Après une année de silence en raison des attentats de novembre dernier, les traditionnelles Rencontres d’Averroès ont repris la parole. La 23e édition s’est ouverte hier soir, dans le lieu symbolique de la Criée. Sur le port de Marseille et de cette Méditerranée sur laquelle les idées voguent, sans idées vagues. Parce que des chercheurs ont décidé de s’immerger huit années durant. Ils sont archéologues, préhistoriens, géographes, politologues… et durant huit ans, ils se sont plongés dans les « méandres » de la Méditerranée, pour faire émerger un ouvrage de 1696 pages : Le dictionnaire de la Méditerranée. Et qui mieux que les Rencontres d’Averroès pouvaient accompagner le lancement de cette publication.
Un travail pluridisciplinaire et une écriture polyphonique de la Méditerranée autour de cinq grands axes : les savoirs, les territoires, les mémoires, les figures emblématiques et enfin les pratiques d’un ensemble de grande complexité et d’une exceptionnelle richesse. « Des champs qui nous paraissaient incontournables », exprimait Maryline Crivello, directrice d’ouvrage. Tous ces chercheurs ont opposé leurs visions de la Méditerranée. « Il fallait avoir des points de vue systématiquement différents mais qui en même temps présentent un état des lieux d’un certain nombre de questions essentielles sur la Méditerranée ou parfois plus étonnantes puisqu’on a des notices qui concernent les dauphins, le fromage… qui sont peut-être un peu plus déconcertantes. Mais l’idée c’est, de toute façon, d’essayer de réfléchir cet espace en suscitant le débat, puisque nous n’avons pas pris de positionnement volontairement pour une Méditerranée qui serait essentialiste mais forcément une Méditerranée au contraire, plurielle. »
« Un ouvrage de référence comme il y en a peu »
Cette historienne et professeure des universités (Aix-Marseille Université) est fière de la naissance de ce livre qu’elle ne lâchait plus, hier soir, un peu comme son bébé. Un nouveau-né qui regorge de connaissances multiples. Pour venir en parler, elle était accompagnée des deux autres directeurs d’ouvrage, Dionigi Albera, anthropologue, directeur de recherche au CNRS) et Mohamed Tozy, politologue, professeur à Sciences Po, à Aix-en-Provence. « Un travail ingrat pour un chercheur, car c’est long, sourit Mohamed Tozy, mais c’est salutaire et c’est aussi une aventure humaine. En créant un champ scientifique commun, ça participe à atténuer les conflits et ouvrir des perspectives et à servir les optimistes que nous sommes ».
Optimistes, ils ont envie de le rester. De contribuer plus que jamais à refermer cette faille. Pour le président d’Aix-Marseille Université, Yvon Berland comme pour Thierry Fabre, c’est un outil qui manquait, « qui nous manquait », affirme Yvon Berland, qui souhaite que l’université soit un moteur de la culture sur le territoire, et qui a accompagné l’élaboration de ce livre.
Le Dictionnaire de la Méditerranée s’impose déjà comme un « ouvrage de référence comme il y en a très peu, et qui marque l’histoire de la connaissance et de la pensée en Méditerranée », confie le concepteur des Rencontres d’Averroès Thierry Fabre. Et surmonter la faille, c’est aussi surmonter les failles de la connaissance. « Si on veut éviter la peur, on surmonte la peur par la connaissance et un ouvrage comme celui-ci ouvre de multiples entrées pour sortir des lieux communs et essayer de regarder cette Méditerranée comme un possible monde commun », conclut Thierry Fabre, qui espère que cette nouvelle édition contribue à « penser l’après du désastre ». Nous irions même jusqu’à dire… panser l’après du désastre !