Après le succès de Roman-Photo qui a attiré près de 90 000 visiteurs, c’est désormais au tour de l’Or de parader au Mucem. Une brillante exposition appelée à battre certainement un record de fréquentation. À découvrir jusqu’au 10 septembre.
En pénétrant dans la salle d’exposition, le visiteur se retrouve face à l’œuvre de Gilles Barbier – The Treasure Room -, un tableau dans lequel l’artiste marseillais s’est amusé à reproduire un nombre infini de pièces considérées comme précieuses qui pourraient disparaître en un clin d’œil puisqu’un peu d’eau suffirait à tout effacer. Une introduction qui en dit long sur ce métal de tous les désirs. Convoité, exploité, transformé, jusqu’à être imité, l’or n’a jamais cessé de fasciner les hommes. Des lingots du XIIe siècle avant notre ère au collier monumental de Jean-Michel Othoniel, en passant par les tirelires de tout un chacun ou les reliquaires médiévaux, 600 œuvres et objets se côtoient ici dans un dialogue original et pertinent qui amène le visiteur à « regarder différemment les œuvres contemporaines, pour la plupart monumentales, confrontées aux objets d’art populaire ou aux œuvres archéologiques », comme le font remarquer les commissaires de l’exposition.
Du populaire au sacré, de l’ancien au contemporain : quelques uns des objets exposés au Mucem.
Au-delà de cette confrontation, on découvrira, côté antique, derrière la reproduction du thesaurus de Delphes, coffre-fort antique, différents lingots dont les formes – bracelet en spirale, disque plat – sont bien éloignées de celle que nous connaissons aujourd’hui, ceci afin d’en permettre le transport et d’en faciliter l’utilisation, la fonte. Un peu plus loin, une vitrine d’outils du XIXe et XXe siècles des métiers associés à l’or, issus des collections du Mucem – doreur, brodeur, fabricant de fleurs artificielles, marchand de couleurs… Puis, juxtaposée, une autre vitrine avec, cette fois, des bijoux, délicats et fins, de Georgie du IIIe siècle mais aussi la copie de la tiare de Saïtopharnès de la fin du XIXe siècle. En réalité, il s’agit d’un faux acheté comme un vrai mais qui témoigne du travail hors pair d’un orfèvre, un vrai faussaire.
Tout ce qui brille n’est pas d’or
Why Does Strange Fruit Look So Sweet ? de John Creten
« Trop d’or tue l’or » : c’est ainsi que l’artiste Johan Creten, présent lors de la visite de l’exposition, évoque son rapport à l’or dans ses œuvres. Est-ce de l’or, du cuivre, du bronze patiné à la feuille d’or ? À proximité des objets d’alchimistes et amulettes, ses réalisations, monumentales et énigmatiques, captent les regards, comme la plupart des œuvres contemporaines exposées.
Louise Bourgeois, Yves Klein, Zadkine, Franck Scurti… font partie des 46 artistes présentés, aux côtés d’autres, plus inattendus comme les trichoptères. Ces petits animaux fabriquent une maison pour leurs larves à partir des éléments qu’ils trouvent et Hubert Duprat, en leur confiant fil et pépites d’or, en a fait des orfèvres malgré eux. Des mini trésors. Mini aussi les clous Têtes de philosophes de quelques millimètresd’Hilario Isola, plantés dans les murs, qui se révèlent aux visiteurs les plus observateurs, aux nouveaux chercheurs d’or.
S’il n’est pas possible de citer toutes les œuvres, Or garantit de satisfaire toutes les curiosités. Jusqu’à la sortie où ont pris place Les Damnés de Liza Lou et South Face / North Face, les deux panneaux – couvertures de survie – d’Évariste Richer, « pour nous confronter à notre conditions de mortels face à l’or. »
Ruez vers l’or par Alain Masson
Recherche propriétaire
En toute dernière extrémité, juste avant de quitter l’exposition, observez, sous un cube transparent, ce méli-mélo de chaînes, breloques et bracelets… Acquis aux enchères du Crédit municipal par le duo d’artistes Gethan & Myles, avouant l’ignorance des origines de ces reliques, ils sont prêts à vous restituer tel objet, pour autant que vous parveniez à prouver qu’il vous appartient ! Je dois reconnaître que c’est la première fois que je découvre une telle offre au cours d’une présentation artistique. Il y en a néanmoins pour plus de 200 grammes d’or, précise la notice. Soit, au cours actuel, près de 700 euros. Et tout au long du circuit, d’autres cubes avec d’autres bijoux, acquis également par Gethan & Myles qui racontent, souvent avec forte charge émotive, comment ces pièces de valeur ont pu aider telle famille à sortir du dénuement, ou à financer les études des plus jeunes. L’or des modeste, comme un transfert du bien des aïeux aux générations nouvelles.
“50 000 hommes enfoncés dans la boue creusant pour trouver de l’or à Serra Pelada” – Sebastiao Salgado
Ne pas déduire que ne seraient ici montrés que bijoux d’apparat ou strass de starlettes, voire lingots de collectionneurs maniaques. Vous croiserez bien sûr de Funes en Harpagon, de fameuses antiquités grecques ou perses. Mais aussi les mineurs péruviens, orpailleurs guyanais et quelques tirelires en forme de hérisson chères à ceux qui lâchent leurs sous avec un élastique… Cupidité et convoitise ne sont pas ignorées, tels le sombre revers de l’éclatante médaille. Depuis le roi Midas qui dut plonger dans le fleuve pactole pour échapper à la malédiction : même la nourriture qu’il touchait devenait l’or immangeable ! En revanche, et on peut le regretter, on ne croise ici ni Chaplin, ni Cendrars. Pas même Virgile, dont Marx se plaisait à reprendre le vers célèbre « Auri sacra fames.. », cette sacrée faim de l’or qui pousse les hommes aux pires forfaits.
Informations pratiques > jusqu’au 10 septembre – Tous les jours sauf le mardi, de 11h à 19h (ouvert tous les jours en août) > Tarifs : 9,5 € et 5€ / Tarif famille : 14 € / gratuit pour les moins de 18 ans, les seniors, les bénéficiaires de s minima sociaux. > www.mucem.org