Les biocarburants classiques, issus essentiellement d’huiles végétales, peinent toujours à concurrencer le pétrole, toujours très bon marché en coût de production. Mais une découverte d’une équipe de chercheurs du CEA de Cadarache pourrait sérieusement renverser la donne. « Nous savions que les microalgues pouvaient synthétiser certains hydrocarbures en petites quantités, on a donc cherché l’enzyme qui était à l’origine du processus », explique Frédéric Beisson, chercheur au Laboratoire de bioénergétique et biotechnologie des bactéries et microalgues du centre de Cadarache.
Un hydrocarbure plus propre et moins cher
Ils ont trouvé une enzyme, baptisée FAP (Fatty Acid Photodecarboxylase), qui utilise la lumière pour transformer des acides gras en hydrocarbures. Le produit de cette enzyme est un carburant très pur, contrairement aux carburants fossiles qui contiennent de nombreuses impuretés dont la combustion est à l’origine de particules fines et autres composés cancérigènes. De plus, comme les molécules produites par l’enzyme ne contiennent pas d’atomes d’oxygène, leur combustion émet moins de NOx, ces fameux gaz toxiques et irritants pour les voies respiratoires. Il y a donc un avantage environnemental non seulement par rapport aux carburants fossiles mais aussi aux biocarburants classiques de type diester qui sont riches en atomes d’oxygène. « Et le bilan écologique est toujours neutre car on rejette dans l’atmosphère le CO2 qui a été consommé par la micro-algue », ajoute Damien Sorigue, le doctorant qui a mené le projet pour sa thèse. Deuxième avantage de taille, les hydrocarbures produits par des microalgues seront récupérés directement dans la phase gazeuse de la culture avec un système de piège, ce qui évite les étapes très énergivores et couteuses de récolte des microalgues, et d’extraction d’huile et de transformation chimique en diester actuellement utilisées pour produire du biocarburant à partir de microalgues. Le prix de revient de ce biocarburant pourrait donc significativement baisser à terme avec une rentabilité enfin intéressante pour les industriels.
Une start-up d’ici deux ans
Les chercheurs ont d’ores et déjà déposé un brevet sur les applications liées à la nouvelle enzyme afin de protéger leur découverte et travaillent aussi sur la création d’une start-up d’ici deux ans. Suite à la publication de leur travail dans la revue Science, des industriels et des capital-risqueurs ont contacté l’équipe pour leur proposer un accompagnement financier. Côté scientifique, la prochaine grande étape est la création d’une souche d’un micro-organismephotosynthétique surexprimant l’enzyme FAP afin de booster le rendement en hydrocarbures. Les secteurs de la cosmétique et de la chimie sont très intéressés par les hydrocarbures biosourcés et la future entreprise pourrait répondre à leur demande. « Les rouges à lèvres et les crèmes utilisent des hydrocarbures fossiles à petite échelle. Le but sera de fournir un produit biosourcé », avance Frédéric Beisson. La piste du biocarburant devrait être exploitée dans un deuxième temps car elle nécessite de produire des volumes très importants et d’avoir les infrastructures et ressources financières appropriées. Alors quand les voitures pourront rouler avec ce biocarburant prometteur ? « C’est très difficile à dire, il faut rester prudent car il y a eu trop d’emballement sur les carburants issus d’algues. Ça peut être dans dix ans comme dans vingt ans », avoue Frédéric Beisson.