Avec seulement huit salariés, Gem’Innov, spécialisée dans la micro-encapsulation, a développé plus de 700 applications pour des clients internationaux de la cosmétique ou de l’alimentaire. Sur ce marché en pleine croissance, l’entreprise a su s’imposer petit à petit, en toute discrétion. Yves Ortais, son fondateur, revient pour Gomet’ sur cette aventure au long cours.
Lorsqu’en 1996 Yves Ortais active l’entreprise familiale Gem’Innov créée deux ans plus tôt, il ne savait pas exactement ce qu’il allait y faire mais juste « l’envie d’utiliser la « caisse à outils » acquise pendant vingt ans passés chez Thomson et le bagage technologique d’ingénieur électronique pour remplacer la majorité des instruments de mesure par le seul instrument auto-étalonné : l’œil », explique-t-il. La thermochromie sera donc son nouveau terrain d’expérimentation pour les vingt années suivantes, avec pour objectif de faire de la variation d’un paramètre physique un indicateur de mesure par un changement de couleur « car j’ai fait une fixation chez un restaurateur qui m’amenait toujours une bouteille de vin chaude et je me disais : il faut que je puisse refuser la bouteille si elle n’est pas à la bonne température, mais avant qu’elle soit débouchée. » Et pour cela, il fallait donc créer une étiquette avec cette indication juste. Mais pour Yves Ortais, c’était ce qu’il appellera « une fausse bonne idée. J’ai fait le tour des producteurs de vin et des restaurateurs et cela ne les intéressait pas. C’est bien d’avoir une idée mais il faut avoir aussi un marché ».
Faire parler les couleurs
L’homme persévère et finit par trouver un marché, non pas avec des étiquettes de vins mais de l’encre anti-contrefaçon. « J’ai vendu, à moi tout seul, une tonne d’encre en Italie pour leurs cartes de téléphone prépayées », poursuit-il. L’aventure de Gem’Innov peut alors commencer sous de meilleurs auspices. Enfin presque, puisque deux difficultés de taille se présentent. La première concernait justement l’importation des micro-capsules. « Produites par le Japon, elles étaient inadaptées à mes besoins, mais je n’avais pas d’autre choix. En 2002, j’ai donc décidé “d’acheter” un Japonais avec son savoir-faire, mon fournisseur en l’occurrence, et j’ai réussi à le faire venir parce qu’on était en Provence ! » Mais le recrutement pour ce type d’entreprise est source de problèmes. « Nous étions obligés de démarrer en famille (avec sa fille chimiste Ndlr) car c’est très difficile de déposer un brevet en chimie et donc il fallait mieux être discrets. J’ai commencé à recruter seulement à partir de 2007 bien que financièrement, c’était encore difficile pour nous. De 2004 à 2013, on a eu chaud ! »
Au final, Gem’Innov a pu mettre au point grand nombre d’applications universelles parmi lesquelles la signalisation du verglas sur les routes grâce à un pictogramme qui apparaît sur le bitume à 0,5 degrés près ou encore l’indication de fièvre chez un enfant par l’intermédiaire du tissu de son pyjama.
Le packaging olfactif, le nouvel Eldorado
L’avantage des micro-capsules est qu’elles protègent leur contenu de tout contact avec l’oxygène. En 2008, Gem’Innov réussit, pour le compte d’un client, à encapsuler ainsi du parfum pour mieux le préserver, puis, quatre ans plus tard, des huiles essentielles. « Nous avons produit, par exemple, une composition pour les gants de travail industriels qui avec la transpiration ou l’humidité, dégageaient de mauvaises odeurs. Elle est antibactérienne, antifongique, antisueur et rafraîchissante, sur toute le durée de vie du gant. C’est exactement ce qu’on a aimé faire ! » s’exclame Yves Ortais. Depuis, Gem’Innov développe du packaging olfactif qui peut déclencher un acte d’achat, comme découvrir l’odeur des chips par simple effleurement sur le paquet, une solution créée ici à Gemenos pour le compte d’une marque anglaise. « Sentir est le dernier sens sur lequel on peut agir aujourd’hui et contre lequel on n’a aucune défense car il est programmé pour détecter les odeurs dangereuses et quand il a affaire à une bonne odeur, il se dit OK et attend la suivante… »
Les champs d’application de la technologie de Gem’Innov sont quasi infinis et concernent de nombreux secteurs : la cosmétique, la parfumerie, l’aromathérapie, le bien-être et le confort des personnes, la sécurité, le BTP, le textile, l’alimentaire… « On est les seuls à faire du sur-mesure » et parmi les dernières recherches : une solution naturelle, unique au monde, contre les punaises de lit, une autre contre le staphylocoque doré, ou encore une micro-capsule naturelle et sans plastique, compatible avec la problématique des cosmétiques.
Gem’Innov emploie seulement 8 salariés et son chiffre d’affaires a été multiplié par deux depuis trois ans pour atteindre 1 million d’euros cette année. Comme l’explique Yves Ortais : « Nous sommes restés pendant très longtemps à 150 000 euros car nous faisons de la recherche mais désormais, avec notre technologie de rupture, nous pouvons fournir l’outil qui permet à une entreprise de reprendre la main sur un marché ». Ce qui lui permet d’annoncer un prévisionnel de 20 millions d’ici deux ans.
Récompensé récemment par le Grand Prix Exportateur de la Chambre de métiers et de l’artisanat, Yves Ortais réalise 90 % de son chiffre d’affaires à l’international mais il sait que l’entreprise familiale va devoir passer un cap important pour poursuivre son développement et produire plus. La question est de savoir si, à 64 ans, il souhaite rester à bord du navire, sachant qu’il a déjà connu cette phase de fort développement lorsqu’il travaillait chez Thomson, à l’époque où le groupe est devenu industriel, ou s’il préfère passer la main. Investisseurs ou acheteurs, la porte est entrouverte.