par Christian Apothéloz
Le scrutin municipal nous l’avons écrit en préambule est la mère des batailles à Marseille. Quand les combats se crispent, quand les affrontements s’aiguisent, quand le ton monte et que l’avenir est suspendu à un dimanche de printemps, l’atmosphère de la Canebière et du Vieux-Port devient électrique, magnétique, survoltée. Le jeu politique est ici une dramaturgie antique qui obéit presque aux trois unités de temps, d’espace et d’action. Une tragédie qui verra un seul acteur triompher et l’autre sombrer.
Le jeu politique phocéen n’est pas commun. À Aix-en-Provence, on peut penser à une commedia dell’arte avec ses masques et bergamasques, ses alliances incongrues et éphémères, ses retournements comiques ou dérisoires et ses comédiens détonants.
On ne s’essaie pas à Marseille, on ne fait pas un tour de piste, l’engagement de l’homme politique qui prétend diriger cette ville doit être total car il sera fatal, celui qui perd se relève rarement. Les ingrédients de la tragédie grecque sont là : le chœur, les citoyens de Phocée qui approuvent, réprouvent, commentent, les deux ou trois acteurs pas plus, nous disent les hellénistes, qui tiennent le devant de la scène : le protagoniste, premier rôle, le deutéragoniste, deuxième rôle et le tetragoniste, troisième rôle !
Par jeu, faites l’effort de vous remémorer les municipales marseillaises [1] que vous avez en tête, au rythme de la tragédie classique.
- Deux lieux distincts ont deux fonctions distinctes : les personnages dialoguent sur le proskénion et le chœur évolue sur l’orchestra
- Le Prologue expose les faits
- Le Parodos marque l’entrée du chœur
- Puis alternent les Épisodes (les personnages jouent faisant avancer l’action) et les Stasimons (le chœur chante, commentant l’action)
- Enfin l’Exodos signe le dénouement et la sortie du chœur.
Aujourd’hui nous abordons le prologue. Tout le livret s’écrira sous vos yeux. L’intérêt de ce détour par le tragique est de sélectionner les candidats, ceux qui passent, qui hésitent, qui veulent sans vouloir, ou testent, ne monteront pas sur le « proskénion ». La détermination doit être totale pour mériter la ville et l’acteur doit y jouer tout son avenir politique.
La semaine prochaine, la suite et la fin de notre série
Municipales 2020 Marseille : Une histoire d’amour
Lire les précédents volets de notre série
[Analyse] Municipales 2020 Marseille : tout peut changer très vite (1/5)
[Analyse] Municipales 2020 à Marseille : la tectonique des plaques (2/5)
[Analyse] Municipales 2020 Marseille : Citoyen, a voté… citoyen a fuité… (3/5)
[1] A voir ou revoir absolument la série des documentaires de Jean-Louis Comolli et Michel Samson : Marseille contre Marseille (725 mn), 7 films tournés à l’occasion des plus importantes échéances électorales locales.