Ambiance sinistre ce jeudi matin devant l’hôtel de ville. Tandis que des dizaines de policiers quadrillent l’espace Bargemon, plusieurs centaines de manifestants déposent des cercueils au son de la marche funèbre sur le parvis de la mairie. Le premier conseil municipal depuis la catastrophe de la rue d’Aubagne s’annonce particulièrement tendu. Dans l’hémicycle, la séance démarre par la traditionnelle minute de silence en hommage aux victimes. Puis rapidement, Jean-Claude Gaudin ouvre les débats.
Le maire demande le classement en catastrophe naturelle
Profitant d’avoir la primeur de la parole, le premier magistrat choisit d’attaquer ses détracteurs sans attendre en dénonçant « les commentaires, stigmatisations et récupérations politiques indignes qui ont nourri la trame médiatique ces dernières semaines ». Il maintient sa ligne de défense en saluant « le travail des secouristes, des marins-pompiers et des équipes municipales qui ont dû faire face à plusieurs crises successives ». Pour lui, le premier devoir d’un maire est plus que jamais de « secourir les victimes de la catastrophe ». Ainsi, il joint le geste à la parole en mettant au vote, dès le début de la séance, une série de mesures d’urgence pour aider les familles sinistrées de la rue d’Aubagne : prise en charge des frais d’obsèques pour les victimes, gratuité des cantines pour les enfants, une subvention exceptionnelle à l’association Unis-Cité Méditerranée qui met à disposition dix personnes en service civique pour aider les sinistrés…
« J’ai fait face à la tempête. Je dois continuer à accomplir ma mission car cela ne doit jamais plus arriver », prévient-il. Sur son éventuelle responsabilité, il refuse de porter l’entière charge du sinistre : « Il est facile de se poser en procureur sans aucune preuve. Pour l’instant, les expertises mettent en cause les fortes pluies et le sol gorgé d’eau. On doit attendre les conclusions de l’enquête », se défend-il. Le maire pousse même son raisonnement jusqu’à demander à l’Etat le classement en catastrophe naturelle. Il n’en fallait pas plus pour déclencher la colère de ses opposants politiques qui attendent depuis longtemps cette occasion de le confronter en public.
« Ils sont morts de l’abandon, du cynisme et du mépris »
« Les habitants de la rue d’Aubagne ne sont pas morts des pluies abondantes ou d’un mauvais coup du destin. Ils sont morts de l’abandon, du cynisme et du mépris de votre politique pour le logement insalubre » accuse sans ambages Benoit Payan, le président du groupe socialiste à la mairie. « Ce même mépris qui ce matin vous fait refuser l’entrée du conseil municipal aux familles », dénonce Jean-Marc Coppola faisant allusion aux blocages des associations de victimes devant Bargemon. La sénatrice socialiste Samia Ghali prend la suite de l’offensive : « Vous avez renoncé à mener le combat contre la pauvreté […] Ce conseil municipal arrive trop tard. Aujourd’hui, vous parlez de catastrophe naturelle. C’est un déni total de la situation réelle de Marseille », lance-t-elle au maire. Sur la rapidité de réaction, la majorité renvoie la balle à la justice qui « ne va pas assez vite », selon Laure-Agnès Caradec, l’adjointe à l’urbanisme. Elle prend pour exemple l’incident du bout de balcon tombé sur le boulevard Garibaldi lors de la marche blanche du 10 novembre : « Nous avions mis en demeure le propriétaire pour la réfection de sa façade depuis plusieurs mois », assure-t-elle. Nouvel aveu d’impuissance… Mais dès aujourd’hui, l’équipe en place affirme qu’elle prépare l’avenir et de nouvelles mesures pour en finir avec l’habitat indigne à Marseille.
Un plan habitat pour le futur successeur de Gaudin
Si les équipes municipales se mobilisent pour l’accueil et le relogement des personnes sinistrées, Jean-Claude Gaudin prévient qu’il compte sur la Métropole pour porter la lutte contre le logement insalubre « Le plan Marshall attendu sera porté par la Métropole qui est l’EPCI compétent sur l’habitat », annonce le maire. La présidente de la Métropole, Martine Vassal, a effectivement déjà présenté sa stratégie sur l’habitat indigne fin novembre. Sans revenir sur le détail de ses mesures, elle se félicite du vote à l’unanimité de son plan lors du conseil métropolitain du 13 décembre. « Le drame de la rue d’Aubagne sera le point de départ d’une nouvelle politique de l’habitat que je compte mener », annonce-t-elle bien installée dans son fauteuil de patronne de la Métropole.
Le sénateur LR Bruno Gilles, qui candidate lui à la succession de Jean-Claude Gaudin à la mairie, mène le combat sur le terrain législatif au palais du Luxembourg. L’ex-maire des 4e et 5e arrondissements utilise cette tribune pour interpeller directement le gouvernement. Il a par exemple envoyé une lettre à Christophe Castaner pour lui demander s’il était possible d’envisager une « procédure similaire » à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle afin d’accélérer les demandes d’indemnisation. Le 21 décembre, il a déposé une proposition de loi pour lutter contre l’habitat insalubre ou dangereux. Le texte propose de renforcer le pouvoir des collectivités territoriales en matière de logements insalubre ou dangereux, la mise en place d’un permis de louer dans les territoires présentant une importante proportion d’habitat dégradé et de renforcer l’efficacité des sanctions contre les marchands de sommeil. Bruno Gilles ressort également un serpent de mer qu’il essaye de raccrocher à la situation nouvelle : la création d’une zone franche en centre-ville. Il demande également à Julien Denormandie de déclencher une opération de requalification des copropriétés dégradées d’intérêt national (ORCOD-IN) comme il l’a fait à Clichy-sous-Bois : « Il annonce mobiliser 3 milliards d’euros pour une ville de banlieue de 30 000 habitants. J’en attends donc beaucoup plus pour la deuxième ville de France » lance Bruno Gilles.
Lien utile :
> Convergence des colères en marge du conseil municipal de Marseille