Un passé qui passe à la trappe
Si les vestiges de Panzani sont encore bien visibles sur le port autonome de Marseille, ceux de Lustucru risquent de passer à la trappe à Arles. La « halle », qui porte ce nom « agro-alimentaire », a de forte chance de disparaître, malgré une ossature architecturale qui mériterait un classement au patrimoine industriel. Las, la mairie communiste a été sollicitée par une grande surface qui promet 200 emplois à venir. Françoise Nyssen, Arlésienne et néanmoins ministre de la Culture, a été alertée et plus de 3 000 personnes réclament, à travers une pétition, la sauvegarde de ce mécano d’acier attribué aux ateliers de l’illustre Gustave Eiffel. On retrouve la même émotion sur le port de Marseille, où cinq grues désormais immobiles, rappellent qu’il y a une mémoire ouvrière dans cette ville portuaire. Il existe pourtant des exemples qui démontrent que l’on peut sauvegarder le passé, tout en misant sur l’avenir. A Paris, rue des Francs Bourgeois dans le Marais, la très populaire enseigne Uniqlo a ainsi investi et préservé une fabrique du XIXème siècle, qui fait le bonheur des visiteurs amateurs d’histoire comme des consommateurs de fripes. Plus près de nous, les Docks sont aussi un exemple à suivre, même si la fréquentation n’est pas encore à la hauteur des investissements. Il serait singulier qu’Arles, capitale internationale de la photographie, gomme ainsi l’image d’un passé où de nombreux habitants se reconnaissent encore.
Soulagement général…
On voyait bien que la guerre pointait le bout de son vilain museau. De déclarations guerrières en leadership autoproclamé, en passant par l’émergence de club rassemblant les énergies en attendant les idées, tout cela sentait le soufre, la mobilisation générale, le bellicisme. Les soldats de l’an qui s’annonçait s’appelaient Renaud Muselier, Martine Vassal, Yves Moraine, Lionel Royer-Perreau, Valérie Boyer… tous issus de la même famille politique des Républicains et tous résolument décidés à déclarer l’époque de Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, révolue. Et puis voilà commencée la fameuse année de tous les dangers. Par un message d’abord abondamment diffusé sur les panneaux publicitaires de la ville. Cet avis à la population annonce, avec roulement puissant de tambour, la bonne nouvelle : 2018 sera l’année de l’Armistice. Martine Vassal présidente du conseil départemental le signe, avec ses meilleurs vœux et ceux de son assemblée, en toutes lettres majuscules. Il serait malvenu d’attribuer cette communication à quelque début de campagne même si l’iconographie magnifie une Marianne résolument martiale. Qu’on se le dise ce n’est que du centenaire de l’armistice de la grande guerre de 14-18 qu’il s’agit. On voit mal comment nos guerriers républicains pourraient reprendre les armes pendant cet anniversaire hautement symbolique. Rompez les rangs !
Encore un effort
Parmi les mauvaises nouvelles fiscales de cet an nouveau, une ou deux bonnes. Marseille restera au plus bas pour les PV de stationnement avec 17€ quand sa voisine Aix est à 33€. Certes en cas d’oubli fâcheux, le contrevenant devra subir néanmoins une majoration (67€). La ville compte sur ses agents pour remplir ce denier de l’automobile culte. Elle a par ailleurs concédé la fourrière à une entreprise privée qui n’aura, selon les élus, pas d’états d’âme pour réprimer quand les municipaux étaient contraints à d’incessants palabres. Pour autant cette métropole régionale, au sommet du hit-parade national des bouchons et concomitamment de la pollution par hydrocarbure, ne mériterait-elle pas un électrochoc ? Elle a très opportunément octroyé à l’adjoint chargé entre autres de la circulation les thèmes de l’environnement et de sa protection. Robert Assante qui sait faire entendre sa voix et son indépendance, a peut-être un rôle audacieux à jouer pour marquer de son empreinte sa gouvernance. Comment tolérer que les trottoirs soient plus que jamais envahis par les puissants deux roues alors que les voitures sont réprimées ? Pourquoi a-t-on un front de mer et une corniche Kennedy livrés à la course motorisée, alors qu’on pourrait imaginer au soleil couchant, qui est un des plus beaux du monde, des promeneurs tranquilles et contemplatifs ? L’escapade récente d’une forte délégation à Miami devrait inspirer nos édiles. Pourquoi ne pas étudier des changements du plan de circulation et faire de la rue Breteuil par exemple, une pénétrante vers l’hypercentre au lieu de soumettre les utilisateurs à un long et polluant gymkhana, lorsqu’ils passent du huitième au sixième arrondissement ? La liste est non exhaustive, mais une vraie consultation de la population pourrait être utile. Autant qu’urgente.
Le drame en direct
Il faisait grise mine cet envoyé très spécial de BFM TV dans les Alpes. Non seulement ses doigts étaient prisonniers du froid intense qui régnait en cette heure très matinale, mais les informations qu’il nous délivrait avec la tête de Charles Pasqua les jours de défaites électorales, avaient de quoi glacer les meilleures énergies. « Ecoutez braves gens » qui vous apprêtez à quitter vos barres d’HLM pour aller bosser, et pour qui l’horizon le plus haut n’a jamais dépassé le sommet du Garlaban, il y a dans les stations de ski (moins de 10% de Français pratiquent ce loisir) des gens qui souffrent. Et notre reporter bravant le vent froid de lâcher l’information la plus importante de cette journée « parmi les lourdes conséquences » des intempéries « des vacanciers ne pourront pas skier aujourd’hui ». A Marseille, où cette chaîne d’info continue est très populaire, on imagine la réaction de tous ceux qui s’apprêtaient à reprendre, pour le SMIC, leur journée de boulot. « Peuchère » y a quand même des gens qui souffrent dans ce monde injuste et brutal. Le président de la République a annoncé qu’une loi verra le jour en 2018 pour lutter contre les « fake news » (fausses nouvelles). Il faudrait peut-être y ajouter les « défèque news ».
Tu dis des mots…
On a parfois, lorsqu’on exerce le beau métier d’informer, la fâcheuse tendance à se laisser porter par le contexte dans lequel on est immergé et qu’on est amené à décrire. Trois exemples puisés dans la presse écrite locale. Nous avions été terrorisés par exemple par ce fait divers automobile dont une partie était ainsi rédigée : « C’était sans compter sur la Clio qui allait surgir et manquer de peu de lui arracher le bras ». Plus récent le témoignage d’un policier lors d’un énième règlement de compte : « le mec s’est fait fumer à deux mètres de distance ». Comme le dirait le regretté Michal Audiard, « c’est du brutal ». Existe aussi parfois la tendance à substituer à la réalité des fantasmagories qui traînent dans nos têtes. Ainsi quelque observateur zélé décrit désormais la zone des grossistes chinois implantée sous le centre commercial Grand Littoral, comme un nouveau « Chinatown ». Pour ceux qui connaissent un peu New York, cette appellation n’a rien de rassurant. Très opportunément la chaîne Netflix a installé, en lettres géantes, le titre de sa série « Marseille » sur ces mêmes pentes. Les téléspectateurs qui ont suivi les premiers épisodes de cette fiction confirment qu’elle abonde dans le sens de la mauvaise réputation. Bref il serait peut-être temps de sortir de l’abus de langage qui peut nuire à la santé mentale de nos concitoyens.
Pas de quoi s’amuser
L’anecdote ne surprendra que ceux qui n’ont jamais franchi la porte d’un musée de Marseille. Notre visiteur se présente au guichet d’un des établissements dont pourrait s’enorgueillir la ville. Il bénéficie, de par ses fonctions dans le domaine de l’histoire de l’art, de la gratuité, mais voulant encourager les efforts de ses collègues pour mettre en valeur le patrimoine antique, décide de s’acquitter d’un billet d’entrée (6€). Hélas il n’a qu’un billet de 50€ à offrir. La guichetière fait une moue à inspirer un Jérôme Bosch ou un Francisco de Goya. Il fouille ses poches ne trouve que trois euros et se résout timidement à présenter une carte bleue. L’employée ne dissimule pas son dégoût mais consent à tendre le boîtier magique. Reste que notre amateur éclairé d’histoire a une autre requête. Peut-il mettre sa petite valise dans une consigne ? Là il comprend qu’il agace sérieusement le fessier qui est définitivement fixé derrière le comptoir. Un doigt lui désigne des caissons où les scolaires posent lors de leur visite leurs cartables. On lui explique que ce n’est pas surveillé et il croit même entendre la fameuse réplique de Chevalier et Laspales: « c’est vous qui voyez, y’en qu’ont essayé, mais ils ont eu des problèmes ». Sa curiosité muséale prend le dessus et il se risque à pousser plus loin malgré cet accueil peu engageant. Au sortir de cette visite il louera la qualité scientifique du musée. Pour l’accueil il n’en conservera pas un souvenir durable.