Les sentiers de la gloire
Bon, on l’aura compris, Patrice Evra (photo) ne laissera pas un souvenir impérissable à Marseille. Non seulement il n’a pas cassé des briques sous le maillot de l’OM, mais il a cru bon de jouer les karatékas, en shootant dans la tête d’un supporter. Les amateurs d’arts martiaux auront du reste constaté, sur la photo qui a fait le tour du monde footballistique, que même ce geste n’était pas parfait – coup de pied circulaire – puisque notre olympien, peu olympique, était sur la pointe de son pied d’appui, ce qui expose au balayage. Cela n’a pas manqué du reste, il a été balayé. Alors que nous étions informés de cette triste réalité – nous étions en Tchéquie – nous avons pu constater, au bord de la Vlatava, que l’OM ne se résumait pas bien heureusement à ce triste sire. Des marins d’origine sénégalaise nous ont parlé du seul demi Dieu phocéen qu’ils vénéraient : Pape Diouf. Nous avions déjà eu, au pied de l’Empire State Building à New-York, la même réponse de la part d’Africains qui nous vendaient des billets pour grimper au ciel. L’ancien président de l’OM n’a pourtant fait que 6% aux dernières municipales. Comme quoi nul n’est prophète dans « son » pays.
Marseille rue par rue
La libération de Marseille en août 1944 s’est faite rue par rue pour s’achever sur les hauteurs de Notre Dame de la Garde. Il en sera de même pour la future bataille de Marseille si Jean-Claude Gaudin abandonne le fauteuil où il s’est calé depuis 1995. Il est sans doute derrière nous, à moins d’un renversement brutal, le temps où l’on faisait la conquête de la ville avec un mélange dosé de politique nationale et de préoccupations locales. Un peu de couleur vive pour désigner son camp et puis les teints pastels du clientélisme pour grapiller ici et là des voix puisqu’il suffisait de gagner quatre secteurs sur huit pour emporter la mise. Le jeu est moins prévisible désormais avec une République en marche qui ratisse large, une gauche implosée qui attend le bon vouloir du seigneur des insoumis, une droite morcelée qui guette compulsivement la couleur de la fumée qui s’échappe du petit palais au bord du Lacydon. Quelques élus encore en place ont compris que Marseille attend désormais des lendemains lisibles. Des services qui correspondent qualitativement à la hauteur des impôts locaux. Un système de nettoyage enfin débarrassé des aberrations qui humilient les riverains. Une économie pérenne qui ne rejette pas une partie de la population dans les oubliettes. Des principes écologiques respectés qui s’attaquent aux pollueurs frontalement. Une politique ne s’affichant qu’à partir de résultats avérés et non dans des stratégies marketing qui ne sont que postures et impostures. Marseille attend beaucoup parce qu’elle mérite mieux.
Un petit tour pour rêver
La chose n’est pas faite qu’elle fait déjà rêver ou râler. Pour le retour de la formule 1 en France et sur le plateau du Castellet les organisateurs envisagent à l’été 2018 de faire circuler les bolides dans Marseille. Peut-être sur la Corniche Kennedy quitte à troubler les joggers, les pêcheurs et les amoureux. Bon certaines mauvaises langues argueront que c’est une juste dîme versée à la Métropole pour son aide financière au sport automobile et particulièrement au grand prix. D’autres jureront qu’ils ne se déplaceront pas pour voir les champions faire un petit tour et s’en aller sans donner la toute puissance de leurs chevaux vapeurs. Quelques-uns commencent même à s’émouvoir de la pollution prévisible avec ces engins capables de cracher du CO2 à la vitesse d’un airbus. Tout cela on en conviendra est petit bras. Il est bien que la ville diffuse, comme elle l’a fait pour le dernier tour de France, des images avantageuses d’elle- même, sa télégénie n’étant plus à vanter. Et puis, voir enfin des bagnoles capables de rivaliser avec nos camions de ramassage des ordures on n’y croyait plus. Un petit contrat avec la F1 ça vaut bien le fameux fini-parti qui bien que dénoncé continue à sévir.
Ils sont sur le sable
D’aucuns s’insurgent : on a tué un paradis sur terre disent-ils. En substance ils constatent navrés que la dizaine de commerces qui exploitaient le sable de la Pointe Rouge ont dû rendre au domaine public ce qui appartenait au domaine public. Les mêmes réactions ont été entendues en Camargue ou sur le Vieux Port lorsque force est restée à la loi. Chaque fois la même argumentation revient comme une marée montante. On va priver des locaux d’une activité qui les faisait vivre et participait à l’économie locale. On se rassure pour les « victimes » concernées lorsqu’on entend nos édiles nous expliquer que tout serait fait pour relancer l’activité dès l’été prochain, que les sortants (les exploitants) ne seraient pas forcément les sortis, qu’on n’appliquait après tout, avec un grand retard, que la loi. Il faudra donc suivre ce feuilleton avec attention et tout particulièrement son épilogue. « Il y a plus de douleur en amour que coquillage sur la rive » chantait Ovide. Il y a longtemps que le sable de la Pointe Rouge n’a pas vu de gros coquillages. Ceux qui l’ont exploité et l’exploiteront savent comment y trouver encore des pépites.
Ils ont leur Arlésienne
Et si l’Arlésienne n’en était pas une ? Entraîné avec une belle ardeur par le maire de St Rémy, Hervé Chérubini, les communes du pays arlésien commencent à dessiner un territoire qui pourrait, à leurs yeux, être aussi un destin commun. Une fois encore c’est la peur d’être dévoré par la Métropole Marseille-Aix qui donne des ailes à ces élus. S’y ajoute l’angoisse de voir un jour disparaître l’échelon départemental qui, dans l’esprit du président Emmanuel Macron, fait doublon avec la recomposition territoriale qu’il appelle de ses vœux. On voit bien ce qui au fond inquiète ses élus majoritairement ruraux. La métropole c’est Marseille (800 000 habitants) et Aix (155 000 habitants) et des besoins colossaux à la hauteur d’une démographie galopante et d’une population jeune. Or ces communes du nord et de l’Ouest tournées vers le Rhône, le Vaucluse et le Gard ont habilement atteint un équilibre en exploitant au mieux leurs ressources touristiques et agricoles ainsi que celles issus d’un tissu vivace de TPE. Certes leurs enfants vont étudier à Marseille, Montpellier ou Avignon. Certes leurs malades sont soignés dans ces mêmes villes. Certes encore elles bénéficient d’infrastructures aéroportuaires, maritimes, ferroviaires collectives mais pour l’avoir constaté ailleurs en France elles savent qu’avec leur taille elles auront du mal à faire entendre leur voix. Elles cherchent donc une autre voie.
Ils y étaient aussi
La presse papier régionale a fait peu de cas de la commémoration de ce vendredi en Alsace. Les présidents allemand et français ont gravi la pente qui les menait au sommet de la « montagne mangeuse d’hommes ». Sur ce promontoire d’Alsace, 20 000 jeunes hommes, au cours de la dernière grande guerre, ont laissé leur vie au nom de leur pays et celui de stratégies militaires assassines qui n’ont pas de nom. Au sommet de ce monstrueux tombeau a été érigé un autel. Sur une de ses quatre faces, on peut voir les écussons des villes de Lille, Metz, Strasbourg et Marseille. C’était il y a cent ans, une éternité pour ceux – majoritaires prétendaient le Maréchal Pétain – qui ont la mémoire courte. Pourtant ce sont dans ces moments à la fois ignobles et magnifiques que se sont noués, dans la souffrance et la mort, d’improbables fraternités. Lorsque l’enfant unique d’une bastide tremblait contre la poitrine chétive d’un gamin du Panier, ou lorsqu’un futur notaire agrippait pour l’aider à partir à l’assaut le fils d’un pêcheur de Saumaty. Il n’y avait alors, transis de froid et maculés de boue sous la mitraille, que des « petits gars » venus de Lille, Metz, Strasbourg ou Marseille pour donner leur vie au pays et qu’on finirait par oublier.