Après le succès des croisières maritimes à Marseille, le Département veut réitérer l’exploit sur le fleuve. La présidente, Martine Vassal, a annoncé un engagement financier fort de la collectivité pour développer les capacités d’accueil de paquebots le long du Rhône. Quatre communes sont concernées : Arles, Tarascon, Port-Saint-Louis-du-Rhône et Martigues. Chacune dispose d’un fort potentiel de développement mais manque encore cruellement d’infrastructures suffisantes pour accueillir les bateaux de manière satisfaisante.
La Provence fluviale : une destination « sous-développée et sous-équipée »
Dans une étude menée en 2017, Provence Tourisme (ex- Comité départemental du tourisme 13) a estimé l’importance des retombées économiques que pourrait produire un développement de la croisière fluviale à 20 millions d’euros par an. Sans compter les centaines d’emplois créés par la hausse d’activité des services inhérents à la filière (avitaillement, maintenance et réparation, carburant, excursions…). « Le potentiel est énorme si on arrive à mettre les équipements et l’offre à niveau », insiste Isabelle Brémond, le directrice de Provence Tourisme. Pour l’instant, l’organisme dresse un constat bien morne des capacités du territoire sur le tourisme fluvial : « La destination Provence sur le Rhône est aujourd’hui sous-développée et sous-équipée. Exceptée l’escale de Tarascon, aucune commune des Bouches-du-Rhône ne peut accueillir les paquebots de nouvelle génération, longs de 135 mètres. Plus généralement, le nombre de postes à quai existant est insuffisant et conduit régulièrement à refuser des escales. Par ailleurs, l’accueil des passagers est défaillant, et l’éventail des services à quai ainsi que l’offre d’activité touristique à terre sont très limités, voire inexistants », écrit-il dans son enquête. Pour améliorer la situation, les communes réclament l’aide du Département, de la Métropole et de l’Etat pour investir massivement sur les équipements et les aménagements.
Améliorer l’accueil des croisiéristes à la descente du bateau
Comme l’indique Provence Tourisme, Tarascon est aujourd’hui la seule escale adaptée à l’accueil des bateaux de 135 mètres qui deviennent la norme pour les croisières fluviales. « Ce ponton a en fait été construit car Avignon et Arles sont saturées », raconte le maire de la commune, Lucien Limousin. L’édile croit au potentiel de la ville de capter les ressources de cette clientèle de touristes mais pour l’instant, les conditions d’accueil sont loin d’être satisfaisantes. « Aujourd’hui, les passagers débarquent sur l’espace dédié aux déchets des bateaux », se désolent Lucien Limousin. Les croisiéristes font donc bien escale à Tarascon mais ne restent pas longtemps : « Ils montent directement dans les bus qui les emmènent vers Gordes, aux Saintes-Marie de la Mer où je ne sais où », constate le maire. Il faudrait donc créer une véritable halte fluviale, des cheminements piétons et des pistes cyclables qui relierait le fleuve au centre-ville historique : « On pourrait aussi faire un marché sur les quais », imagine Isabelle Brémond.
A Port-Saint-Louis-du-Rhône, la problématique est double. En plus de l’impossibilité d’accueillir des navires de 135 mètres, le quai Bonnardel où accostent les paquebots sert également aux navires de marchandises transportant des céréales : « On ne peut pas rester comme ça. Il faut créer une véritable ère d’accueil dédiée au tourisme fluviale », prévient le maire, Martial Alvarez. En 2018, Voies Navigables de France (VNF) a lancé une étude pour préciser les solutions techniques envisagées et l’estimation des coûts pour l’accueil des bateaux de fret et des paquebots fluviaux. Pour l’instant, il n’existe qu’une seule place pour les navires de 110 mètres sans la possibilité de se mettre à couple. « On manque aussi de branchement électrique et d’alimentation en eau », ajoute Martial Alvarez. Un avant-projet doit être livré d’ici la fin de l’année pour connaître les solutions techniques et le montant d’investissement nécessaire à la création d’un nouvel appontement. En attendant, Port-Saint-Louis prouve son potentiel en continuant d’attirer de nouvelles compagnies. Dernier en date, l’américain Avalon Waterways arrive cette année pour la première fois avec une excursion prévue chez les conchyliculteurs locaux et une visite des sites industriels du territoire. « J’ai de plus en plus de réunions avec des compagnies qui s’intéressent à nous. C’est très encourageant pour l’avenir », avance Brigitte Maldonado, la directrice de l’office du tourisme de Port-Saint-Louis du Rhône.
Arles veut doubler sa capacité d’accueil au quai Lamartine
Avec seulement 48 escales en 2018, Martigues est le plus petit port de tourisme fluvial du département mais lui aussi porte de grands espoirs. La commune veut créer un nouvel appontement pour accueillir les bateaux de 135 mètres à côté de la mairie : « On a beaucoup de foncier disponible près de l’hôtel de Ville et de l’office tourisme. On pourrait y installer un marché et des départs de cars pour tout le reste du territoire », explique Alain Salducci, l’adjoint au tourisme de Martigues. Mais l’arrivée de nouveau bateaux est conditionné au développement des autres escales dont la plus courtisée d’entre elles actuellement, Arles. La ville romaine attire de plus en plus de touristes et figurent sur de nombreuses croisières des compagnies (Croisieurope, Viking, Mireio…). En tout, elle accueille 468 escales dont 68 en tête de ligne. Si sa halte fluviale est le mieux équipée actuellement, elle reste sous-dimensionnée pour recevoir les fameux bateaux de 135 mètres. La Compagnie nationale du Rhône (CNR) prévoit donc de créer deux nouveaux postes d’accostages en amont du pont des Lions, dans la continuité de la gare existante sur les quais Lamartine, à proximité du centre-ville. Le montant de l’investissement est évalué à 1,4 millions d’euros et permettrait de doubler la capacité d’accueil. Reste un problème à régler. Pour pouvoir créer un espace dédié aux cars, la ville doit récupérer une partie des terrains appartenant à la SNCF. De plus, le calendrier prévoit un lancement des travaux en 2020 « Cela tombe en pleine période des élections municipales, ce qui peut toujours remettre en cause un projet de cet ampleur », avoue Christian Mourisard, l’adjoint au tourisme d’Arles.
Le syndicat mixte Provence fluviale, nouveau bras armé du territoire
Les points forts et points faibles du territoire sont identifiés. Martine Vassal, la présidente du Département et de la Métropole, veut maintenant rendre concrète sa volonté de développer la croisière fluviale sur le territoire. « Cela va dans le bon sens. Tout le monde est maintenant d’accord, au-delà de tout clivage politique, pour investir dans le secteur », affirme Alain Salducci, l’adjoint au tourisme de la ville de Martigues dirigée par le parti communiste. En février dernier, le Département a voté la création du syndicat mixte Provence fluviale et la Métropole a confirmé sa concrétisation il y a deux semaines.
« Cette structure va nous permettre de peser davantage dans les négociations avec les acteurs qui détiennent la maitrise du foncier comme VNF, la CNR ou encore le port de Marseille Fos », explique Martial Alvarez. Ce syndicat mixte doit également établir les règles de répartition des financements des différents projets et permettre de mobiliser l’argent des fonds européens, de l’Etat et de la Région. Mais en pleine réflexion sur l’avenir de la métropole Aix-Marseille Provence, la préfecture a émis une réserve sur la création de cette structure qui pourrait encore un peu retarder sa mise en ordre de marche. Deux communes, Port-Saint-Louis-du Rhône et Tarascon y sont représentés en même temps que la Métropole et la Communauté d’agglomération Arles Crau Camargue qui détiennent depuis la loi Notre la compétence tourisme. Ainsi, le préfet conteste la présence des deux municipalités. « Cela devrait être clarifier par le gouvernement dans les prochains mois avec les nouvelles règles induites par la fusion programmée de la Métropole et du Département », indique Martial Alvarez. En espérant que cela ne bloque pas le lancement des aménagements tant attendus par les compagnies et le territoire.
Repère :
En 2018 : 825 escales réalisées dans les Bouches-du-Rhône, soit 100 000 passagers (14 000 embarquant, 86 000 en transit d’après les données du logiciel Gescales (VNF), utilisé pour la gestion et la tarification des escales des navires de croisière fluviale.
– 170 à Tarascon dont 29 en tête de ligne
– 486 à Arles dont 68 en tête de ligne
– 121 à Port-Saint-Louis-du-Rhône
– 48 à Martigues dont 30 en tête de ligne