Samedi 12 décembre, le Caumont Centre d’Art organisait sa « Carte blanche au street-art ». L’occasion pour quatre artistes de rencontrer un public et un lieu peu habitué à leur style, et d’assister à une exhibition.
L’espace d’une soirée, l’odeur des bombes de peinture embaume la cour du Caumont Centre d’Art. Le bâtiment accueillait samedi 12 décembre la quatrième et dernière « Carte blanche » de l’année, consacrée au street-art. Rencontre entre quatre graffeurs d’une quarantaine d’années et cette bâtisse bourgeoise du début du XVIIIème siècle.
Les débuts au graffiti
Dire 132, RNST et Remy Uno ont commencé le graffiti en vandale dans les années 90, en écrivant leurs noms sur des murs comme la plupart des graffeurs débutants. Pour le new-yorkais Myles Carter, c’est différent, «j’ai commencé à peindre sur toile à 10 ans et j’ai toujours continué tout en faisant du vandale» . Pour Dire 132, « le graff est fait pour être dans la rue, il a une connotation vandale totalement justifiée ». « C’était pour sortir du lot, ne plus passer inaperçu quand j’avais mon nom sur un mur » continue ce père de famille de 41 ans. À l’époque, la prise de risque fait partie de leur quotidien. « C’est à celui qui va aller le plus loin, si on pouvait faire une navette spatiale on la ferait! » lance Dire 132 en ne rigolant qu’à moitié.
Du graffiti au street art
Tous les quatre ont commencé dans les années 90, à une époque où le graffiti était plus perçu comme un acte de dégradation de l’espace public qu’un art. « Dans le graff, la question de la démarche artistique ne se posait pas » détaille Remy Uno. C’est le passage du mur à la toile, de la rame de métro à la galerie d’art qui a opéré à un véritable déclic. « Avant je faisais du graffiti, maintenant je fait du street-art, c’est cette perception des gens qui a changé » illustre Dire 132. « La toile demande plus de réflexion, de recul, la transition vers ce support est compliquée » pour RNST, plus adepte des pochoirs et des collages que du graff.
Rémy Uno, le marseillais
Graffeurs depuis la fin des années 90, ce marseillais travaille aujourd’hui à Berlin. Il commence le graffiti en suivant son groupe, mais le déclic lui vient plus tard. « Mon côté glouton obsessionnel est arrivé après, quand j’ai trouvé mon style, fait de portraits colorés, éclatés » . Le passage du mur à la toile a été difficile, « hyper flippant » . Aujourd’hui, ses dessins sont des représentations abstraites, à la bombe ou au pinceau, loin du lettrage, pour lequel il n’était « pas doué » .
Dire 132, le graff en noir et blanc
Bruno de son prénom, cet aixois originaire de Créteil a débuté dans le graff vandale, une activité «pour soi avant tout, pour voir son nom». « Se retrouver la nuit dans un dépôt de métro, c’est autre chose, un monde à part avec plus d’adrénaline » illustre-t-il de sa voix grave . Diplômé d’art, il s’oriente récemment vers le travail à la bombre sur toile en noir et blanc. Quelque chose de « plus personnel, contrairement au vandale qui est éphémère » . Pour Rémy Uno, il est aujourd’hui « une figure, un modèle » à Marseille.
RNST, le rockeur aux collages
RNST ne graffe pas, ou plus. « J’était moins à l’aise avec le graffiti, donc j’ai opté pour les pochoirs et les collages » . Diplômé des beaux-arts de Dijon, il cherche son inspiration chez des artistes comme Andy Warhol ou Basquiat. Il est le plus contestataire des quatre. Il représente beaucoup les enfants, «la fragilité pour faire passer un message plus durs » . Issu du rock « alors que le street-art est plus associé à la culture hip-hop » , il a travaillé dans l’univers des festivals, « la musique, la peinture, tout ça c’est de la couleur » . Il peint souvent sur des matériaux de récupération « des bouts de tôle, des portes de frigo, des objets qui ont une histoire, un vécu », comme une attache qu’il garde avec la rue .
Myles Carter, l’américain
Ce new-yorkais de naissance, fils du jazzman Ron Carter, commence le dessin dès son plus jeune âge. Exposé depuis 30 ans, il peint sur toile avant même de graffer. Il débarque à Paris en 1987, rencontre « Joey Starr et d’autres initiateurs du mouvement en France » . « Moi, je suis peintre, le terme street-art est secondaire » dit-il pour qualifier son style. Du vandale, il en a fait, « Stalingrad, c’était mon lieu favori ». « Mes 10 ans passé en France m’ont donné un autre regard sur mon pays », conclue ce français d’adoption.