Faire rêver pour faire oublier ?
Deux projets pharaoniques sont venus, cette semaine, éclairer la réalité quotidienne des Marseillais. Pendant que des centaines de mal logés attendent de voir leurs dossiers pris en compte par l’Etat ou les territoires, Yves Moraine maire du 6/9, et Jean-Claude Gaudin, exhumaient le projet imaginé un temps par le socialiste Patrick Mennucci, et repris à leur compte. Perspective réjouissante, puisqu’elle dessinerait une sorte de central Park marseillais, avec plus de 50 hectares courant du Parc Borély, au spot bien connu des surfeurs et longtemps appelé par les défenseurs de l’environnement, « poubelle beach ». Mais Marseille n’est pas encore New York, et il faudra compter sur l’opposition des turfistes qui n’acceptent pas de voir disparaître l’hippodrome et ses trente réunions hippiques annuelles. Le projet prévoit en outre d’enterrer l’avenue Pierre Mendès France, ce qui ferait de l’espace un atout inégalé. Si les dessertes publiques suivent, ce serait aussi une occasion de dynamiser cette mixité sociale qui fait tant défaut, dans une ville réputée cosmopolite. L’attractivité de ces quartiers privilégiés n’en serait que plus grande. Dans le même temps, Renaud Muselier, de retour du rendez-vous versaillais fixé par Emmanuel Macron à deux cents entreprises internationales et aux régions, s’enflamme pour un projet tout aussi futuriste. Une navette – Hyperloop – imaginée par une société canadienne et capable de rallier le centre-ville à l’aéroport Marseille-Provence, en moins de dix minutes. Le président de la Région, et il n’est pas le seul, y voit l’opportunité de booster cet outil. Notamment, dans le domaine du fret, l’aéroport subissant la concurrence rude d’autres villes comme Toulouse, qui le devance désormais au classement national. Où l’on se rend compte que l’économie a des raisons que la raison politique ignore, parfois. L’urgence en ces temps de crise sociale aigüe est-elle en effet dans un tel affichage d’ambitions, certes louables, mais déconnectées d’une actualité douloureuse qui réclame d’abord justice. Il n’est pas certain que ceux qui ont vu leur avenir enseveli sous les immeubles de la rue d’Aubagne, ou, compromis partout ailleurs, par l’habitat indigne, se prennent à rêver d’un parc enchanteur ou d’une navette supersonique. De ce côté-là, le temps s’est arrêté et on peut parier qu’une majorité des Marseillais frappés par le drame de novembre, attend que nos édiles consacrent l’argent de l’impôt aux affaires courantes et pas aux étoiles filantes.
Les écoles oubliées de la République
Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, se félicite des premiers résultats enregistrés, avec le dédoublement des classes dans le primaire. Il était urgent pour lui, comme pour le Président de la République, qui le répète à longueur de réunions publiques, de redonner à tous les petits Français la chance de réussir ces premières années de l’apprentissage de la langue, du calcul et des principes qui font la vie en société. Pour autant, et malgré l’implication sans faille des enseignants concernés, cette réforme en marche est-elle suffisante ? Marseille a été montré du doigt une fois de plus cette semaine, par une chaîne publique pour l’état de ses écoles. Le reportage, qui désignait un établissement du troisième arrondissement, était accablant pour la municipalité et l’injonction à agir de Jean-Claude Gaudin, n’a convaincu que sa garde rapprochée de communicants. Un quart de siècle après son accession au pouvoir municipal, le maire doit assumer un bilan désastreux et son attachement quasi militant à l’école privée dont il est issu, apparait aujourd’hui comme une circonstance aggravante. La députée LREM, Cathy Racon-Bouzon, réclame un « diagnostic des 444 écoles publiques », alors que la municipalité ne prévoit d’en construire qu’une trentaine dans un partenariat public privé très contesté. On s’est habitué dans cette ville à considérer que l’école publique était réservée aux plus pauvres, aux moins chanceux, aux moins ambitieux. Des parents d’origine modeste, comme on a pu en entendre dans ce reportage sans concession, se disent résignés à abandonner l’école publique, pour rejoindre le privé où leurs enfants étudieront dans des conditions décentes. « Celui qui ouvre une porte d’école ferme une prison » disait Victor Hugo. Qui libèrera Marseille de ses écoles indignes ?
Sur la trace de Bernard Tapie
Conseillée par son directeur de campagne, Hayk Shaninyan, Ingrid Levavasseur, médiatique gilet jaune, a annoncé qu’elle conduirait, aux Européennes de mai prochain, une liste. Elle s’appelle le Ralliement d’Initiative Citoyenne (RIC) aux consonances furieusement semblables au fameux référendum d’initiative citoyenne réclamé sur les ronds-points. Dans ce mouvement attrape-tout, où se glissent sans se cacher outre mesure l’extrême droite et l’extrême gauche, on crie à la trahison et on accuse Bernard Tapie d’instrumentaliser l’aide-soignante et ses amis. Le patron de La Provence, qui a prêté ses locaux où ce nouveau parti a vu le jour, il y a plus de quinze jours, dément bien sûr. Ingrid n’évoque qu’un « soutien moral » de la part de l’ancien président de l’OM et son directeur de campagne assure qu’ils n’ont reçu de sa part aucune aide financière. On le croit volontiers. L’image du « sous-marin » revient du coup… à la surface. On se souvient comment la liste de Michel Rocard avait été torpillée en 1994 par celle de Bernard Tapie, qui avait alors les faveurs de François Mitterrand, maître expert en combinaison électorale. A La Ciotat où un noyau dur de Gilets jaunes sévit en bordure d’autoroute, on crie à la manipulation. Un des tenants de cette ligne dure, interpellé par les policiers ciotadens a été trouvé porteur d’un calibre 7,65. On le voit, la violence n’est pas prête à désarmer.
Répression ciblée, la facilité
Les Marseillais les plus sévèrement réprimés sont sans aucun doute les automobilistes. La ville ayant concédé à une société privée le soin de vérifier si les places payantes sont respectées, c’est la technologie qui est venue rentabiliser le système. La Zoé qui repère les contrevenants est en passe de détrôner dans la mythologie locale le Ferry Boat. La Société d’Assistance et de Gestion et du Stationnement (SAGS) s’est vu confier en 2011, cette ingrate mais lucrative mission, en lieu et place des fonctionnaires municipaux. Ils subissaient, il est vrai, jusqu’alors, quolibets et violences de la part des automobilistes récalcitrants. La Sags met beaucoup de zèle dans l’accomplissement de sa tâche et les abonnés du stationnement payant connaissent ses exigences kafkaïennes, pour obtenir le précieux sésame informatisé qui permet d’échapper aux PV. Bref ça fonctionne. Echappent, bien évidemment à cette répression sans faille, les deux roues motorisés, les dépôts sauvages, et désormais les trottinettes abandonnées ici et là. Big brother va corriger cela illico presto, qu’on se le dise. A moins que nos édiles prennent exemple sur ce maire de l’Ouest de la France qui mène enquête sur les incivilités. Lorsqu’il identifie par exemple l’auteur d’un tas d’ordures sauvage, il le fait transporter devant le domicile du coupable. Roland Povinelli, le maire d’Allauch, avait en son temps fait de même pour une tentative de grève des préposés aux ordures sur son territoire. Il avait fait décharger une benne municipale devant la villa du délégué syndical responsable du débrayage. Bon on se calme où on va en arriver à des propos orduriers.
L’Estaque se voit bien en peinture
On se souvient de l’improbable anecdote. Au fin fond de la Chine, un voyageur réclame un billet de train pour rejoindre la France et plus exactement l’Estaque. Le contrôleur chinois de lui répondre « l’Estaque gare, ou l’Estaque ville ». Hé oui, l’Estaque c’est pas rien ! Il suffit de lire quelques récits de la fin du XIXème siècle et du début du XXème, pour constater que les Cézanne, Braque, Derain, Duffy, Marquet, Renoir, Guigou, Monticelli sont venus poser leur chevalet au pied de la Nerthe, dans ce délicieux petit port. Lors d’une récente réunion pour, entre autres défendre l’accès à la mer, le maire du secteur (15e -16e) Roger Ruzé et Arlette Fructus adjointe au maire de Marseille ont défendu cette vocation culturelle. Et tous de souhaiter que le port autonome prenne en compte, avec ses intérêts, ceux qui vivent et travaillent dans ce joli coin. Plus loin le J1, bâtiment symbole du passé industriel, se prépare à une métamorphose audacieuse avec équipements culturels, hôteliers, sportifs. Son futur architecte, Bernard Reichen, parle d’une « passerelle entre deux mondes ». A l’Estaque on rêve plus simplement de jeter un pont entre un passé prestigieux et un présent qui se cherche encore.
L’OM est mal barré
Sous la Corniche, là où les vagues par mistral viennent refaire la barbe des rochers, un tagueur taquin a gravé un malicieux « mal barré ». Visait-il l’OM ou tout simplement la période qui balbutie ses gammes ? On ne sait, mais le message pourrait s’adresser au champion d’Europe de… 1993, qui désespère sa petite cour de supporters. A coups de pétards et autres fumigènes, ils ont interrompu ce vendredi le match contre Lille pendant 40 minutes et exposé le club à de lourdes sanctions pour cette indiscipline crasse. Et ils n’ont pas évité l’humiliation d’un nouveau match perdu (2-1). On a longtemps prétendu que Marseille avait le meilleur public du monde. Une vantardise que ne recoupe pas la réalité. Un historien de ce sport, qui ne tourne pas toujours rond, nous confiait un jour que le problème avec les supporters marseillais « c’est qu’ils ne sont derrière les joueurs que lorsqu’ils gagnent ! » Le PSG a trouvé quant à lui la parade à la même exigence de ses fans : il s’est offert les joueurs les plus coûteux pour donner à voir en France le championnat le plus bidon qui soit. A l’heure où nous écrivons, cette compétition est déjà « pliée » comme le disent avec poésie ceux qui dirigent une équipe. La « glorieuse incertitude » du sport n’intéresse donc pas les footeux, qui ne supportent pas la défaite. Comme le disait Jean-Pierre Darroussin dans le Marius et Jeannette de Guédiguian, « quand ils perdent, j’ai mal aux jambes ». Le propriétaire de l’OM, Franck Mc Court sait désormais que les supporters de l’OM n’ont qu’une obsession, gagner. Le milliardaire américain a certes concrétisé un souhait ce week-end : il a obtenu la gestion du vélodrome. Il reste à celui qui a fait fortune dans l’immobilier à gérer l’OM. Et les footeux marseillais veulent que ça déménage. Mal barré.