Le meilleur et le pire à venir
La communication sur le nouveau pôle commercial qui doit ouvrir dans quelques semaines, à proximité du stade Vélodrome, a commencé. Evidemment, elle est aussi puissante qu’alléchante. On y annonce 23 000 m2 de surfaces commerçantes, de grandes enseignes, des périmètres de restauration, un espace déambulatoire, autant d’atouts, pour faire de ce lieu un endroit couru de Marseille. Les promoteurs parient sur 3 millions de visiteurs l’an, ce qui ne paraît pas utopique, en regard des infrastructures qui accompagnent déjà le périmètre : proximité des plages du Prado, accès autoroutier direct, ligne et station de métro à deux pas, carrefour des grandes artères du sud de la ville, classes sociales favorisées résidant dans les quartiers impactés. Un succès prévisible donc. Et dans la foulée, sans être grand clerc, de nouvelles difficultés pour l’hypercentre qui n’en avait pas besoin, sur les deux rives de la Canebière. D’ores et déjà on peut constater que le Centre Bourse, malgré des efforts méritoires de rénovation, est loin d’avoir atteint les chiffres de ses périodes glorieuses. Un exemple signifiant parmi d’autres ; Lafayette Gourmet, malgré un positionnement qualitatif d’excellence, n’a jamais trouvé sa clientèle et est contraint à baisser le rideau. Les Galeries Lafayette de la rue St Ferréol vont par ailleurs migrer vers le Vélodrome, ce qui anticipe sur une probable paupérisation de cette rue, d’autant que dans le nouveau centre, on annonce le plus grand Zara de France, marque espagnole dont le succès ne se dément pas. Enfin, comme l’écrivait un de nos lecteurs à propos de cette décadence programmée, le commerce en ligne aggrave cette situation générale. Il n’est pas sûr que les efforts patents des élus chargés du développement de l’hypercentre – nous pensons à la Canebière piétonnisée et animée une fois par mois – soient suffisants pour endiguer cette perte de substance. Et une fois de plus le malheur des uns, fera le bonheur des autres.
Les jeux sont faits…
Il serait étonnant que le président de la République et son gouvernement fassent marche arrière. La Métropole est inscrite dans le marbre de la loi, et on imagine mal le fondateur d’En Marche, Emmanuel Macron, se livrer aujourd’hui à des contorsions politiques. Marseille et Aix, ainsi que leurs satellites, sont appelés à avancer du même pas, même si on peut aisément imaginer que d’aucuns n’acceptent pas la cadence qu’ils disent leur être imposée. La Métropole recouvre autour de 60% du territoire des Bouches-du-Rhône, et elle abrite un peu plus de 90% de la population du département. Autant dire que son destin et celui du département sont liés. Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille et président de cette entité dont les rouages grincent encore, a pu mesurer cette semaine l’hostilité du Pays d’Aix où son camp politique est largement majoritaire, ce qui n’a pas empêché certains militants de base ou de l’encadrement de le siffler. C’était lors des vœux métropolitains auxquels Maryse Joissains maire d’Aix n’a pas assisté. On en est donc là : « je t’aime, moi non plus ! ». On pourrait en sourire tant ce couple infernal – Gaudin-Joissains – nous a habitué à cette aimable détestation. Ou en pleurer, tant l’urgence à agir dans ce territoire est évidente, cruciale, vitale. Les deux élus ont entamé les dernières années qui les séparent d’une retraite aussi définitive que méritée. Lequel sera assez sage pour laisser à ceux qui vont prendre le relais une descendance viable ? L’Histoire les jugera à cette seule aune-là. (« Marseille et moi » organise mercredi 24 janvier à La Boate, cours Estienne d’Orves, un débat sur la Métropole. 18h30)
La Fontaine et Mélenchon
« Les grenouilles de droite se cherchent un roi. Le dernier dont on parle, c’est Monsieur Castaner. Ce que je compte faire moi, ce n’est pas le sujet. La question, c’est pas qui va marcher devant mais qui va faire les listes.» Ainsi parlait Jean-Luc Mélenchon, Insoumis en chef, devant ses ouailles, en l’an de grâce 2018. Même s’il affirme que cela ne sert à rien, le député de Marseille a organisé une cérémonie des vœux, pour dire tout le mal qu’il pensait d’Emmanuel Macron et tout le mépris qu’il aurait pour la droite marseillaise, s’il lui prenait l’envie de vouloir suivre le panache blanc de Christophe Castaner, que quelques-uns verraient bien succéder à Jean-Claude Gaudin. A priori donc M. Mélenchon n’est pas encore candidat, même si quelque information laisse entendre qu’il aurait d’ores et déjà trouvé un appartement rue de la Loge, la même qui traverse le petit palais servant de mairie à notre bonne ville. Un des porte-paroles de Mélenchon, la boxeuse Sara Soilihi, verrait bien pourtant son leader mener bataille dans la cité phocéenne, quitte, précise-t-elle, à laisser, la victoire acquise, son fauteuil de maire à un insoumis du cru. Jean-Luc Mélenchon qui est homme cultivé a lu La Fontaine et il reste prudent. Il parle des « grenouilles de droite » mais il sait qu’il est périlleux pour autant de se prendre trop tôt pour le bœuf de la fable. Il parle d’ailleurs de renforcer l’organisation de son parti dans les territoires. Il devrait commencer par le club lecture.
Tranquille comme Maurice
On le disait déprimé, depuis que son ralliement à Macron lui avait valu disgrâce auprès de Jean-Claude Gaudin. Il en faut plus visiblement à Maurice Di Nocera, pour se laisser abattre. Le fils de l’ancien coiffeur de Gaston Defferre, sait, d’expérience, qu’il suffit de changer le sens d’un mouvement pour ne pas être à rebrousse-poil. Il ne lui a pas échappé non plus que si le maire était, pendant la présidentielle puis les législatives, solidement ancré dans son camp des Républicains, il a multiplié depuis les gestes de courtoisie en direction du président de la République, qu’il considère comme un ami de Marseille donc forcément tout, sauf un ennemi personnel. A 75 ans, Maurice Di Nocera sans se désintéresser d’une ville et des quartiers qui l’ont fondé, analyse les événements avec calme et une certaine hauteur. Il y est aidé d’ailleurs par cette tour cathare qu’il a achetée dans l’Ariège et qui fut, dit-on, la propriété de Toulouse Lautrec qui l’avait gagnée à l’issue d’une partie de cartes. Le hasard aussi est parfois En Marche.
Tu pointes ou tu te tires
Donc c’est fait. Les employés municipaux de la ville de Marseille vont être obligés de pointer. Comme le confiait un lecteur amarré à un comptoir du centre-ville et sirotant un petit jaune, tout en feuilletant son journal : « Certains ça va leur faire mal ! » Ainsi vont les réputations, fondées ou non. Pourtant à regarder cette révolution de près, on voit poindre des nuances qu’il faudra examiner de près, lorsque le système fonctionnera à plein régime. Un syndicat explique ainsi que la pointeuse ne pourrait pas forcément s’appliquer à tous les services, qu’il y avait des spécificités, des paramètres techniques, des singularités même, qu’il faudrait prendre en compte. La publicité donnée à cette mesure salutaire, a été à la hauteur de la problématique qu’elle induit, à commencer par un absentéisme chronique dans ce qui reste, par la taille, la plus grosse entreprise de Marseille. Ceux qui ont à charge cet épineux dossier, ne pourront pas faire l’économie d’un des aspects primordiaux qui posent question : le recrutement. Et là, les voies qui conduisent à cet eldorado de l’emploi local, sont parfois tortueuses, si ce n’est impénétrables.
Les mineurs un défi majeur
Caroline Pozmentier, adjointe à la sécurité de la ville de Marseille, était récemment au cœur d’un reportage télévisé. Elle interpellait, avec une autorité de bon aloi un jeune marseillais, engagé dans une dérive délinquante périlleuse. L’avocate avait revêtu la robe de juge, pour rappeler à l’interpellé, les limites à ne pas franchir et, d’urgence, la route à reprendre pour éviter une catastrophique dégringolade. La détermination de l’élue, son discours sans concession, ses injonctions, ont-ils été perçus à leur juste valeur par celui qui comparaissait. A l’entendre, on a cru comprendre que oui. A regarder ces images et alors que quelques échevelés continuent à contester la légitimité de l’autorité républicaine, le travail de cette élue était un signal fort. A ses délinquants mineurs d’abord, dont la justice nous rappelle qu’ils sont 60% à être impliqués dans des actes violents ou des incivilités commis à Marseille. A leurs parents surtout, qui estiment que leur rôle s’arrête lorsque leur progéniture a franchi la porte du foyer. C’est avant toute chose dans la famille que se construit la citoyenneté. Les élus, qui en l’occurrence font très bien leur travail, ne peuvent pas tout. L’école des parents reste à inventer.