Municipales, premier tour en 2019
Les élections municipales de 2020 se joueront en partie… en 2019. Pour les Marcheurs notamment. Les Européennes seront, en particulier pour la « macronie », le juge de Paix. Pour deux raisons. Tout d’abord avec la jurisprudence Gérard Collomb, le président de la République exige que les candidats ministres aux municipales démissionnent dès l’échéance européenne passée. Ensuite parce que ce scrutin sera un révélateur tant certains, à commencer par les Insoumis et le Rassemblement National, souhaitent le détourner de son objet, l’Europe, pour le transformer en référendum anti- Macron. Aux yeux de l’Histoire ce sera une erreur colossale, tant les dangers menacent notre vieux continent. Mélenchon et Le Pen n’en ont cure, d’autant que les élections locales n’exposent pas à la lumière crue, comme les européennes. On verra ainsi à Marseille prospérer des débats contre l’immigration alors que la ville est consubstantiellement composée de migrants. On entendra des voix s’insurger contre l’absence d’aides de l’Europe alors qu’un Renaud Muselier rappelle régulièrement – il fut secrétaire d’Etat aux Affaire Etrangères – que la municipalité a été souvent incapable de monter les dossiers qui lui auraient permis d’y accéder. On parlera de l’impérieuse urgence du repli sur soi et d’identité nationale alors que nombre de nos étudiants ont trouvé leur salut – on pense aux programmes Erasmus – dans l’ouverture internationale. Napoléon disait qu’en politique « une absurdité n’est pas un obstacle ». Certains vont le démontrer.
Trois thèmes pour franchir l’obstacle
Les élections municipales de Marseille personne ne veut officiellement en parler – à l’exception notable d’un Bruno Gilles (LR) – mais tout le monde y pense. Fortement. Elles se joueront sur trois thèmes qui réunissent à eux seuls l’ensemble des faiblesses de la cité. La circulation, l’insécurité et les écoles. Premièrement : la circulation et son corollaire la place du piéton dans la ville. Aucun prétendant ne pourra faire l’impasse sur ce questionnement. Il y va de la pollution qui fait de Marseille le mauvais exemple à ne pas suivre. Comme de l’art du bien vivre comme en témoigne l’émergence d’un mouvement citoyen – le « syndicat des poussettes enragées marseillais » – qui s’insurge sur le sort fait aux enfants en particulier dans cet enfer urbain. Cela induit enfin l’économie. Nombre d’entreprises à commencer par les commerces souffrent de la thrombose qui a atteint le cœur même de l’hypercentre. Deuxièmement : la question de l’insécurité qui ne peut se résumer à la seule litanie réclamant de l’Etat des renforts policiers voire des militaires comme le suggéra un temps la sénatrice Samia Ghali. Elle est liée aussi à l’abandon depuis des décennies de populations marginalisées par le chômage, la pauvreté, l’ignorance. Sans oublier l’absence de réseaux de transports pour s’intégrer à l’ensemble de la ville. Le droit d’inventaire induira nécessairement des analyses cruelles pour ceux qui ont laissé se creuser un fossé quasi infranchissable entre des zones perdues et des zones prospères et ceux qui ont fait de ces espaces un terreau électif et clientéliste. Troisièmement : il y aura enfin la question de l’école. Des écoles devrait-on écrire tant le public est ici distancé par le privé. Pour le premier, un collectif, réclame une remise en question du partenariat public privé signé pour les rénovations et constructions les plus urgentes par la municipalité Gaudin. S’il est jugé coûteux – on parle de 30% de dépassements par rapport à des choix d’entreprises locales – il est surtout insuffisant pour combler la béance qu’on a laissé grandir au fil du temps. La bataille de Marseille sera à l’image de sa réalité : triplement âpre.
Retenez-les ils vont faire un malheur
LR les a exclus de la métropole. Ils veulent exclure LR de la ville. Les quatre députés marcheurs marseillais viennent de signer un texte qui confirme leur intérêt pour la prise de Marseille, malgré les atermoiements du premier d’entre eux, Christophe Castaner. Ils ont perçu dans l’éviction de leur représentant de la vice-présidence métropolitaine – le maire de la Roque d’Anthéron, Jean-Pierre Serrus – comme un casus belli. Finis donc les ronds de jambes devant Jean- Claude Gaudin et Martine Vassal ; ils ont décidé de mettre la marche avant pour dénoncer tout à trac le système, les méthodes, les hommes et les femmes qui prétendent se partager l’héritage. Du coup le sénateur Stéphane Ravier du Rassemblement National plante son étendard sur les collines des quartiers nord pour lancer « la maire » des batailles. Il a choisi du reste de faire son premier meeting à quelques mètres de la mairie centrale, pour éclairer médias et militants sur ses visées. On ne sera pas surpris d’apprendre que l’insécurité et l’immigration tiendront une grande place dans ses argumentations à venir. D’autres avancent plus lentement, à commencer par Martine Vassal qui, à l’instar de son mentor, estime que l’on ne s’engage pas avant d’avoir compté ses troupes. Les Européennes seront pour elle l’occasion de mesurer la solidité de ses forces et, comme le disait François Hollande, s’imposera après l’ardente obligation de faire la synthèse. Elle a du pain sur la planche. Samia Ghali à gauche ne dit pas autre chose. Elle a rejoint Luc Carvounas (député PS du Val de Marne) et son mouvement « Arc-en-ciel ». Il souhaite réunir, pour un même élan, la gauche, de Mélenchon au PS en pensant par Hamon, les Verts ou le PC. C’est beau comme l’union de la gauche ou comme une formule de François Mitterrand, « il y a toujours un avenir pour ceux qui pensent à l’avenir ». Et comme le disait le grand philosophe Patrick Bruel, « rendez-vous dans deux ans, sur la place des grands hommes (femmes) ».
De la revendication à l’illisibilité
L’invasion des tags a repris à Marseille des proportions inouïes. Nous n’entrerons pas dans la bataille des experts en la matière qui établissent des hiérarchies esthétiques entre les barbouillis qui salopent nos murs et les grafs, Ces graffitis picturaux qui confinent parfois à l’excellence. A y regarder de près on distingue là, Boulevard Notre Dame dans le sixième une influence de Picasso à moins qu’il ne s’agisse de Miro (notre photo ci-dessous). Plus loin dominant la plage des Catalans, c’est un appel à la vengeance après le meurtre à Athènes de Zak Kostopoulos, un activiste homosexuel grec (photo une). C’est sans doute au niveau du futur échangeur des Arnavaux qu’il faudra faire appel aux nouveaux Champollion pour décrypter les hiéroglyphes des temps modernes. Certains y lisent la démarcation d’un territoire, d’autres des messages codés. Les automobilistes peuvent, quant à eux en observant les strates qui s’accumulent, mesurer combien le fameux chantier de la L2 traîne en longueur. Dans cette orgie graphique les panneaux de signalisation sont noyés. Heureusement il reste encore les phares, les réseaux sociaux et Waze et Coyote pour signaler les radars.
Eh bien déchantez maintenant
« La paix guidera les planètes et l’amour dirigera les étoiles ». Ainsi chantait- on dans Hair, la comédie musicale créée en version française en 1969 à Paris. La chanson, où était répétés ces mots, s’appelait Aquarius et des milliers de français la fredonnaient dans les rues. Aujourd’hui, c’est un bateau affrété par l’association humanitaire SOS Méditerranée qui porte ce nom. Malgré les vents contraires il n’en finit pas de venir en aide aux naufragés de l’immigration. Beaucoup de Marseillais souhaitent que la France et particulièrement Marseille offre à l’Aquarius un port d’attache et un pavillon. Le siège social de SOS Méditerranée est d’ailleurs situé rue Paradis, mais pour l’heure c’est l’enfer que vit son équipage balloté par les intempéries et les règles européennes. Marseille a toujours été une terre d’accueil pour les réfugiés politiques du monde entier. Elle pourrait être demain un magnifique symbole pour la patrie qui a proclamé les droits de l’homme et du citoyen. Un autre bateau en d’autres temps a porté les espoirs d’un peuple martyrisé. C’était l’Exodus parti en 1947 de Sète pour rejoindre la Palestine. Les juifs qui avaient échappé au Nazisme ont été, alors qu’ils avaient franchi la Méditerranée, refoulés brutalement par les Anglais. Quelques deux ans plus tard, parce qu’on n’arrête pas un peuple, naissait l’Etat d’Israël. L’Histoire inlassablement repasse les mêmes plats.
Vitesse et précipitation…
La télésurveillance tourne à plein régime. 135€ et un point de moins sur le permis si vous dépassez les 51 kilomètres à l’heure sur la Corniche Kennedy. A observer le trafic c’est chaque dix secondes que cet impôt indirect peut enfler. De quoi sans doute alimenter une autre caisse. Celle qui permettrait par exemple d’offrir une signalisation efficiente, installer des ralentisseurs et imaginer une cadence plus importante des transports en commun. Et puis pourquoi ne pas lancer avec tout cet argent gagné à grande vitesse une campagne de communication à l’adresse des Marseillais. Leur rappeler qu’un piéton engagé sur un passage protégé est prioritaire et qu’il n’est pas un piquet pour faire du slalom. Leur marteler qu’une voiture qui a entamé une manœuvre pour s’extirper d’une place en épi doit pouvoir arriver à ses fins. Leur enfoncer dans la tête que celui qui doit se rabattre en raison d’une chaussée plus étroite doit laisser la priorité… « Le progrès n’est que l’accomplissement des utopies » assurait Oscar Wilde. Mais quand un Marseillais gueule tout seul dans sa voiture « avance » est-ce bien vers le futur ?