Les professionnels du spectacle ont aussi rejoint les mouvements de contestation. La CGT-Spectacle, qui a déposé mardi 11 décembre un préavis de « grève illimitée » à compter du 18, a récemment rejoint le mouvement des « gilets jaunes », tout comme la Coordination des intermittents et précaires d’Île-de-France (CIP-IDF) réunie en assemblée générale le 10 décembre. Tous demandent une augmentation des salaires et défendent le régime des intermittents qui est menacé par la réforme de l’assurance-chômage.
Au 4e forum « Entreprendre dans la culture en Région Sud » organisé par l’Arcade Paca le 14 décembre, des centaines de professionnels de la culture se sont réunis au Théâtre Joliette (2e) à Marseille autour de la question « Et si le numérique était l’avenir de l’entreprise culturelle ? ». Pas de débat sur les revendications des syndicats et autres comités, mais la question de la mutation du métier d’artiste s’est tout de même imposée, notamment autour de son rapport avec le monde économique. « Sociologiquement parlant, artistes et entrepreneurs ne sont pas opposés », analyse Carole Le Rendu, titulaire de la chaire de recherche « Ressources humaines et innovations sociales dans le secteur culturel » et responsable pédagogique du département Communication culture d’Audencia Business School.
« L’artiste est très entreprenant »
« Il y avait des entrepreneurs parmi les plus grands peintres. (…) Dans ses écrits, Carl Menger montre que l’artiste est quelqu’un de très indépendant, de très entreprenant et de très créatif. Vous avez les mêmes caractéristiques chez l’entrepreneur ». La chercheuse explique par ailleurs que cette vision du travail est un phénomène de génération « dans un contexte de baisse de subventions et de recherche de nouveaux financements » qu’elle observe chez les étudiants à qui elle enseigne. « Ils sont totalement décomplexés, ont assimilé que la question des financements se posait différemment et mixent complètement les statuts entre du freelance, du salariat et du bénévolat ». Dans le public, une professionnelle de la culture explique que ce nouveau mode d’organisation assure « un niveau de vie confortable » et permet de « pouvoir choisir des projets artistiques exigeants ».
« Un bricolage organisationnel se met en place »
Carole Le Rendu regrette cependant une certaine frilosité et un « tabou » en France face à ces statuts nouveaux. Alors que les Anglo-Saxons proposent des cours de leadership personnel et d’image de marque personnelle, les Français tentent de s’organiser face à ce mix entrepreneur-artiste. Carole Le Rendu parle de « collectifs d’artistes qui mutualisent des compétences de façon informelle, de coopératives d’activités et d’emplois ou des bureaux de production, souvent coopératifs, qui proposent aussi de la mutualisation de compétences ». « Nous voyons bien qu’un bricolage organisationnel se met en place », analyse-t-elle.
Parmi les structures, on compte également les incubateurs. « On voit le 104factory (Paris) ou l’Incubateur du patrimoine du Centre des monuments nationaux », cite Anne Le Gall, directrice de la communication et du développement à L’Avant Seine/Théâtre de Colombes, co-fondatrice et présidente du TMNlab. « À l’Avant Seine, nous nous définissons comme un incubateur de médiations innovantes, de nouvelles pratiques professionnelles. Nous travaillons en lien avec des entreprises et on a des collaborations avec des start-up ».
Certaines écoles d’art se questionnent désormais sur une révision de leur cursus observe une professionnelle dans le public. Christian Laget, directeur de la culture de la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur souligne. « Une grosse partie de l’activité des collectivités, c’est l’aide à la professionnalisation dans le domaine de la variété. La Région a conventionné avec le Centre national de la variété, le cofinancement quasiment fléché sur l’aide à la production. Dans cette région, nous nous sommes rendus compte qu’il fallait aider les sociétés de production plutôt que d’aider des artistes à créer des disques qui ne se vendent pas forcément aujourd’hui ». Créer, entreprendre puis… vendre.