Voleur et déserteur, Jean Genet vécut déjà cinq mois enfermé sur la rive du Lacydon. C’était juste en face de Saint Jean qui montre actuellement son œuvre : derrière les barreaux et puissants murs du fort Saint Nicolas, en 1937. L’année précédente, ce rebelle avait quitté sans permission la garnison aixoise du régiment d’infanterie coloniale du Maroc.
Né à Paris de père inconnu et d’une mère ouvrière – lingère (qui dut l’abandonner car elle ne gagnait que 2 francs par jour en 1910), il devient, âgé de seulement 7 mois, pupille de l’assistance publique. Il rêve de fuir, et s’échappe systématiquement de tous les lieux où il est placé.
Son cap portera les couleurs de la Méditerranée. Espagne, Italie, Yougoslavie, Albanie, Liban, Jordanie, Syrie et Grèce. De ce dernier pays, il dira : c’est celui “où j’ai le mieux respiré “. Ultime témoignage de cette vie d’errance, une tombe solitaire de pierre brute, sur le littoral marocain, entre désert et océan. La dépouille de Genet repose à Larache depuis 1986, voici tout juste 30 ans.
Homme qui marche
Entre temps, le petit délinquant aura rencontré un ami : Alberto Giacometti. Un immense sculpteur dont l’exceptionnel Homme qui marche (1960) trône au coeur de l’exposition. Un bronze haut de quasi 2 mètres, venu en voisin de la fondation Maeght de Saint Paul de Vence. Comme l’écrira le philosophe Jean-Paul Sartre, Genet décide d’assumer ce que la société a fait de sa personne. Ce sera, en 1948, son premier livre : Journal du voleur. Qui commence ainsi : « Le vêtement des forçats est rayé rose et blanc. »
De fait, l’exposition n’est pas ici strictement littéraire. Nombre d’archives jaunies , de source policière, judiciaire, psychiatrique ou pénitentiaire rythment la trajectoire de ce singulier personnage.
A la barre d’un tribunal, Jean Cocteau affirme en 1942, que « le prévenu est le plus grand écrivain de l’époque moderne. » Le fugitif homosexuel échappera à la réclusion perpétuelle à la suite d’un geste de grâce présidentielle. Pourtant le président de la République du moment, Vincent Auriol, alerté par le poète Cocteau, n’avait pu lire du Genet. Ses ouvrages, réputés séditieux, ne circulaient que sous le manteau !
Captif amoureux
En 1952, Genet reproche à Sartre et Cocteau de l’avoir “statufié “. Il passe à l’écriture dramatique. Lorsque le théâtre parisien de l’Odéon affiche ses Paravents, quatre ans après la fin de la guerre d’Algérie, l’extrême droite proteste et manifeste. S’illustre déjà à cet instant un meneur véhément nommé Le Pen Jean-Marie.
Par la suite, le captif amoureux ne cessera plus d’agir et de témoigner en faveur des populations qui souffrent. Après “les enfants criminels, les voleurs minables, les bandits foireux, les bonnes assassines” [Le Monde, 8/4/2016], est venue l’heure de soutenir les Palestiniens de Chatila et les “nègres” des ghettos nord américains. Angela Davis et la responsable palestinienne Leïla Shahid confirment par vidéo ce qu´apporta Genet à leur combat émancipateur. À tous ceux qui rêvent encore de flamboyants vagabondages, d’amours libérées et d’écritures ensoleillées, l’escale au fort saint Jean (Genet) est recommandée.
Du 16 avril au 18 juillet.
Fermé le mardi. Ouvert de 11 à 18h en avril, 19h en mai juin 5 à 9,5€ le billet d’entrée.