Il est vingt heures et la salle de spectacle du Pavillon Noir à Aix-en-Provence est plongée dans une pénombre abyssale. Le rideau s’entrouvre sur une silhouette brune, qui tête baissée, trône au centre de la scène. Un spot de lumière rectangulaire vient illuminer le corps immobile du danseur. Une sonorité robotique répétitive agresse les tympans. Le corps de l’homme se meut, doucement, par isolations. Son poignet se courbe et se crispe au rythme des accents de cette musique électronique. Le spectateur est happé par ce rituel magnétique, absorbé par ce jeu énigmatique d’ombre et de lumières blanches qui ruissellent sur les membres du danseur. C’est alors que l’homme débute un enchainement de mouvements souples, aériens et dynamiques, répétés à la vitesse de la lumière comme si cette mélodie monocorde le possédait.
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Ondulations, pivotements, vagues corporelles, Hiroaki Umeda devient un pantin désarticulé qui bouge à la manière d’un feu follet, d’un faisceau de lumière. La scène s’assombrit de nouveau. Soudain, un couloir lumineux inonde le champ visuel du spectateur sur la droite. Un bruit sourd envahit l’espace. Fuite d’eau ? Geyser en irruption ? La silhouette du danseur est aussitôt aspirée vers cette luminosité. Une deuxième cascade lumineuse baigne le japonais dont le corps fléchit vers la gauche au son de gouttes d’eau.
Un cocktail multi sensoriel
Cette gymnastique répétitive, mêlant gestuelle acrobatique, figures d’arts martiaux et ondulations du buste, Hiroaki Umeda l’a acquise grâce aux cours de danse contemporaine, et hip hop qu’il suit depuis ses 20 ans à Tokyo. Aujourd’hui, il fait partie des figures emblématiques de l’art avant-gardiste japonais. Depuis la création de son entreprise S20, ses performances ont fait le tour du monde. Son œuvre est le fruit d’une fusion entre danse contemporaine, installations visuelles, et performances sonores, un cocktail multi sensoriel. L’initiative du spectacle « Median » est née du profond intérêt que porte Umeda pour la chorégraphie du temps et de l’espace. Le chorégraphe est également compositeur, designer, et scénographe. Né à Tokyo en 1977, il a étudié la photographie à Nihon University avant de prendre des leçons de danse contemporaine, moderne, classique et hip-hop.
Malgré les sonorités stridentes lancinantes qui deviennent obsessionnelles pour le spectateur, et la quasi absence d’Hiroaki Umeda sur l’espace de la scène, « Médian » propose tout de même une performance visuellement enrichissante. Elle capture le spectateur dans un tourbillon lumineux, à la croisée entre lévitation et virtualité, et l’emmène tout droit dans le royaume des imaginaires numériques.