On a souvent déploré que les PME de notre pays, et de notre région en particulier, soient sous capitalisées, que leurs capacités de mouvement, d’investissement, de développement soient bloquées par un capital maigrichon. Les récents chiffres de notre Observatoire du financement des PME, comme les scores régionaux révélés par l’Afic – l’Association française des investisseurs pour la croissance – dévoilent une réalité toute différente.
Dès qu’une entreprise présente son bilan, qu’elle recherche des partenaires financiers ou sollicite un crédit, la question de ses fonds propres (1) est mise sur la table. Le banquier prêtera à hauteur des fonds propres ou en tout cas sera attentif à ce chiffre, sésame des crédits. Cette antienne, nous l’entendons depuis longtemps, avec en écho, une sous-capitalisation qui serait un mal français, face au modèle germanique ou anglo-saxon. [pullquote]Une base de 160 000 entreprises étudiées[/pullquote]Finances et Conseil Méditerranée, en partenariat avec l’Arii (Agence régionale pour l’innovation et de l’internationalisation Paca), exploite les données de la base Diane pour contribuer au diagnostic du financement des PME en Paca. Ce travail a été fait sur la base des 160 000 entreprises de Paca de plus d’un salarié en utilisant le panel des entreprises ayant déposé des chiffres actualisés.
Nous avons relevé les chiffres sur dix années de 2005 à 2014. Et le graphique est limpide : les entreprises de notre région ont augmenté leurs fonds propres passant de 20 milliards d’euros de capitalisation, pour notre panel en 2005, à plus de 45 milliards d’euros, ce qui est tout à fait considérable. Ce mouvement est continu et accuse juste à un tassement avec la crise de 2008-2009.
[pullquote] Un record en 2015 : 134 entreprises soutenues.[/pullquote] Les chiffres de 2015 révélés par l’Afic à Marseille le 30 septembre 2016 montre que les investissements en capital battent tous leurs records en Paca. Si le chiffre global investi est similaire à celui de l’an dernier : 341 millions d’euros pour 347 en 2014, le nombre d’entreprises concernées a crû de 22% passant de 109 entreprises (ce qui était déjà un record historique) à 134 cette année.
Nombre d’entreprises ayant bénéficié d’un investissement capital (Innovation développement ou reprise). Source AFIC
Cette croissance n’est pas une particularité de notre région. Au plan national, la courbe que nous publions ce dessous suit la même tendance.
Par contre, une analyse plus fine montre que la capitalisation augmente logiquement avec la taille de l’entreprise mais avec un différentiel très fort entre les sociétés de moins de 10 salariés et les PME de plus de 250. Nous avons donc globalement une exploitation consolidée des entreprises mais si nous regardons maintenant la rentabilité de ces fonds propres, nous devons modérer notre optimisme. Les chefs d’entreprise sont en effet économes et prudents. Mais la rentabilité des fonds immobilisés en haut de bilan a tendance à se dégrader. Les entreprises sont ainsi de moins en moins capables de générer du profit à partir des capitaux propres.
Cette baisse de rentabilité pourrait avoir deux causes. D’abord, des marges très faibles de nos PME. On sait que le CICE leur a peu profité et que les charges grèvent toujours la rentabilité de nos start-up comme des PME de croissance. Avec des résultats moyens et des fonds propres en hausse la rentabilité de l’euro placé est mathématiquement en baisse. La seconde explication pourrait se situer au niveau de l’endettement et nos prochaines études permettront de clarifier ce volet.
On remarque que les grands groupes sont mieux capitalisés que les petits et moyennes entreprises avec un écart très grand entre les sociétés de moins de 10 salariés et les sociétés plus structurées de plus de 250. Enfin un graphe semble évident : les entreprises qui ont des résultats positifs ont un haut de bilan en très forte croissance tandis que les sociétés dans le rouge sont en chute et mangent le capital. Nous sommes face à des entreprises, qui ont été laminées par la crise, qui ont consommé leurs réserves et qui voient aujourd’hui leurs fonds propres fondre mois après mois.
Les conclusions :
1. D’abord, un réflexe sain et durable des chefs d’entreprise s’est installé, qui conduit à renforcer les fonds propres et à conforter la structure du capital avec des résultats tangibles et statistiquement significatifs. Chapeau ! Devrait-on dire.
2. Une industrie du capital-risque mature. Avec la forte progression des deux dernières années, Paca se hisse à un bon niveau avec une particularité par rapport aux autres régions : une capacité à financer plus de projets avec des tickets plus modestes. Le capital-risque est adapté à notre tissu économique et sait prendre en compte la réalité régionale.
3. Par contre nous relevons deux failles du financement. Pour les entreprises qui sont en perte et en voie de dé-capitalisation, il y a besoin de dispositif de retournement de restructuration des fonds propres. Un dossier difficile car, il ne s’agit pas de perfuser à tout prix des entreprises en difficulté ce qui ne ferait que prolonger le problème et coûterait de l’argent public, mais de diagnostiquer les entreprises à potentiel qui ont besoin de temps et d’investissement pour retrouver la croissance.
4. Enfin les financements de haut de bilan ont progressé, mais très peu interviennent en amorçage. Nous n’avons pas encore les outils financiers publics ou privés qui assurent cette prise de risques et donnent leur chance à des projets audacieux. À suivre.
Christian Apothéloz, délégué général de Finances et Conseil Méditerranée (FCM)
et Aïssata Boubacar, chargée d’études à FCM (Marseille, le 2 novembre 2016)
(1) Le terme “haut de bilan” est issu de la présentation réelle du bilan qui fait apparaître en haut du bilan, les emplois et les ressources à long terme de l’entreprise que sont les fonds propres, les dettes à long terme et les financements sur le long terme. On parle couramment de « haut de bilan » lorsque l’on désigne les éléments à long terme qui constituent le bilan et ce, que ce soit à l’actif ou au passif. On dit également que le « haut de bilan » est composé d’éléments solides alors que le « bas de bilan » est composé d’éléments plus liquides (trésorerie).
Pour résumer, ce qu’il faut retenir de la définition du « haut de bilan », ce sont les éléments situés dans la partie supérieure du bilan, donc les éléments solides orientés sur le long terme. Les éléments du « haut de bilan » : Ce sont les emplois et ressources stables liés à l’outil de travail, on retrouve toute la partie immobilisée à l’actif que peuvent-être terrain, équipement ou usine (immobilisations) et les ressources stables au passif que sont les capitaux propres et les dettes à plus d’un an.