Effet de souffle et mistral gagnant
Marseille et l’aire métropolitaine ont voté à quelques nuances près comme l’ensemble de l’Hexagone. A priori le parti du nouveau président, La République en marche, devrait encaisser les dividendes d’un début de quinquennat réussi avec un Emmanuel Macron servi par un contexte international inédit. Certes les « affaires », Richard Ferrand et Marielle de Sarnez, ont plombé l’atmosphère gouvernementale. Pour autant rien n’indique que ces incidents de parcours aient eu quelque influence sur le fort mistral qui souffle en faveur des « marcheurs ». La notoriété relative des deux protagonistes de cet épisode juridico-médiatique explique sans doute, en partie, l’absence d’effet « sondagié » de ces premiers faux-pas de l’équipe dirigeante. Par ailleurs, l’annonce par François Bayrou des grands principes de la future loi de moralisation a de quoi museler quelques aboyeurs. Particulièrement à Marseille et dans le 13 où les exemples dans chaque camp de ce qui ne sera plus permis sont pléthoriques. Il sera désormais difficile de reprendre l’antienne de la célèbre poissonnière du quai des Belges « À Marseille l’important c’est pas de voler, c’est de ne pas se faire prendre ! » Une page est tournée…
Le récit interrompu
Le livre dans lequel s’écrivait notamment l’histoire du Parti socialiste bucco-rhodanien va rejoindre la poussière des rayons du passé. Le defferrisme a survécu à son initiateur de 1986 – mort de Gaston Defferre – à aujourd’hui. Mais ce sont ses pires travers qui ont perduré pendant ces années, du clientélisme au clanisme, en passant par la case prison ou le box des accusés. Il y a belle lurette que les sections et a fortiori le siège de la fédération, rue Montgrand, n’ont pas entendu des débats d’idées entre militants. On était aubryste, hollandais, vallsien, montebourgeois, royaliste, hamonien… et à un niveau subalterne ciotiste, guériniste, payanien. On est passé dans ce parti en déshérence de la guerre des courants, au souffle mortifère des courants d’air. Les quelques têtes pensantes qui auraient pu, si ce n’est atténuer la tempête au moins réduire ses effets dévastateurs, n’ont exprimé que de vagues regrets et fredonner l’air de la nostalgie quand il fallait entonner l’hymne du renouveau. Les adversaires du PS dans les Bouches-du- Rhône n’avaient plus qu’à écrire les chapitres à venir.
La perpétuité
Au premier rang de cette adversité, les Républicains bien sûr. On a beau ironiser sur les 112 ans cumulés de mandature de Jean-Claude Gaudin, son mouvement a signé en raflant le conseil départemental, la Région et les mairies de Marseille et d’Aix pour une forme de perpétuité. Ecrire pour autant que ce courant de pensée a effacé des « années de méthodes condamnables » comme se sont égosillés à le faire croire quelques ténors imprudents de cette droite omnipotente serait un pieux mensonge. Les petits arrangements entre Gaudin et Guérini, cannibalisant ici une mairie de secteur, soutenant là une adversaire alliée objective là, ont dupliqué à s’y méprendre les recettes peu reluisantes qui avaient été utilisées pendant un demi-siècle de defferrisme. On n’est pas encore au bout des surprises pour les chapitres conflit d’intérêt, népotisme, emploi fictif et autres turpitudes. Les législatives si l’on en doutait, voient ressurgir quelques vieux réflexes au nom de l’intérêt supérieur de quelques-uns et au détriment de celui d’une grande majorité de métropolitains qui ont exprimé pourtant leur volonté d’en finir avec ce vieux monde.
Le parachutiste
Il fut un temps en cette bonne terre provençale où il était périlleux d’accepter d’être parachuté. A Aix comme à Marseille quelques candidats téméraires ont goûté en leur temps à la rugosité des mœurs politiques locales. D’autres plus célèbres encore – Bernard Tapie – ont payé pour voir ou ont évité de parier laissant – comme Christine Lagarde – le soin de laisser circuler les rumeurs sans les infirmer ou les confirmer. Jean-Bernard Raimond ancien ministre de Jacques Chirac fut ainsi à Aix (députe et conseiller municipal) une de ces victimes expiatoires. Il nous confiait alors qu’il n’avait jamais vu d’aussi près ce qu’il croyait n’appartenir qu’aux méthodes de la pègre. Ce fin lettré était plus habitué à la moquette épaisse des ministères qu’à la calade meurtrière du cours Mirabeau. On est moins inquiet pour un récent parachuté. Jean-Luc Mélenchon aime le verbe et son lyrisme est fécond mais il y associe le muscle pour se frayer un passage au milieu des chenapans qui le guettent dans les ruelles et les quartiers. Convertira-t- il pour autant les quasi 40% obtenus, dans cette désormais fameuse 4e circonscription, à la présidentielle, en rente de situation législative ? La question reste ouverte. Mélenchon sait pouvoir compter sur le PC, pas rancunier pour un sou, le PR calculateur pour deux sous, et un électorat rebelle à trois sous, pour réussir son pari. Ou plutôt son Paris puisqu’il compte bien après un parachutage réussi sauter sur l’Assemblée nationale et faire entendre la voix de ceux qui attendent encore « les jours heureux ». Un certain Patrick Mennucci a juré de le noyer dans la bouillabaisse. Il y aura un sacré pastis le 9 juin au soir sur les rives de la Canebière.
Le minot en division 1
On aime bien les histoires de minots à Marseille depuis que l’OM les a fait entrer dans la légende. Les candidats d’En Marche voudraient être couronnés par cette auréole-là. Sont-ils tous pour autant de cette étoffe ? L’avenir Immédiat nous le dira. A quelques exceptions près, La République En Marche n’a investi que des néophytes en politique. De quoi faire ricaner les cumulards qui jurent que seule l’expérience permet de s’y retrouver dans les arcanes complexes des palais du Luxembourg et Bourbon. Le démenti est bien évidemment venu du président de la République avec ses moins de 40 ans, son absence totale de mandat électif et sa très courte expérience ministérielle. La France a choisi de se risquer dans une histoire sans précédent épatant le monde et s’étonnant elle-même. Il faudra cependant dans une ville et une région très tactile compter avec l’absence de notoriété. Quelques ambigüités peuvent également fausser la donne, l’électeur ayant du mal à distinguer la différence entre un label En Marche et un label Majorité Présidentielle. Si comme à la présidentielle, l’aire métropolitaine vote pour la génération spontanée macronienne, la secousse ébranlera d’abord les deux anciens partis dominants le PS et LR. La participation et la qualification pour le second tour à 12,5% des inscrits peuvent malgré tout peser sur l’écriture du scénario. Le FN en crise interne, est à l’agachon et rien ne permet de dire qu’il va être rétrogradé. La France Insoumise peut aussi créer la surprise. Rien n’est donc écrit. Seule l’incertitude est en marche.