On aurait pu penser que les traditionnelles “Recommandations” conclusives du Cercle des Economistes, ainsi que les dissensions soulevées pendant trois jours de débats, marquent la fin des Rencontres économiques 2015. Pourtant, cette année le rendez-vous international s’est achevé dimanche sur un enthousiasme et un consensus étonnant sur un projet d’entreprenariat qui fédère les espoirs de l’économie numérique régionale et nationale : le lancement officiel de The Camp, le futur campus numérique nouvelle génération qui s’installera sur le plateau de l’Arbois à Aix-en-Provence et qui devrait être opérationnel dès 2017.
Une douzaine de partenaires publics et privés étaient réunis pour officialiser leur engagement et signer leur accord … sur une immense toile tendue présentant le paysage futuriste de The Camp. La cérémonie, elle, très conventionnelle pour un projet aussi innovant, s’est tenue dans la salle des actes de l’université en présence d’Emmanuel Macron, ministre de l’Economie et du Numérique, qui a signé le contrat symbolique au-dessus du logo French Tech accordé à la métropole Aix-Marseille par l’Etat en 2014.
Une « journée fondatrice » selon Frédéric Chevalier qui pilote le projet, désormais « mis en capacité de fédérer les synergies présentes et futures du territoire métropolitain » qu’il ambitionne de faire rayonner à l’international. « La confiance de mes partenaires m’engage », souligne-t-il.
[pullquote]Chevalier : « un laboratoire urbain à ciel ouvert »[/pullquote] On connait l’ambition de l’entrepreneur aixois qui prévoit de construire un « laboratoire urbain à ciel ouvert » sur le plateau de la Duranne, un projet selon lui « déjà extraordinaire » par son génie architectural, ouvert sur le plateau de l’Arbois, et par son emplacement au cœur de la future métropole (à cinq minutes de la gare TGV aixoise et un quart d’heure de l’aéroport Marseille Provence).
Hier la cérémonie de lancement préfigurait aussi une seconde innovation : au-delà des clivages politiques et de la traditionnelle défiance entre entrepreneurs privés et investisseurs publics, The Camp fédère un ensemble d’acteurs partageant les mêmes constats face aux défis futurs pour les métropoles et disposés à mettre en commun leurs ressources. Et si l’économie numérique était la clé du consensus pour construire la métropole de demain ?
Des acteurs fédérés face aux défis de la métropole de demain
« Si le XXe siècle était celui des nations, le XXIe siècle sera celui des métropoles. » C’est en s’appuyant sur cette phrase de Carlos Moreno (professeur spécialisé dans le contrôle intelligent des systèmes complexes) que Frédéric Chevalier a introduit le consensus qui réunit les investisseurs du projet. Selon lui, l’Europe n’est pas prête à faire face à l’accroissement de la population urbaine, aux fortes densités combinées aux problématiques écologiques et sociales des grands espaces urbains. Deux mots d’ordre: « urgence et responsabilité. »
Un constat largement débattu lors de ces 14eme Rencontres économiques qui mettaient à l’honneur les évolutions du travail. « L’Europe, et particulièrement la France, est malade » car les nouvelles innovations technologiques souvent perçues comme « destructrices d’emplois sont encore envisagées avec trop de méfiance. » Paradoxalement, le « monde virtuel du numérique a besoin de territoires pour se développer, de lieux physiques de rencontres et d’échanges » note un investisseur public. Dans cette perspective, The Camp agira aussi en qualité de think thank pour aider les starts-ups, les étudiants et dirigeants à appréhender les conditions du changement.
[pullquote]Macron : « The Camp marque un véritable succès de la “saison deux” de la French Tech »[/pullquote] A entendre le discours d’Emmanuel Macron, The Camp serait même à la hauteur des ambitions économiques du gouvernement actuel : « regrouper les énergies d’un territoire pour accélérer les initiatives, » « décloisonner l’économie pour libérer l’esprit d’entreprenariat » et « anticiper les villes intelligentes et durables de demain. » En bref, « The Camp marque un véritable succès de la “saison deux” de la French Tech » conclut-il. Presque trop beau pour être vrai.
L’économiste Jean Hervé Lorenzi le présente comme « le campus numérique nouvelle génération dont l’Europe manquait pour concevoir les mutations dans ses métropoles ». A l’échelle mondiale, il permettrait avant tout de combler notre retard en la matière par rapport à l’Asie et à l’Amérique du Nord. Tout le monde est ébloui par l’envergure du projet et s’auto-congratule d’en être le porteur. Dans la salle, on rêve déjà d’entendre parler des territoires provençaux comme de la nouvelle Silicon Valley. Seul regret pour certain : que l’appellation ne sonne pas occitan !
Des acteurs fédérés dans un même état d’esprit
Rien d’étonnant, donc, si Frédéric Chevalier délivre des valeurs contagieuses : « enthousiasme, excitation et optimisme. » Pour autant, les multiples ambitions de The Camp présenté à la fois comme un “think tank” et un” think do”, rendent le projet « déraisonnable » comme le rappelle le directeur général de la Caisse des Dépôts. « Mais comment voulez-vous que l’on ne soit pas enthousiaste» , rajoute-t-il à la tribune, « on y croit ! » Face à si peu de réserves et tant d’abstractions, on se demanderait presque si l’outil numérique n’est pas la clé pour débloquer les investissements publics en France. Frédéric Chevalier, perdu dans ses fiches de remerciements, glisse que l’aide de la CDC est bien plus un soutien à la démarche qu’un soutien financier. L’entrepreneur a quant à lui investi six millions de sa propre tirelire. Il donne raison à Emmanuel Macron pour qui « la France a besoin de femmes et d’hommes qui prennent des risques pour porter ces projets ! »
Le ministre de l’Economie et du Numérique ne manque pas de rappeler qu’un tel chantier « préfigure les enjeux locaux au cœur de l’esprit des innovations qui vous attendent à l’échelle politique» évoquant la construction politique de la métropole Aix Marseille dont de nombreux acteurs sont impliqués dans The Camp, comme la maire d’Aix-en-Provence depuis longtemps très critique à l’égard du projet métropolitain.
L’idée de campus numérique a à elle rapidement fédéré les sphères publiques et privées ; collectivités territoriales, grandes entreprises, start-ups et très prochainement des organisations de la société civile se joindront à l’initiative. Or, si travailler avec des partenaires publics est souvent synonyme de lenteur et inefficacité, Frédéric Chevalier tient à rappeler que « The Camp est une preuve que l’administration est capable d’efficience totale. » Pour exemple, il n’aura fallu que quatre mois pour que la municipalité aixoise délivre un permis de construire. Conclusion entendue deux fois à la tribune, répétée par Maryse Joissains, tout sourire après avoir été applaudie pour cette autorisation en un temps record: « Quand on veut, on peut ! » Go !
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