A l’heure du développement du virtuel, du big data et de l’automatisation des activités, le dirigeant financier peut être la véritable « boussole » de l’organisation dans laquelle il évolue. Qu’il soit dans le secteur privé ou dans le secteur public, sa compréhension globale de l’écosystème, son sens de l’écoute et du conseil peuvent faire de lui un facilitateur via la mise en place de prospectives et d’outils de pilotage pour aider la gouvernance à prendre les décisions pertinentes. Le sens de l’action et l’humain sont au cœur des débats. La coopération entre le privé et le public, l’échange de bonnes pratiques qui favorisent la compréhension réciproque sont autant de leviers au service de la performance.
En partenariat avec le CNFPT Paca (Centre national de la Fonction Publique Territoriale), l’Université d’Aix-Marseille, le cabinet Deloitte et les réseaux Afigese, AITF et AATF, le réseau des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG) Provence a organisé une journée de réflexion et de partage sur les bonnes pratiques des métiers de la finance et du contrôle de gestion. D’éminents praticiens, experts, hommes de l’art, universitaires ont exposé et partagé leurs expériences.
Un élargissement du recours aux contractuels dans le public
La première table ronde était consacrée au nouveau profil du dirigeant financier dans les organisations publiques et à la mobilité public-privé. Une question particulièrement d’actualité puisque l’Assemblée nationale a adopté le 28 mai dernier un projet de loi sur la “transformation de la fonction publique”. Il s’agit de moderniser le statut de fonctionnaire et de l’adapter aux évolutions de la société: quelque 5,5 millions d’agents sont concernés au niveau de l’Etat, de la fonction publique territoriale et hospitalière. « Cela passe notamment par l’élargissement du recours aux contractuels (déjà au nombre d’un million) qui doit rendre l’administration plus attractive et réactive, mais aussi par des mobilités facilitées, un dispositif de rupture conventionnelle, un contrat de projet sur le modèle du privé ou encore un dialogue social simplifié avec une refonte des instances », anticipe Marie-Hélène Debayle, présidente de la DFCG Provence.
« Le projet de loi de la réforme de la fonction publique territoriale qui vient d’être adopté propose des outils qui vont dans ce sens comme les contrats de mission. Ceux-ci faciliteraient pour les collectivités de taille modeste l’embauche de cadres de haut niveau dans certains domaines ; cela permettrait de gérer un dossier, un projet spécifique pendant quelques années », confirme Sonia Pavic, DGA RH et services au public à la Ville d’Aix-en-Provence.
Gestionnaire des deniers au service du public
La plupart des intervenants observent une convergence des métiers de la finance entre le privé et le public. « Le dirigeant financier de structure publique intègre de plus en plus dans son métier une dimension stratégique et des compétences demandées dans le privé », selon Tanguy Cathelain, président et fondateur du think tank IFGP et coach de dirigeants. Avec toutefois des contraintes et une approche différentes. « En matière de finances publiques on commence par le suivi des dépenses, c’est la grosse différence par rapport au secteur privé qui commence plutôt par les recettes et le chiffre d’affaires », souligne Laurent Besozzi, directeur de la commande publique et des achats de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (retrouvez son interview en vidéo), tout en observant que le financier a un rôle de plus en plus central dans les collectivités : « son rôle est de mettre en œuvre le projet politique sous contraintes financières. Il doit apprécier la façon dont l’argent public est utilisé… » Même si l’étiquette de « cost killer » ou de « super comptable » lui colle encore quelquefois à la peau…
Du fait de la longévité des carrières et des besoins de compétences nouvelles, passer d’un secteur à l’autre est de plus en plus fréquent. Mais, avant de franchir cette étape, les intéressés devront se poser une question fondamentale : « A-t-on la capacité à “switcher” sur un autre système de valeurs », recommande Tanguy Cathelain. Tout en sachant que nombre d’élus recherchent des dirigeants capables de trouver l’équilibre entre la bonne gestion des deniers publics et l’exercice du service public. Plus qu’une conviction, une vocation.
Paroles d’intervenants :
Marie-Hélène Pebayle, présidente de la DFCG Provence : « Cette journée avait pour but de faire connaître le métier de dirigeant financier, qu’il soit pratiqué dans le privé ou dans le public, mais aussi de démystifier tout « l’inconscient collectif » autour du métier de financier dans le secteur public. Ce que j’observe de plus en plus dans les collectivités territoriales, c’est que l’on travaille ensemble, notamment sur des dimensions d’aménagement ou des sujets opérationnels. La finance a besoin de s’ouvrir et de mieux se comprendre, pour créer des synergies et travailler sur la performance. La DFCG s’emploie justement à développer cette connaissance. Elle a créé un groupe Services publics il y a une vingtaine d’années, organise des Assises au niveau national à Paris, et pour la première fois en région à Marseille le 11 juin.
Dans les collectivités territoriales, la mixité public-privé est une réalité, de par tous les dispositifs de gestion qui peuvent être mis en place : les DSP, délégations de services publics, les différents appels au privé. C’est plus difficile au niveau de l’Etat, mais la démarche est en voie d’ouverture. » > Retrouvez son interview en vidéo ici.Emmanuel Millard, directeur général adjoint du groupe Coallia et président de la DFCG Services Publics : « Le thème est d’actualité puisqu’il s’agit de rapprocher le public et le privé dans les directions financières. La DFCG travaille sur ce sujet depuis plusieurs années et nous avons fait des propositions au gouvernement, dont trois ont été retenues, pour faire mieux travailler ces deux mondes, qui parfois s’ignorent. Ces propositions concernent l’ouverture des postes d’encadrement aux contractuels dans la fonction publique ; l’organisation et la gestion de l’ensemble des grands projets informatiques de l’Etat ; et la révision du périmètre des 1500 Etablissements publics et opérateurs de l’Etat, avec si nécessaire des rapprochements, des fusions, pour aller vers une meilleure efficacité de ces organismes. Selon moi, diriger un établissement public, c’est la même chose que de diriger un établissement privé. Il y a assez peu de différences, si ce n’est pas la comptabilité budgétaire, mais les réflexes de gestion et d’organisation sont assez similaires. Donc il n’y a pas de raison de ne pas faire tendre ces approches vers un modèle commun ou en tout cas proche. Les deux secteurs peuvent beaucoup s’apporter mutuellement, en matière par exemple d’organisation, de gestion budgétaire, de contrôle des risques ou de mise en place de plans de financement ». Retrouvez son interview en vidéo ici.
Laurent Basso, directeur de la délégation CNFPT Provence-Alpes-Côte d’Azur : « De mon point de vue, le métier de directeur financier dans les collectivités territoriales a sensiblement évolué au cours des 15 dernières années : de « technicien financier » qui prépare un budget et en assure l’exécution, il est devenu, notamment sous la pression financière qui s’exerce sur les collectivités locales, un allié objectif et incontournable des élus (et de la direction générale) dans le pilotage stratégique de la collectivité. Il est, avec d’autres directeurs « ressources » (achat public, RH »), l’acteur central dans la recherche d’économies et dans l’objectivisation des choix politiques (quelle soutenabilité financière pour quel niveau de service public). » Retrouvez son interview en vidéo ici.
Tanguy Cathelain, président et fondateur du think tank IFGP et coach de dirigeants : « La fonction finance dans le secteur public s’est rapprochée de ce qui se pratique dans le secteur privé, avec l’apparition du contrôle de gestion, le travail sur la réduction des coûts. La pression sur les finances publiques accélère cette professionnalisation. Toutefois, alors qu’en entreprise, le directeur financier fait partie du comité de direction, partage sa vision avec le directeur général et le conseil d’administration et se situe à un niveau très stratégique, c’est encore loin d’être le cas dans le secteur public où un saut quantique doit être réalisé. »
Prochain rendez-vous le 26 septembre au Pharo où sera remis le prix du directeur financier de l’année pour la région Provence.
Tous les détails sur le site de la DFCG Provence.