Marseille a vu naître Edmond Rostand (1868-1918). Elle en a gardé le gout du drame ou de la comédie. La vie politique contemporaine de la ville s’inscrit donc, tout naturellement, dans cette veine-là. Le maître des mots et des répliques saillantes prétendait que « c’est la nuit qu’il est beau de croire en la lumière ». Mais pour l’heure seule une obscurité épaisse tient lieu d’horizon à l’avenir politique de la ville. Tentons d’éclaircir ce ciel encombré. Les élections municipales demanderont aux impétrants plus qu’un survol des problèmes marseillais.
Le rassemblement façon puzzle
L’été aura été aussi clair que le paysage politique fut trouble. La gauche marseillaise – comme sa cousine aixoise avec « Aix en partage » – a connu son printemps ou plus exactement la promesse d’une éclosion à venir. Communistes, socialistes, insoumis, écologistes, titillés par des associations ou des collectifs réputés progressistes ou solidaires, se sont inscrits dans une démarche qualifiée de « mouvement sans précédent ». Une incantation qui répond à des urgences : des partis à la dérive, condamnés à la portion congrue, des appels au secours des laissés-pour-compte, des naufragés de l’habitat indigne, des oubliés de la croissance et enfin et surtout l’impérieux devoir d’en finir avec des méthodes qui ont durablement disqualifié la gauche. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres et rien n’indique aujourd’hui que ce mariage annoncé des formations politiques et des représentants de la société civile (on parle de 50/50) sera fécond. Parce qu’il sera difficile de repousser les faux nez, ces anciens apparatchiks revenus, bien malgré eux, à la vie civile après la disparition de leurs navires amiraux. Les anciens communistes, écologistes, socialistes sont pléthores dans ce mouvement en cours de constitution, orphelins d’un passé saccagé et dans la fragile espérance d’une renaissance. Circonstance aggravante aucun homme, aucune femme, n’a l’épaisseur suffisante, à quelques mois de l’échéance des municipales, pour se saisir de l’oriflamme marseillais et le porter haut dans l’impitoyable médiasphère. Il serait périlleux, pour ceux qui avec générosité s’engagent dans cette nouvelle aventure, de sous-estimer les objectifs ou les ambitions plus ou moins affirmés de chacun. Les Insoumis rappellent, à qui sait les lire et les décrypter, que 2020 est anecdotique car leur grand timonier, Jean-Luc Mélenchon, député de Marseille se prépare pour la mère des batailles, la présidentielle de 2022. Les écologistes dopés par les dernières européennes ne jurent que par l’argument environnemental mâtiné d’un zeste de social et revendiquent d’être aux meilleurs rangs. Les communistes, au nom de la real politik, savent que seules des alliances objectives permettront de ne pas être totalement rayés de la carte électorale. Les socialistes sans direction nationale avérée se débattent encore pour se défaire des oripeaux que porte encore leur histoire locale. Une seule issue pour rendre lisible le puzzle : un projet. Il est à construire et à faire partager.