Du Frioul à Mayotte, des Philippines à Haïti, la planète ne sait pas vraiment combien elle compte d’îles. Il suffit de songer aux effets contrastés du dérèglement climatique, hausse du niveau des mers -ou assèchement de certains cours d’eau- pour saisir que cette donnée varie, dans le temps et l’espace. Wikipedia avance toutefois le chiffre de 300 000, tandis que l’Onu dénombre 460 000 sites insulaires. En Méditerranée, plus de dix mille sont répertoriés .
Et d’abord, questionne l’exposition estivale du musée marseillais, « Qu’est-ce qu’une île ?» Un ouvrage pour écolier propose, dessin à l’appui, cette réponse lapidaire et symétrique : une île, c’est le contraire d’un lac; le lac est une étendue d’eau cernée par la terre… Alors que l’île est une terre entourée d’eau !
Mais ceci n’est vrai que pour le lieu géographique. Il ne faut négliger ni les archipels urbains, ni les entités mentales que peuvent forger nos insularités imaginaires. En effet, de l’odyssée homérique d’Ulysse à Houellebecq , de l’utopiste Thomas More au fameux naufragé Robinson, la notion d’île n’a cessé d’alimenter les inventeurs audacieux et les cartographes les plus méticuleux.
Enfer et paradis
Selon certains, le paradis ne peut être situé ailleurs que sur une île.. (Ne parle-t-on pas d’endroit paradisiaque, avec lagune et cocotiers ?). A Singapour ou aux Caïmans, le concept englobe l’aspect fiscal. Inversement, d’Alcatraz à l’île du diable, de Guantanamo à Sainte Hélène, la position peut s’avérer le pire endroit de privation de liberté. Voire une périlleuse transition entre le drame et l’espoir, à l’instar de Lampedusa. A quelques encablures du Vieux-Port, tout marseillais se souvient de l’hôpital Caroline, grand ouvert sur le ciel dominant Ratonneau, (depuis trois siècles), pour maintenir en quarantaine les navigateurs à la santé suspecte, et se protéger de la peste.
A l’occasion, se souvenir de la devise de la république du Frioul (inventée en 2012): « Pour l’art et l’insolence, sans insolation».
De Jersey à Ormuz
Mi-enfer de l’exil, mi-paradis du créateur, l’île peut aussi abriter le réfugié, comme l’avouera Victor Hugo, entre Jersey et Guernesey. Sans exotisme excessif, ni nostalgie pseudo romantique, l’exposition du Mucem aborde d’autres enjeux géopolitiques du monde actuel. Chypre partagée en deux moitiés, les Spratleys de mer de Chine disputées par les souverainetés riveraines. Vous découvrirez aussi comment le confetti de Clipperton, deux km2 en nord Pacifique, muni du drapeau tricolore, permet à la France de disposer de 400 000 km2 de possession océanique, à 10 000 kilomètres de notre vieil Hexagone. (En surface, c’est plus que celle de l’Allemagne !).
Irlande et Timor, Japon ou Sicile prouvent aussi combien chaque atoll émergent peut se déchirer avec lui même et combattre les envies d’invasion.. Le fameux corridor entre Iran et Oman porte aussi le nom d’une île minuscule : Ormuz.. C’est aujourd’hui l’épine dorsale du système énergétique mondial.
En pleine tempête brexiteuse, un détour sur «Le temps de l’île» pourrait calmer les ardeurs de nos cousins britanniques en conflit avec le continent… Pour ne pas insister sur les tourments d’une Indonésie, cet immense pays composé de …. 13 000 îles !
“Le temps de l’île” est présentée au Mucem du 17 juillet au 11 novembre 2019 avec une exposition “L’invention du lointain” à l’île d’If (jusqu’au 30 octobre 2019).
Informations pratiques sur le site du Mucem