Pas de rouge aux lèvres…
… ni ailleurs du reste. Les consignes de Jean-Luc Mélenchon ont parfaitement été appliquées, n’en déplaise à son allié du PC, Pierre Laurent, qui a tenté de prétendre le contraire, quelques jours après le grand meeting du Vieux-Port. Le drapeau tricolore, autrefois réservé aux seuls gaullistes (sous la Vème), a chassé les drapeaux rouges chers aux communistes, et à leur courroie de transmission syndicale, la CGT. Ainsi va la présidentielle en 2017. Des équipes de communicants sont là pour maquiller les candidats, fournir des images avantageuses, distribuer pancartes revendicatives et fanions aux spectateurs, militants de base ou sympathisants. Ce fut le cas pour Emmanuel Macron, pour François Fillon, et la mise en scène la plus soignée fut incontestablement réalisée par la France insoumise, qui s’est soumise, avec talent, aux canons esthético-politiques du moment. L’orateur, qui régale son auditoire avec un métier qui doit faire des envieux du côté de la Comédie Française, portait même à la pochette un brin d’olivier. Il s’agissait d’accompagner bien sûr son appel à la paix, mais on aura remarqué que c’était aussi le dimanche des rameaux. C’est peut-être ce qui fait dire au très droitier Patrick Buisson que Mélenchon est plus chrétien, dans sa pensée, que François Fillon. Tout cela est d’un complexe… en attendant la CGT peut envoyer à la casse son camion sonorisé qui diffusait le « chiffon rouge » de Michel Fugain, à chaque manif. La Marseillaise, nom de Dieu !
Le Barbier de service
Christophe Barbier, le sémillant chroniqueur politique de BFM, ne résiste jamais à un jeu de mot. Sa bouche gourmande en délivre ainsi chaque matin de la semaine, à la vitesse d’une balle traçante. Ce snipper a ainsi estimé, il y a peu, que « les primaires étaient le cache-sexe des partis ». En laissant traîner un « e », on aura compris que la métaphore fonctionne. Si on rapporte cette image aux formations politiques des Bouches-du-Rhône, on dira qu’elle aurait été plus juste si notre confrère avait plutôt parlé de cache-misère. Nous parlons ici de la misère intellectuelle qui a atteint et touché les partis traditionnels – PS, LR – comme ceux qui émergent, petits partis, ou s’enkystent, FN. On a beau cherché, les débats auront été rares et, la présidentielle passée, les Marseillais devront se contenter pour les législatives, des slogans d’une pauvreté absolue, affichés ici et là, avec la bobine de ceux qui prétendent demain faire les lois. Est-ce à dire que les partis, tels qu’ils fonctionnaient, n’existent plus ? Faut-il désormais se contenter de quelques lignes dans la presse régionale ou de quelques secondes dans l’audio-visuel ? Où sont passés les tribuns qui réveillaient les foules et gonflaient les voiles de l’espérance ? Après les primaires tout aura été secondaire. À Marseille, on a eu, comme le cache-sexe, le string nécessaire.
Évolution et révolution
Deux candidats au moins ont envie de mettre un peu d’ordre dans la manière dont les deniers publics sont dépensés. Notamment par les municipalités. François Fillon et Emmanuel Macron rêvent, chacun avec leur méthode, de remettre la France au travail. On imagine aisément ce qui se passerait si cette funeste perspective advenait dans le petit palais qui sert de mairie à notre bonne ville. On y entendrait peut-être, la réplique du duc de Liancourt à Louis XVI, le 14 juillet 1989 : « Mais c’est une révolte ? » « Non, Sire, c’est une révolution ! ». Comment expliquer en effet aux 12 000 employés municipaux, que les 35 heures sont un seuil minimum et que l’absentéisme va être traqué ? Comment en finir avec un syndicat omnipotent qui a droit de regard, et plus si affinités, sur chaque embauche ? Comment expliquer aux Marseillais que l’époque où on entrait « à la ville », parce qu’on avait raté tout le reste, n’est plus de mise ? Bon en même temps Fillon et Macron seront-ils entendus ? Comme certains le disent en Provence, lorsqu’un orateur a fini son discours, « il a bien parlé mais qu’est-ce qu’il a dit ? » .
La réalité des coulisses
Quelques tribuns – le féminin serait ici trompeur – ont fait de l’immigration l’alpha et l’oméga de toutes les difficultés que rencontre le pays. Comme le dirait une célèbre épée : c’est un peu court, comme argument (voir plus bas notre écho sur Rostand). À Marseille, comme dans la région, on voit mal un certain nombre d’activités économiques perdurer, si on éloigne brutalement ces « petites mains » – jolie euphémisme – sans lesquelles rien n’est possible. Il suffit d’aller regarder d’un peu près les arrières cours de certaines entreprises – commerces, restauration, bâtiment – pour constater qu’une main d’œuvre invisible y accomplit quotidiennement des tâches que beaucoup de demandeurs d’emploi jugent subalternes ou dégradantes. J’ai souvenir – il y a quelques années – d’une scène ô combien édifiante. Un immigré, assis sur un tabouret, s’escrimait à briser des bouteilles vides qui rejoignaient, ainsi réduites à néant, un grand conteneur. On m’expliqua que le propriétaire de la brasserie qui lui avait confié cette tâche, échappait ainsi à un contrôle éventuel sur la réalité de son chiffre d’affaires. Nous avions donc ainsi un employé qui n’existait pas, travaillant à effacer les traces d’un profit qui existait. Le premier qui a le front d’affirmer que ces pratiques sont obsolètes, a gagné une place au premier rang du meeting de…
Souriez, vous êtes verbalisé
L’adjointe à la sécurité de la ville de Marseille, Caroline Pozmentier, se félicite de l’efficience de la vidéo surveillance qui a permis de sanctionner des milliers de contrevenants supplémentaires, coupables de stationnement illicite, d’excès de vitesse ou de feux rouge brûlés, spécialité locale s’il en est. Elle annonce, à ceux qui se réjouiraient trop vite d’habiter dans un quartier sans œil électronique, 1 000 caméras supplémentaires pour les mois à venir. Très bien et on applaudirait à grands cris, si ce maillage nécessaire s’accompagnait aussi rapidement de la mise en place de ralentisseurs. Ces « gendarmes couchés », notamment à proximité des écoles, semblent dissuasifs en premier lieu pour les automobilistes et les pilotes de puissants deux roues, toujours prêts à foncer sur un passage pour piétons, mais soucieux avant tout de préserver l’objet roulant de leurs turpitudes. Alphonse Allais préconisait de faire des villes à la campagne. Il n’a pas été suivi, mais ils sont encore nombreux à prendre nos rues pour des départementales ou des nationales. Enfin n’est-il pas temps d’examiner à nouveau des solutions qui entraîneraient les utilisateurs à emprunter d’autres itinéraires que ceux du centre. Le tunnel Prado-carénage et son tarif prohibitif est quasiment désert la nuit alors que sur des axes comme le Jarret, Libération, Breteuil, la corniche Kennedy se jouent des 24 heures déments.
Notre poète bretteur
Un baiser, mais à tout prendre, qu’est-ce?
Un serment fait d’un peu plus près, une promesse
Plus précise, un aveu qui se veut confirmer,
Un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer;
C’est un secret qui prend la bouche pour oreille,
Un instant d’infini qui fait un bruit d’abeille,
Une communion ayant un goût de fleur,
Une façon d’un peu se respirer le cœur,
Et d’un peu se goûter, au bord des lèvres, l’âme!
On lira du Cyrano dans un an à Marseille. C’est bien le moins que l’on doit à Edmond Rostand, natif de notre bonne ville et dont l’arrière-grand-père fut le maire (1830-1832). Il sera temps lors de ce centenaire de sa disparition (1868-1918) de découvrir derrière le bretteur de mots et sa célèbre tirade du nez, le poète amoureux. Peut-être lira-ton les vers que nous publions plus haut à la Criée ? En toute hypothèse souhaitons à ceux qui ont à charge de faire, revivre le temps d’une commémoration, cet immense talent, un bon vent. Le mistral ira bien à Rostand.