1336, c’est la nouvelle marque de thés et tisanes dévoilée par les anciens salariés d’Unilever le 26 mai dernier. Ou comment transformer la mémoire d’une lutte ouvrière en marque commerciale.
L’usine de Gémenos (13) était promise à la fermeture pour cause de délocalisation en Pologne décidée par Unilever (4e acteur mondial de l’agro-industrie). Mais les salariés (que l’on surnomme les Fralib) se sont battus pendant 1336 jours en occupant l’usine jours et nuits pour conserver l’outil de production et relancer la fabrication. Aujourd’hui ils sont prêts à relancer la production avec leur nouvelle entreprise Scop TI (Société coopérative ouvrière provençale de thé et infusion).
Au départ les Fralib souhaitaient conserver la marque Thé Eléphant qui a vu le jour à la fin du XIXe siècle en Provence. Mais ce n’était pas du goût d’Unilever. Lors de l’accord de fin de conflit, les salariés n’ont pas obtenu la marque de la multinationale mais des indemnités qui servirent pour financer le redémarrage de l’activité.
Pour la nouvelle marque propre qu’ils devaient créer, comme tout au long de la lutte, les Fralib ont reçu de l’aide venue du réseau militant. Alors en tournée à la rencontre des entreprises made in France, Romain Gicquiaux, designer retail indépendant breton (ex-W – Groupe Havas – Paris) se rapproche des Fralib.
Il organise un workshop d’une semaine in situ, dans l’usine, avec une équipe de professionnels du graphisme et du marketing (Amandine Viornery, Nathalie Bihan, Jean Stephan, Julien Masson et Martin Flaux). Elle rencontre alors les salariés, écoute les idées et construit une proposition. Si l’engagement est militant, le travail est rémunéré.
“Il fallait trouver quelque chose qui ne trahisse pas la lutte des Fralib, qui fasse écho à leur combat mais sans tomber dans le champ lexical du conflit social. Pour que le produit puisse s’ouvrir au maximum de consommateurs”, explique Romain Gicquiaux. “Le chiffre s’est alors imposé comme une évidence. C’est une référence directe à leur lutte et ce qu’ils ont vécu et en même temps c’est énigmatique, ça éveille la curiosité de ceux qui ne connaissent pas. Sur le packaging, un espace est réservé pour expliquer la signification de 1336 et d’où vient le produit”. Le slogan des produits s’appuient sur la puissance marketing de l’éthique (1336 : Eveille les consciences, réveille les papilles, Scop TI : Engagé sur l’humain, engagé sur le goût).
15 références de 1336 sont destinées au marché de la grande distribution. Une deuxième marque positionnée haut de gamme (Scop TI) porte le nom de l’entreprise. La gamme comporte 9 références de produits bio “avec un approvisionnement de matière première française le plus possible”, explique Gérard Cazorla, président de la société coopérative. De nombreuses négociations sont en cours pour un déploiement de masse dans les rayons dès la rentrée.
Selon Le Monde, l’objectif de production globale en 2015 est de 250 tonnes, pour un chiffre d’affaires de 3,3 millions d’euros, pour arriver en 2018 à 640 tonnes et 9,6 millions d’euros de chiffre d’affaires en atteignant l’équilibre financier mi-2016.