Comment un ancien pizzaïolo breton Henri Pick peut-il être l’auteur d’un best-seller ? Que cache l’énigmatique Bibliothèque des livres refusés sur la presqu’île de Crozon en Bretagne ? Henri Pick avait-il une double vie ? Etait-il un écrivain de génie ou un imposteur ? Autant de questions qui taraudent Jean-Michel Rouche (Patrice Luchini) célèbre journaliste littéraire parisien, déterminé à mener sa propre enquête sur le mystérieux auteur, quitte à remettre sa vie en question …
Jusqu’à présent, Rémi Bezançon s’est fait connaître à travers des sujets intimistes à l’instar de Le premier jour du reste de ta vie (2005) ou, plus récemment, Nos Futurs (2015). Cette fois, il investit le polar, nous emmène au cœur d’une enquête singulière sans cadavre ni flic, et dresse le portrait ironique du milieu littéraire. Adapté de l’œuvre éponyme de David Foenkinos, le scénario aux nombreux rebondissements est construit autour du personnage principal, un rôle cousu main pour le brillant Fabrice Luchini. « J’ai aimé ce personnage de Jean-Michel Rouche qui arrive au milieu dans le livre, un critique littéraire qui fait une enquête sur ce qu’il considère comme une mystification. Et puis j’avais très envie de travailler avec Fabrice et j’ai écrit avec ma co-scénariste, Vanessa Portal, en ayant Fabrice en tête », explique Rémi Bezançon.
À ses côtés Camille Cottin, figure tutélaire de la série 10%, révèle l’étendue de son talent dans le rôle d’une mère de famille, intellectuelle (Joséphine Pick) qu’elle interprète tout en délicatesse. Elle forme avec Fabrice Luchini un délicieux tandem, à la recherche de la vérité tout en jouant sur l’ambiguité de leurs sentiments. Les autres protagonistes ne manquent pas de piquant à l’instar d’Hannah Shygulla, légérement perchée en maîtresse russo-polonaise viellissante.
Les dialogues font mouche et on se prend au jeu des indices fantaisistes repérés par le journaliste-détective. On rit aussi des clins d’œil aux archétypes de la littérature : de l’écrivain loser à l’éditrice excentrique, en passant par les amantes supposées jusqu’au club des lectrices exaltées dans le décor feutré de la Bibliothèque des livres refusés.
Avec Le mystère Henri Pick, tous les ingrédients sont là pour divertir à souhait les spectateurs.
Trois questions à Fabrice Luchini
Ce personnage de Jean-Michel Rouche dans Le Mystère Henri Pick semble proche de votre univers, auriez-vous pu être journaliste littéraire ?
Fabrice Luchini : Je n’aurais jamais pu faire ce métier d’être enthousiaste tout le temps, je pense qu’on se construit quand on est contre. Ça veut dire qu’il n’y a pas cinq chefs-d’oeuvre par semaine. Je serais pour m’enthousiasmer une fois tous les huit ans. Je n’ aurais jamais pu être un journaliste littéraire parce que je n’aurais pas pu trouver une source d’exaltation comme Le voyage au bout de la nuit toutes les semaines. Donc cette obligation d’aimer est le contraire de ma nature. Pour être enthousiaste, admiratif, ébloui par un Rimbaud, par un Jean Cau, par Péguy ou par Céline, tu ne peux pas être hostile à ce qui se produit de moyen.
La scène où votre personnage réinvente l’écriture de Marguerite Duras est particulièrement savoureuse, était-elle prévue au scénario ?
F. L. : L’idée de Marguerite Duras vient de Rémi. Il m’a donné des pistes mais elles étaient trop vraies, trop proches de Duras. C’est l’une des scènes qui marche le mieux, les gens rient beaucoup parce qu’ils la reconnaissent. Elle écrit peut-être pas comme ça, mais écrire comme « c’est le père qui écrit », tu sais ce côté drôle et solennel … Rémi a créé l’ambiance pour que j’ai envie de le faire.
Comment dirige-t-on Fabrice Luchini ?
F. L. : Michel Serrault disait toujours : « Mon angoisse c’est d’être sûr qu’on fait le même film avec le metteur en scène », et moi, maintenant, je suis très inquiet et je fais beaucoup de lectures pour voir si on est d’accord, si on comprend les mêmes choses. Il ne faut pas qu’au tournage on réalise qu’on ne va pas dans la même direction. Moi, je n’ai pas l’ambition d’avoir une conception des personnages, c’est pour ça que ce n’est pas désagréable de travailler avec moi car je n’arrive pas avec un plan.