Européennes : Marseille prise en otage…
Beaucoup de Marseillais l’ignorent. Sans l’Europe, le projet industriel d’Eurocopter, le tunnel de la Major, la place de la Joliette, la rue de la République, l’hôtel Technoptic de Château-Gombert… d’autres réalisations encore, et même le Crématorium du cimetière St Pierre, n’auraient pas vu le jour (1). Pourtant on s’apprête, et peut-être plus ici qu’ailleurs, à détourner le scrutin européen de 2019 de ses enjeux. Les Républicains hésitent encore avec une scission interne, entre pro-européens et souverainistes plus ou moins affichés. La gauche, où les bribes de ce qui fut naguère une union, suce la roue de celui qui leur promet une échappée belle, Jean-Luc Mélenchon appelant à travestir ce rendez-vous démocratique en référendum anti-Macron. L’extrême-droite se pourlèche les babines en attendant que tombe du bec du député marseillais des Insoumis, le fromage européen qui lui permettra de se payer, à bon compte, des permanents pour son rassemblement national. La République en Marche prie quant à elle les mannes des fondateurs de l’Europe, Alcide de Gasperi, Robert Schuman, Jean Monnet et Konrad Adenauer, pour que la raison européenne l’emporte sur la déraison nationaliste. Un siècle après un des plus grands carnages du XXème siècle, au cours duquel plus de 10 000 Marseillais ont perdu la vie – dont Jean Bouin le coureur de fond, tombé en 1914, à l’âge de 26 ans – quelques-uns se détournent à nouveau de la perspective européenne pour une cuisine électorale aux parfums douteux. Ils ont vite oublié ce que disait un des derniers poilus, Ferdinand Gilson (mort à Giens en 2006) : « Avec les Allemands nous nous sommes tant battus que notre sang ne faisait plus qu’un ». En 2014 le Sud-Est, région électorale dont dépend Marseille, a permis au FN de faire un de ses meilleurs scores et à Bruno Gollnish et à Jean-Marie Le Pen d’être élus. Les apprentis sorciers reprendront-ils ce risque ?
(1) La région présidée par Renaud Muselier diffuse opportunément le poids des aides financières aux plans social, économique, culturel.
Une question d’étiquette…
Jean-Pierre Serrus, maire de La Roque d’Anthéron, débarqué de sa fonction de vice-président de la Métropole lorsque Martine Vassal a succédé à Jean-Claude Gaudin à la présidence, s’étonne de voir que les calculs politiciens prennent parfois le pas sur l’intérêt public. Il cite Jean-Claude Gaudin qui dans La Tribune rendait ainsi hommage à son travail : “Nous avons voté trois budgets, un agenda de la mobilité et sur ce sujet, je salue le travail de Jean Pierre Serrus, exemplaire en tant que vice-président chargé des transports“. Et compare ce fair-play à la déclaration sans nuances de Martine Vassal dans Objectif Méditerranée : “Quand j’ai mené la campagne pour la présidence de la Métropole, j’ai rarement vu quelqu’un décrié de la sorte. Élu avec les voix Les Républicains il y a deux ans, il est passé à En marche. De nombreux élus ne l’ont pas accepté.” Le maire du plus beau festival de piano du monde devrait pourtant savoir que la même partition peut être jouée de beaucoup de manières différentes et, en relisant Anatole France, il trouverait cette phrase limpide : « Les politiques sont comme les chevaux, ils ne peuvent marcher droit sans œillère ».
Les têtes contre le mur
« Un ami c’est une route, un ennemi c’est un mur ». C’est un proverbe chinois qui l’assure. Celui qu’ont dressé les autorités sur la place Jean Jaurès – La Plaine pour les intimes – n’est pas de nature à apaiser les passions. On regrettera bien évidemment les amalgames avec d’autres murs de sinistres réputations, mais on ne peut s’empêcher de penser qu’il y a eu un gros déficit de communication dans ce projet de requalification. Les exemples ne manquent pas pourtant, en France et de par le monde, même si nombre d’entre eux attestent qu’il n’y a pas de gentrification heureuse. J’ai souvenir de ce vieil homme noir, à New York, qui témoignait de la brutalité avec laquelle partie de son quartier – Harlem – était peu à peu vidé de sa substance humaine, au profit d’une population plus huppée. Le même phénomène a touché Paris, Bordeaux, Toulouse, Lyon, des quartiers réputés populaires devenant peu à peu des zones résidentielles prisées. Pour autant, il faut prendre garde à emporter dans l’enthousiasme d’un projet, ce qui constitue l’âme d’une cité. Une ville c’est le jour et la nuit et lorsque le rideau tombe sur l’un, il se lève pour l’autre. La Plaine c’est la conjonction improbable de cultures multiples, ouvrière, underground, métissée, bourgeoise, encanaillée, bobo, déjantée… Mais c’est au pied du mur qu’on reconnait le maçon. Celui qui construit l’avenir pour tous. A Berlin où le mur, ou ce qu’il en reste, a pris la parole un artiste pose une question crument : « qui baise qui ? » (Photo). C’est une bonne question.
Retenez-moi je vais faire un malheur
Ce sont deux universitaires américains, James Q. Wilson et Georges L. Quelling qui ont théorisé le concept de « la vitre brisée ». New York fut la première ville à passer aux travaux pratiques. Ainsi en évitant que la misère ne s’expose, on redonne aux citoyens la fierté de ses rues et on revigore le dynamisme, même si on n’éradique pas la pauvreté et les inégalités. Une ville comme Marseille pourrait utilement tirer profit de cette expérience. Prenons trois exemples. Hypercentre : un parking place Charles De Gaulle ; géré par la société Indigo (206 211 900 € de chiffre d’affaires et 6 293 900 € de bénéfice en 2017). Sale, ascenseur en panne régulièrement, personnel insuffisant la nuit en cas de panne de barrière. Pourtant c’est un point nodal de l’activité du centre et donc un périmètre éminemment emblématique. Ramassage des ordures : dans une ville où il y a autant de pointes de chaleur, comme, ces derniers jours de précipitations violentes, il serait impérieux que le service chargé de vider les conteneurs comprennent qu’un couvercle sert d’abord à être fermé. Il y va de l’hygiène, du respect des contribuables, de l’accueil des visiteurs. Dernier avatar dans une liste non exhaustive. L’artiste César a légué à la ville son fameux pouce, qui indique, pour ceux qui l’ignorent, la proximité du Musée d’Art Contemporain au rond-point de Bonneveine. Si vous arrivez du côté mer, vous verrez que le bel objet est en partie masqué par des panneaux d’indication routière, placés là sans aucune réflexion. On criera en lisant ces lignes au pinaillage : non car la fameuse théorie de la vitre cassée tenait d’abord à la rectification de ces petits détails qui font le grand tout.
La famille comme dernier rempart
Samia Ghali est intervenue sur BFM-TV pour réagir aux violences qui ont émaillé la fête d’Halloween. La sénatrice, élue des quartiers nord, rappelle que la famille doit jouer un rôle essentiel dans l’encadrement des enfants. Une évidence qui n’en est pas une dans certains milieux défavorisés ou en déshérence culturelle. Télérama, dans sa dernière édition, évoquant la récente agression d’un professeur dans la région parisienne, rappelle que 40% de ces actes concernent 10% des établissements. C’est dire qu’ils sont parfaitement identifiables. La socialiste marseillaise propose, puisque cette réalité est cernable, de placer sous tutelle les familles des enfants ou ados, en délicatesse avec la loi ou la discipline scolaire. La piste peut être sans aucune doute explorée. A condition que l’on prenne en compte un certain nombre de réalités. Les parents visés sont-ils suffisamment pris en charge en termes d’alphabétisation : il est ici question de leur apprendre la langue du pays où ils sont immergés mais aussi le droit, les principes, l’éthique qui fondent une société. Les établissements scolaires sont-ils en mesure de rivaliser avec un enseignement confessionnel qui se démarque des valeurs républicaines ? Enfin, puisqu’Halloween nous vient d’un pays où les armes et leur commerce sont constitutionnellement intouchables, ne faut-il pas s’interroger sur cette célébration où l’horreur, la souffrance, le crime sont portés aux pinacles, avec, pour seul alibi, quelques friandises propices à l’émergence de carries ? La guerre est-une chose trop grave pour la confier à des militaires, disait Clémenceau. Celle qui gagne nos banlieues exige une mobilisation générale et urgente.
On adhère complètement
Le Moniteur rapportait… il y a 14 ans, que l’autoroute A 9 (Autoroutes du Sud de la France) allait bénéficier entre Béziers et Narbonne d’une remise en état d’une partie de la chaussée par un procédé appelé « grenaillage ». L’adhérence y était, expliquait l’article, augmenté de 30 à 40%. Un progrès particulièrement important dans ces zones sujettes au fameux phénomène cévenol, avec des précipitations aussi subites que violentes. Comme celles qu’ont dû affronter ces derniers jours les automobilistes qui ralliaient Marseille à partir de Vitrolles, Aix ou Aubagne. Ils ont pu constater un contraste saisissant entre les chaussées gérées par les sociétés privées d’autoroute et celles attribuées à la DDE. Si de plus s’ajoutent l’incivilité de quelques chauffards irresponsables et le manque de lisibilité des accès à la L2, ce fut un cauchemar roulant pour les milliers d’utilisateurs piégés dans cette gigantesque roulette russe. On espère que les responsables ne pousseront pas le bouchon trop loin.