Le mauvais milieu
La sagesse recommande le juste milieu. La politique moins. Gérard Collomb maire de Lyon le répète à l’envi : « Le problème n’est pas de dire oui, mais de dire non ! » Jean-Claude Gaudin qui fut longtemps son collègue et ami au palais du Luxembourg a une approche plus nuancée. Ses ennemis diraient moins claire. L’ancien sénateur tient sans doute cette pratique du temps où il siégeait à la commission d’investiture de son parti, et où il appliquait un précepte mitterrandien « donner du temps au temps ». La méthode a ses limites, surtout lorsque la fin de règne s’accompagne des rancœurs longtemps enfouies, des ambitions freinées à l’infini, des vengeances solitaires remâchées. Aujourd’hui le maire de Marseille et son cercle le plus rapproché, qu’un mensuel économique qualifiait récemment de « cabinet noir », doivent essuyer les tirs de leur propre camp. Quasiment une tradition, à Marseille, où Louis XIV avait, depuis le fort Saint-Nicolas, fait tourner les canons vers la ville, qui s’était rebellée contre son pouvoir. Les armes choisies sont plutôt aujourd’hui les poignards ou les stylets, comme en abusaient naguère les Borgia dans les ombres complices du Vatican. Ce n’est pas un saint père qui est visé à Marseille, mais plutôt un patriarche qui a cru si longtemps qu’un bon mot ou une longue poignée de mains suffisaient à faire courber l’échine. Pendant les municipales de 1989 – déjà – Gaudin faisait une confidence à quelques journalistes devant une pizza, avenue des Chartreux. Il désignait quelques Marseillais chaleureux qui venaient le saluer : « Ah ça, ils me serrent la main, mais de l’autre ils votent contre moi ! » En politique il n’y a pas de juste milieu.
Au-dessous ou au-dessus des partis
On les dit en déshérence, morts vivants, ou simplement malades. Il ne faudrait pas pour autant se précipiter dans cette analyse. Le délitement progressif du mouvement des Gilets Jaunes a démontré que les partis politiques – tout petits ou très grands – savaient en temps et heure relancer leur machine militante ou tout simplement leur organisation pour repartir à la conquête du pouvoir. La droite des Bouches-du-Rhône, dont la vitalité démocratique reste en sourdine, est quoi qu’on en dise en ordre de marche. Elle a trouvé une manière subtile d’échapper aux foudres qui visent souvent leurs leaders à commencer par Laurent Wauquiez peu présent sur le sol provençal et peu invité du reste. Des micro-partis ont vu le jour quand il ne s’agit pas simplement de pseudo-associations portant toutes le label « les amis de … ». Ces ruisselets seront appelés à terme à converger vers le seul delta qui compte : « la grande famille de la droite ». Et la messe sera dite. A gauche il en va de même à quelques nuances près. Quelques labels sont usés jusqu’à la corde et leurs leaders jouent plutôt sur leur nom que sur des initiales plus ou moins honteuses : « PCF », « PS » ou encore « Rad Soc ». N’évoquons pas Les verts qui se sont noyés dans tant de nuances qu’on est, à vouloir les décrypter, dans le noir le plus complet. Restent et à Marseille particulièrement pour la gauche de petits porte-voix : les associations. Elles sont de plus en plus nombreuses, connectées aux problématiques qui percutent tous les jours les Marseillais, à revendiquer une place sur l’agora. On va assister dans les jours qui viennent à des regroupements. Cela ressemblera un peu à la naissance d’un parti. Où les anciens tenteront de se glisser parmi les modernes.
Eh bien riez maintenant !
« L’homme souffre si profondément qu’il a dû inventer le rire » ainsi parlait un pessimiste Friedrich Nietzsche. On ne sait si Jérémie Cornu a vraiment souffert dans sa jeune vie mais pour avoir croisé le garnement dans les couloirs de l’IEP d’Aix, nous pouvons affirmer qu’il a bien appréhendé quelques recettes qui font le rire de bonne qualité. La petite entreprise qu’il dirige avec de joyeux condisciples propose cette année d’occuper la ville d’Aix et quelques voisines, Venelles, Trets, Fuveau, avec un bel événement, « l’Eloquence du rire ». Du 8 au 25 mai on fera donc ce qui nous plait dans cette bonne ville du Roi René où les culs pincés ne sont pourtant pas rares. En ces temps de complotisme, de retour vers le pire, d’empêcheur de tourner en rond-point, le concours et les spectacles que proposent Cornu et les siens sont nécessaires. Au-delà des aides que leur apportent les territoires concernés, c’est la sécurité sociale qui devrait se pencher sur ce médicament universel. Esclaffons-nous donc !
Trop de tourisme tue
On ne dira jamais assez le mal que peuvent faire les réseaux sociaux. On a ainsi entendu récemment le cri désespéré d’une élue de Nans-les-Pins regrettant que les rives de l’Huveaune qui serpente sur son territoire soient envahies « autant que la Canebière ». Diantre mais de quoi s’agit-il ? De photographies diffusées sur la toile planétaire et qui ont attiré jusqu’à 900 touristes par jour à proximité des cascades claires, qui ralentissent puis précipitent le cours de la jolie rivière. C’est un coin de verdure délicieux et jusqu’à présent, seuls quelques voisins bien intentionnés, venaient y poser leurs pas, pour entendre les gazouillis printaniers après le vacarme imbécile des chasseurs. C’était donc trop beau et Nans dit non désormais. On n’en est pas encore à une mobilisation façon Larzac en son temps, mais il y a quelques chances pour que fleurissent bientôt quelques interdictions et les sanctions qui vont avec. Les élus nansais et leur plus de 4000 administrés ont donc décidé de faire un remake de « trop belle pour toi ». Il y va de leurs 50 kilomètres carrés de paysage et de la tranquillité qui leur sied si bien.
Ravale tes critiques
L’historien de Marseille Jean-Pierre Cassely, nous rappelle opportunément que les ravalements de façades, financés en partie par la ville, révèlent souvent de petites merveilles. Ainsi cet immeuble du 18 boulevard Longchamp où un certain Alfred de l’Abbaye, antiquaire expert auprès des tribunaux, résidait naguère. La bâtisse portait au-dessus de sa porte d’entrée un médaillon. Cassely y détecte une céramique de l’atelier de Della Robia, une dynastie florentine. On ne peut que se féliciter de compter parmi nos concitoyens de tels spécialistes. Et regretter dans le même temps, tous ces trésors que la crasse produite par les hydrocarbures a engloutis. On attend le mécène suffisamment attaché à sa ville pour extirper de la noyade générale et de l’oubli ces cariatides, atlantes, exvotos, statuettes qui racontent des siècles marseillais de croyance, de souffrance, de gloire, d’opulence. Il y a souvent entre le pavé et le ciel des merveilles à regarder ou à décrypter. Le maréchal Foch prétendait qu’un « peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ». En avant, marche.
Passe muraille
D’abord l’occasion, rare, de saluer un nouveau venu dans la presse papier. Le numéro 1 de Zadig conçu par le prolixe Eric Fottorino (ex-directeur du Monde) est un petit bijou. Il titre, en une, l’impérieuse nécessité de « Réparer la France ». Mais c’est à l’intérieur, un des derniers reportages photos qui touche parfaitement sa cible. On y suit Manolo et Camille (Théâtre du Centaure) qui sont allés aux Baumettes faire découvrir aux prisonniers la complicité extraordinaire que l’on peut, à force de patience, d’écoute et d’amour, construire avec un cheval. Les photographies de Francesca Todde sont à tomber, et lorsque la robe noire de « Silence » se profile devant les barbelés et les barreaux qui servent de paysage aux cellules, on imagine volontiers l’étonnement des détenus, prisonniers de cette beauté qui galope à leurs pieds. On attend du coup avec une forte impatience le numéro 2 de Zadig, présent dans toutes les bonnes librairies et maisons de la presse.