C’est une promesse de campagne d’Emmanuel Macron : les dernières centrales à charbon françaises encore en activité doivent fermer leurs portes d’ici 2022. Au nombre de quatre, elles sont situées à Cordemay (Loire-Atlantique), au Havre, à Saint-Avold (Moselle) et enfin à Gardanne. Les deux premières appartiennent à EDF tandis que les deux autres sont détenues par l’allemand Uniper. Le gouvernement souhaite aller vite sur ce dossier et a invité les élus locaux à Paris vendredi 19 octobre pour les convaincre de signer un contrat de transition énergétique (CTE). Officiellement, ce document doit préciser les moyens humains et financiers mis en œuvre par l’État pour accompagner la conversion du tissu économique local autour de projets durables. Mais dans les faits, une signature des élus acterait la fermeture programmée dans les trois ans.
Le front commun des élus locaux contre la fermeture en 2022
« On refuse de se soumettre à ce chantage de l’État, prévient Béatrice Aliphat, déléguée à l’industrie à la Métropole. Il est hors de question que l’on signe quoi que ce soit sans réel projet industriel », insiste-t-elle. Cette position, elle est allée la défendre devant le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, vendredi 19 octobre au nom de la Métropole Aix-Marseille Provence « mais aussi de la Région qui m’a assurée de son soutien », affirme celle qui siège aussi au Conseil régional. C’est la présidente de la Métropole et du Département, Martine Vassal qui lui a confié la mission de s’opposer au gouvernement. « On nous demande de fermer une centrale en 2021 sans tenir compte de l’impact sur les salariés et leurs familles. Et si on stoppe, comment on alimente le territoire en énergie ? Le gouvernement ne semble pas s’être posé la question », avance Martine Vassal.
Les élus locaux se sont donnés le mot pour s’opposer au Président sur le sujet. Les communistes, représentés par Pierre Dharréville (député PC de la 13e circonscription), Claude Jorda (conseiller départemental PC) et le maire de Gardanne, Roger Meï, ont également participé à la réunion. « Le ministre nous a dit que la décision était prise, qu’il n’y avait plus discuter… Voilà la méthode de ce gouvernement », dénonce Pierre Dharréville. Alors que contient ce fameux contrat de transition écologique qui doit sauver l’industrie à Gardanne ? « Rien », répond Sophie Joissains qui est également montée défendre sa position en tant que sénatrice. « Résultat, on a fait choux blanc. Le ministre a acté le refus des collectivités de signer le CTE. Maintenant, on ne sait pas quelle sera la suite », s’inquiète-t-elle. Les négociations sont au point mort pourtant il y a urgence pour les salariés de la centrale. En coulisse, le propriétaire de l’usine Uniper prépare sa sortie.
Uniper réclame une compensation pour la fin du charbon
Avec 1,3 milliard d’euros de chiffre d’affaires en France et plus de 65 milliards dans le monde, Uniper fait partie des poids-lourds de l’énergie. Le mois dernier, le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung a dévoilé que le groupe a mandaté la banque Rotschild pour vendre ses actifs français. Les annonces du gouvernement français sur la fin du charbon inquiètent Uniper qui affirme avoir dépensé un milliard d’euros depuis 2008 dans l’Hexagone pour diviser par deux ses émissions de gaz à effet de serre. Résultat, il demande à l’État une indemnité pour compenser l’arrêt du charbon. Jeudi 18 octobre, la veille de la réunion sur le CTE, Luc Poyer, le président d’Uniper France a été reçu en toute discrétion par François de Rugy. Le ministre a présenté son souhait de trouver une solution de reconversion industrielle pour la centrale et Uniper a répondu qu’il aurait besoin d’un soutien financier. Luc Poyer a finalement invité François de Rugy à venir visiter ses centrales de Gardanne et Saint-Avold pour poursuivre les négociations. Le ministre aurait accepté et pourrait se rendre très prochainement à Gardanne.
De leur côté, les salariés n’ont toujours pas été reçus par le gouvernement. « On est les seuls à qui on explique rien », s’énerve Nadir Hadjali, secrétaire adjoint du syndicat CGT de la centrale de Gardanne. Alors que les élus était à Paris vendredi, ils ont occupé la chambre de commerce de Marseille pour se faire entendre. Ils réclament une réunion tripartite avec l’entreprise et l’Etat, ainsi qu’un moratoire pour trouver une solution alternative permettant de sauver leur outil de travail. Les salariés ont mandaté le bureau d’études Berim pour plancher sur le dossier. Ce dernier a notamment travailler sur la fermeture de la centrale à Charbon de Montceau-les-Mines en 2014 même si son projet n’a pas été retenu. « On a plein d’idées notamment sur la captation ou du stockage de CO2 pour rendre l’usine plus propre », avance Nadir Hadjali. De son côté, Uniper a également lancé un appel à initiative pour trouver une solution industrielle. La direction doit présenter les projets retenus dans trois mois aux salariés.
Charbon lyophilisé, hydrogène : les solutions alternatives
A la mairie de Gardanne aussi, on réfléchit aux alternatives pour transformer la centrale. Roger Meï milite pour l’utilisation du charbon lyophilisé « qui serait plus propre car débarrassé de toutes ses impuretés », explique le maire. Une piste jugée «intéressante » par Martine Vassal. Le maire de Meyreuil, Jean-Pascal Gournes, évoque également la piste de l’hydrogène soutenue également par Sophie Joissains. « Avec les 25 hectares de terrain du site et le gazoduc qui va jusqu’en Italie, la centrale est tout à fait adaptée pour le développement de la filière hydrogène », estime-t-elle. La fille du maire d’Aix-en-Provence réclame un soutien financier fort de l’État pour mettre en branle cette reconversion : « Lorsque les mines ont fermé, il y a eu un fonds d’accompagnement de 38 millions d’euros étalés sur 7 ans », rappelle la sénatrice. A l’origine de la mise en place du CTE avec le gouvernement, le député François-Michel Lambert affirme être en contact avec cinq investisseurs intéressés pour reprendre la centrale et le site « dans le domaine de l’énergie mais pas seulement », ajoute-t-il sans vouloir dévoiler leur identité. En tous cas, il ne veut plus d’Uniper sur le site : « Il faut les sanctionner plus fort car ils ne respectent pas la réglementation. En plus, avec leur projet de biomasse inefficace, ce sont 70 millions d’argent public chaque année qui partent en fumée », dénonce l’élu. La nouvelle unité biomasse, critiquée par les écologistes, est toujours en phase de rodage à Gardanne et ne semble pas suffisante pour assurer l’avenir des 174 salariés du site. Pour l’heure, elle n’est parvenue à produire que 500 mégawatts heure, un chiffre encore loin des 7 500 Mwh annoncés par Uniper.
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