Edouard Philippe était attendu « comme le loup blanc » dixit Dominique Bussereau, le président des départements français. C’est plus encore, le discours du Premier ministre que les présidents des départements réunis en congrès à Marseille attendaient de pied ferme. Malgré une ouverture au dialogue, l’annonce de moyens supplémentaires pour la prise en charge des mineurs étrangers ou encore un fonds d’urgence pour les départements en difficulté, le discours de plus d’une demi-heure, n’a pas contribué à apaiser les inquiétudes, notamment sur les engagements financiers.
Sur l’accueil des mineurs étrangers, Edouard Philipe a annoncé 132 millions d’euros de crédits supplémentaires, inscrits dans la loi de finances, l’Etat prenant en charge l’hébergement des personnes se déclarant mineurs. « Le rôle de l’Etat est d’accueillir une personne étrangère sur le territoire, de s’assurer que les titres qu’elle présente sont authentiques, de déterminer son âge », a signifié le Premier ministre, ajoutant qu’un groupe de travail ministériel planche actuellement sur la question. Sur ce point, il a également convié les départements à apporter leur expertise.
Edouard Philippe est également revenu sur les dépenses sociales qui pèsent sur les départements. Elles représentent 2/3 du fonctionnement et mettent des territoires en difficultés. Pour ces derniers, il a annoncé la mise en place d’un fonds d’urgence, d’ici peu. Concernant le RSA, le pilotage restera décentralisé, conformément au souhait de l’Assemblée des départements.
Faire du « sur-mesure » pour les métropoles
Plus localement, c’est l’avenir de la métropole Aix-Marseille Provence qui était au centre des inquiétudes. Sur cette question, l’hôte de Matignon s’est voulu un peu plus rassurant. « Quand le fait métropolitain est réel, alors le temps est au dialogue franc, constructif, ouvert, pour trouver des solutions adaptées, territoire par territoire. Il n’y aurait rien de plus erroné que d’imaginer qu’une seule solution juridique et institutionnelle puisse prévaloir pour traiter l’ensemble des métropoles. Il faudra faire du sur-mesure, et pour faire du sur-mesure, nous sommes ouverts au dialogue… »
Rien ne sera donc imposé. Pour Martine Vassal, que Gomet’ a interrogé à l’issue du discours du chef du gouvernement, le fait de faire du sur-mesure « c’est très important. Nous plaidons systématiquement qu’aucun modèle qui existe aujourd’hui n’est transportable. Et même quand nous aurons fait un modèle pour les Bouches-du-Rhône, il ne sera pas à copier ailleurs puisque chacun des territoires a ses spécificités ». Aujourd’hui, c’est à la Métropole de construire son meccano territorial et travailler sur son avenir de manière stratégique. Pour le reste, les annonces n’ont guère convaincu. « On s’y attendait un peu. Le gouvernement a des difficultés financières on le sait bien. Les collègues qui ont aussi des difficultés financières n’ont été que très légèrement rassurés. »
Compte à rebours pour boucler les budgets
Si les Départements gardent la compétence en matière de RSA, dont ils assurent le règlement depuis 2004, Martine Vassal regrette ne pas avoir reçu « d’éclairage sur les montants qui nous sont transférés ». Même chose sur l’accueil des mineurs étrangers isolés : « 132 millions vont être débloqués, c’est déjà un premier pas mais c’est largement insuffisant, parce que demain, il faudra accueillir des milliers de mineurs étrangers. Le Premier ministre lui-même a reconnu que ce phénomène n’irait qu’en augmentant, et que c’était aussi la responsabilité de l’Etat. Il faudra donc trouver les moyens financiers pour les structures d’accueil et trouver des solutions une fois qu’ils sont déclarés majeurs ».
Quant à l’incitation du Premier ministre à la maîtrise des dépenses de fonctionnement, la réponse est claire : « c’est ce que nous faisons déjà, on n’a pas attendu ce gouvernement pour le faire, mais lorsqu’on nous supprime des contrats aidés de façon brutale, qu’est-ce que je fais dans les collèges pour les remplacer ? Donc la masse salariale va nécessairement augmenter. Ensuite quand on nous impose les salaires de la fonction publique, cela a bien sûr des impacts… »
Elle note que le gouvernement amorce des pistes de négociations et « ouvre des portes », mais pour adhérer au pacte de confiance proposé par Edouard Philippe, « ça va dans les deux sens. Le dialogue est toujours rassurant mais les budgets arrivent» s’inquiète la présidente du département des Bouches-du-Rhône, même si elle tente de rester « optimiste. Ce n’est pas non à tout ». Un congrès des départements de France qui se termine sur une note plutôt amère. Mais Edouard Philippe a prévenu : « je veux m’engager sur des choses que je sais pouvoir tenir », au risque donc de décevoir.
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