par Christian Apothéloz
La clef de l’élection (lire nos précédents volets) est donc d’abord dans la capacité de chaque camp à mobiliser ses électeurs potentiels. Chaque victoire électorale est en général une victoire par défaut. N’imaginons pas des milliers de citoyens passant d’une opinion à une autre ou inversement. La victoire tient dans la capacité du leader à faire d’abord se lever son camp et ses sympathisants potentiels, à les emmener dans l’isoloir et à choisir le bon bulletin. Le résultat final est la résultante de ces mobilisations ou démobilisations partisanes.
- Par exemple le FN/RN l’a emporté en 2014 dans les 13 14es parce que les Républicains et les socialistes se sont maintenus au second tour et ont sciemment produit une triangulaire dans laquelle le vote pour le socialiste n’a pas dépassé les 32,52 % sans faire le plein des voix de gauche alors que Stéphane Ravier avait peu progressé (moins de 3 points entre les deux tous). Même phénomène de démobilisation dans le 1-7 secteur ancré à gauche et qui voit Dominique Tian atteindre les 40 % alors que Patrick Mennucci plafonne à 40 % avec 40 % d’abstention et 3 % de bulletins nuls.
- Un avocat, observateur avisé de la politique marseillaise m’invitait à compter les bateaux qui quittent le vieux port pour savoir si l’électorat de beaux quartiers, plutôt à droite avait choisi l’urne ou la voile. Je ne ferai pas de ce « comptage » une donnée scientifique, mais le nombre total de votants dans les circonscriptions marquées d’un côté ou de l’autre donne souvent la tendance du résultat final.
- Encore un exemple, Bernard Deflesselles (LR) est sorti gagnant des dernières législatives dans la 9e circonscription d’Aubagne, malgré une vague En Marche qui a emporté nombre de ses collèges. Il a lui même rapporté que c’est en utilisant les bases des électeurs des primaires de la droite (et pas en prêchant tous azimuts) qu’il a pu convaincre, un à un, ses électeurs naturels de se déplacer malgré le blues général de la droite après la chute de la maison Fillon. Il a ainsi sauvé un siège improbable.
Ce phénomène du choix par abstention glissante, massif, n’exclut pas les changements durables et profonds d’opinions dont j’ai parlé dans la « tectonique des plaques ». Mais il donne une clef de lecture : qui fera se lever son camp, et qui désespère ses partisans (qui vont rester à la maison). C’est la question pour les Républicains en panne de leadership. Mais c’est une question encore plus ouverte pour la République en Marche qui n’a pas encore un socle solide construit avec un parti et des personnalités locales reconnues sur le terrain.
La semaine prochaine, le 4e volet de notre série :
Municipales Marseille 2020 : une tragédie grecque