Lorsqu’on évoque les élections départementales à venir du côté de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône, la question que l’on lit sur toutes les lèvres n’est pas « Est-ce que le PS conservera sa majorité au Conseil Général ? » mais « Est-ce que Guérini sera réélu [à la présidence du Conseil Général] ? ». L’ancien « patron » du PS local, qui avait quitté son parti tout en conservant ses fonctions électives en 2012 continue encore de hanter la fédération.
Si Jean-Noël Guérini est parti du Parti socialiste, bon nombre de ses amis ont choisi d’y rester. Et l’appel des 22 vient semer le trouble dans une fédération socialiste qui pâtit de la situation locale comme du contexte national. Cet appel, qui a pris la forme d’un communiqué, réclame une alliance PS – Force du 13 (le parti créé par Jean-Noël Guérini) lors de ces élections. Les conseillers généraux signataires, tous membres du Parti socialiste, s’en défendent en invoquant la « trop longue crise économique et sociale » que traverse notre pays et souhaitent le rassemblement de la majorité départementale sortante car « L’enjeu des élections départementales est trop important […] pour qu’il ne se résume à des petits arrangements politiciens ». Mais cet appel divise, plus qu’il ne rassemble.
[pullquote] Jibrayel et les MJS, seuls contre tous. [/pullquote] En effet, des voix s’élèvent au sein du camp socialiste pour refuser la réélection de Jean-Noël Guérini à la présidence du Conseil général. Parmi elles, le député et conseiller général sortant Henri Jibrayel ou le Mouvement des Jeunes Socialistes du département. Mais si ces voix discordantes sont peu nombreuses, elles soulignent la position très ambivalente du PS : aucun candidat à la présidence du Conseil général n’est déclaré. Et le flou artistique régnant, les signataires de l’appel des 22, soutenant donc tacitement ou explicitement le président Guérini, ont tous été investis pour les prochaines élections départementales. « Ils sont légitimes puisqu’il sont sortants » nous indique-t-on du côté de la Fédération. Quant aux cantons où le PS ne compte pas de sortants, ont été envoyés des jeunes candidats, généralement sans affinité particulière avec Guérini : des « outsiders qui font leurs armes et qui n’ont jamais été élus sur leur nom » nous confie un militant socialiste marseillais, sous couvert d’anonymat.
[pullquote] Masse/Ghrib : Les couples se forment et se défont. [/pullquote] Après le temps des désignations vient celui de la campagne. Et les nouvelles modalités de ces élections viennent ajouter encore à la complexité des candidatures. Puisque sur chaque canton, c’est un binôme homme/femme qui doit être candidat, cette règle est source de divisions supplémentaires. Ainsi, dans le 6ème canton de Marseille, le Parti socialiste avait investi le conseiller général sortant des Olives Christophe Masse et une jeune militante Zina Ghrib qui n’a encore jamais pris part à une élection sur son nom. Mais M. Masse s’est permis de ne pas suivre les consignes de la rue Montgrand candidatant alors avec une militante associative « ayant travaillé de nombreuses années aux côtés de Marius Masse », c’est-à-dire une proche de sa famille. Zina Ghrib, qui a d’abord décidé de rester candidate, a finalement baissé les bras et a renoncé « à être candidate contre un candidat de mon propre parti » nous confie-t-elle.
[pullquote] Des affiches : les logos et les couleurs se mélangent.[/pullquote] M. Masse n’affiche pas le logo du PS sur ses affiches prétextant que son nom y fait déjà référence. Il va encore plus loin puisqu’il a opté pour un code couleur bleu marine et jaune foncé qui se rapproche étrangement de la charte graphique de La Force du 13. Mais il n’est pas le seul à avoir choisi de ne pas afficher le logo du Parti socialiste : Rébia Benarioua l’a également fait, et durant cette campagne il n’hésite pas à s’afficher avec le président du conseil général qui vient en personne lui apporter son soutien. D’autres encore sont encore plus ambivalents, et n’osent pas trancher. Ainsi, Denis Rossi se permet d’afficher simultanément le logo « Parti socialiste » et celui de « Force du 13 » sur ses affiches officielles.
Le PS 13 révèle donc, lors de ces élections, ses difficultés à s’affranchir de l’homme qui fut pendant plus de 10 ans le « patron de la fédé [socialiste] ». De nombreux militants ont quitté la fédération avec lui, et de nombreux élus qui lui sont proches semblent aujourd’hui écartelés entre le Parti Socialiste et la Force du 13. Mais plus que de division, il faut désormais parler d’une véritable décomposition du PS des Bouches-du-Rhône. Jusqu’à quand ?
Bertrand Connin