi le développement de l’interdisciplinarité. Avant, les lettres ne parlaient pas aux métamathématiques ni au droit… Aujourd’hui, on travaille davantage de manière transversale. C’est devenu indispensable au progrès de la connaissance.
Pour les étudiants, l’interdisciplinarité n’apparaît pas toujours évidente…
Y. B. C’est vrai. On doit progresser pour rendre l’offre globale de formation plus lisible pour les étudiants. Ils ont parfois du mal à comprendre comment croiser les disciplines pour progresser. Pour simplifier cette perception, nous venons de créer 13 instituts d’établissement sur nos domaines d’excellence : Cancer Immunologie, Neurosciences, Archéologie Méditerranéenne… Au croisement de la recherche et de la formation, ils incarnent l’interdisciplinarité et l’innovation de notre université et permettront de valoriser nos grandes thématiques sur la scène nationale voire internationale. Il y en aura peut-être deux de plus à moyen terme. Le board international est en train d’y réfléchir.
Dans le dernier classement de Shanghai, Aix-Marseille Université stagne à peu près toujours à la même place depuis cinq ans. Comment faire pour progresser ?
Y.B. On a beaucoup de publications de haut rang dans les deux journaux référencés par le classement que sont Sciences et Nature. Malheureusement, nous n’avons pas de prix Nobel et ça plombe notre score final. Le classement de Shanghai a deux grosses lacunes : d’une part, il favorise les universités plus anciennes car elles ont plus de chance d’avoir eu des prix Nobel tout au long de leur histoire, et deuxièmement, il ne prend quasiment pas en compte les sciences humaines et sociales car les chercheurs de ces disciplines ne publient pas dans Sciences et Nature. Mais je pense que l’an prochain, nous allons gagner des places. Tous les indicateurs le prévoient.
Aix-Marseille Université est-elle assez reconnue à l’international ?
Y. B. Notre réputation à l’étranger a fortement progressé avec la fusion mais c’est l’un des chantiers prioritaires à poursuivre dans les années qui arrivent. Nous avons déjà enregistré quelques beaux succès comme l’ouverture de notre premier campus chinois à Wuhan à cette rentrée. J’ai mis huit ans à finaliser ce projet, c’est l’aboutissement d’un travail titanesque. Cette présence en Chine est très importante. Mais plus près de chez nous, il faut se tourner vers l’Afrique. Avec le projet d’université européenne Civis, nous allons pouvoir créer un nouveau pont entre les deux continents. Nous allons pouvoir associer davantage les universités africaines. Civis est un superbe projet qui va grandement occuper les équipes au cours des prochaines années.
Sur quel sujet, l’université doit-elle le plus progresser ?
Y. B. Si j’avais encore un mandat, je travaillerai en priorité sur la recherche d’argent auprès de nouveaux partenaires privés. C’est de plus en plus difficile de récolter des fonds auprès de grands mécènes ou des entreprises. Les grands groupes préfèrent financer leur propre fondation. Nous avons une fondation qui ne fonctionne pas assez… Nous l’avons lancée alors que nous avions énormément de choses à faire… Il faudrait maintenant y consacrer plus d’énergie car l’université doit de plus en plus dégager de nouvelles ressources car le soutien de l’État diminue un peu plus chaque année. Si j’avais un mandat de plus, aller chercher de l’argent constituerait une priorité.
Lien utile :
> L’actualité d’Yvon Berland dans les archives de Gomet’