La petite Fiat 500 blanche, parcourant les rues de Marseille vers Notre-Dame-de-la-Garde, entourée de motards et de grosses limousines noires, restera comme le symbole de la visite papale à Marseille. Un geste de communication pour exprimer la différence du pape certes chef d’un État, un des plus petits du monde, mais surtout porteur d’une parole de simplicité et de pauvreté.
François a multiplié les gestes de considération et d’affection envers le cardinal Aveline qui lui-même a soigné ses introductions en italien pour ses interventions. Une réelle complicité se lisait entre eux et une satisfaction heureuse de Jean-Marc Aveline qui voit l’aboutissement d’une décision arrêtée en janvier 2023.
Arrivé dans le mistral sur le parvis de la basilique, le pape François est d’abord entré dans l’édifice avec environ 200 clercs, des prêtres, des moines et des sœurs, des diacres et leurs épouses. Une fois les grandes portes fermées, dans cet univers clos, mais ouvert aux télévisions, le pape François a consacré naturellement un temps à l’adoration de Marie, la Bonne mère, à l’offrande d’un cierge mais il a surtout prononcé une intervention qui avait tout d’une admonestation, pour le clergé : il était en face de ses troupes et leur a délivré sa feuille de route dans un langage simple mais avec une autorité indiscutable. Compréhensible même sans traduction, ajoutant le geste et le regard appuyé à ses propos.
Qu’attend-ils de ceux qui portent l’Eglise catholique ? On peut résumer son propos en quatre leçons.
- Tout d’abord, ouvrir les portes : ouvrez dit-il « les portes des églises et des presbytères, mais surtout celles du cœur, pour montrer par notre douceur, notre gentillesse et notre accueil le visage de notre Seigneur ».
- Ensuite pardonner, et au cas où la traduction de l’italien aurait échappé au public il a répété « pardonnez, pardonnez, pardonnez » : « Soyez généreux comme Dieu est généreux avec nous. Pardonnez ! »
- « Que celui qui vous approche ne trouve ni distance ni jugement ; qu’il trouve le témoignage d’une humble joie, plus fructueuse que toute capacité affichée « Avis à ceux qui se croient juges de leurs ouailles !
- Soyez proches de ceux qui souffrent : « Soyez proches de chacun, surtout des plus fragiles et des moins chanceux, et ne laissez jamais ceux qui souffrent manquer de votre proximité attentive et discrète. » Il a appelé à être de ceux qui relèvent ceux qui sont en bas, non en les regardant de haut, mais en leur tendant la main. Par deux fois il a fait ce geste de celui qui prend la main d’une personne noyée pour la sortir de l’eau. Une expression corporelle qui en dit plus encore que le discours.
Le retour de Marseille Espérance
Le pape s’est ensuite dirigé sur le parvis de Notre-Dame où l’attendaient les membres de Marseille espérance, cette structure voulue par Robert Vigouroux, ressortie à propos pour cette adresse au peuple de France à propos des migrations. Cette structure qui n’est pas une association contrairement à ce qui a été écrit, mais un groupement autour du maire imaginé par Pierre Bonneric, le directeur de cabinet de Vigouroux qui se réunit en temps de crise pour appeler les communautés religieuses à jouer un rôle pacifique dans la société civile marseillaise.
Configuration qui permit à Jean-Claude Gaudin de serrer la main du pape (lui qui aurait tant souhaité recevoir son prédécesseur Benoît XVI) et à Benoît Payan de siéger à la gauche du pape François.
Le cardinal Aveline a introduit ce temps avec une intervention d’une grande fermeté dénonçant « les crimes » commis contre ceux qui veulent traverser la Méditerranée pour fuir la guerre, le changement climatique, les dictatures ou la faim.
Le pape François, a ensuite pris la parole avec une fermeté et une gravité visible. « La mer se trouve devant nous ; elle est source de vie, mais aussi un lieu qui évoque la tragédie des naufrages causant la mort », a déclaré le souverain pontife. « Nous sommes réunis en mémoire de ceux qui n’ont pas survécu, qui n’ont pas été sauvés. »
Une mer où est « ensevelie la dignité humaine »
Cette mer magnifique surplombée par la Bonne Mère est devenue « un immense cimetière où de nombreux frères et sœurs se trouvent même privés du droit à une tombe, et où seule est ensevelie la dignité humaine. »
Prenant de front la question des migrations qui est en débat tant au niveau européen que français, François n’a fait aucune concession à ses convictions profondes, telles qu’ils les a portées depuis sa première visite à Lampedusa il y a 10 ans.
À ceux qui veulent limiter les actions des sauveteurs en mer, le pape a lancé : « Nous ne pouvons pas nous résigner à voir des êtres humains traités comme des monnaies d’échange, emprisonnés et torturés de manière atroce ; nous ne pouvons plus assister aux tragédies des naufrages provoqués par des trafics odieux et le fanatisme de l’indifférence. »
« Le désintérêt qui condamne à mort, avec des gants de velours »
Et de poursuivre : « Les personnes qui risquent de se noyer, lorsqu’elles sont abandonnées sur les flots, doivent être secourues. C’est un devoir d’humanité, c’est un devoir de civilisation !” Il a appelé au courage politique et caritatif : « Le Ciel nous bénira si, sur terre comme sur mer, nous savons prendre soin des plus faibles, si nous savons surmonter la paralysie de la peur et le désintérêt qui condamne à mort, avec des gants de velours » contre le discours de rejet des migrants, contre les peurs, il a rappelé sans concession les fondements de la morale chrétienne et les fondements des trois monothéismes : l’hospitalité en convoquant Abraham qui « Hôte et pèlerin en terre étrangère, accueillait les voyageurs qui passaient devant sa tente. (…) Croyants, nous devons donc être exemplaires dans l’accueil mutuel et fraternel » a-t-il martelé.
François © Vatican News
Sans crainte de s’ingérer dans les débats nationaux et européens, il a appelé à combattre le « virus de l’extrémisme et du fléau idéologique du fondamentalisme qui rongent la vie réelle des communautés.» Il a convoqué Césaire d’Arles pour « Que personne ne garde dans son cœur des sentiments de haine pour son prochain, mais d’amour, car celui qui hait ne serait-ce qu’un seul homme ne pourra pas se tenir tranquille devant Dieu. »
Vous êtes “le Marseille de l’avenir”
Enfin, se tournant vers les associations qui à Marseille sont aux côtés des migrants, il les a invitées à poursuivre leur combat en leur disant trois fois « vous êtes le Marseille de l’avenir » . « Avancez sans vous décourager, afin que cette ville soit pour la France, pour l’Europe et pour le monde une mosaïque d’espérance ». Il conclut en forme de message adressé aux autorités politiques : « Cessez d’avoir peur des problèmes que la Méditerranée nous pose ! Pour l’Union européenne et pour nous tous, notre survie en dépend ».
Liens utiles :
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Le Pape exhorte à donner un visage aux personnes disparues en mer (Vatican News)