La guerre des trois ans
Jean-Claude Gaudin a deux certitudes. L’une sous forme de regret : il quittera, contraint et forcé par la loi sur le cumul des mandats, le Sénat en septembre prochain. La seconde dictée par sa conception de la politique : il est trop tôt et imprudent de livrer le nom de celui qui pourrait lui succéder à la mairie en 2020. Les « héritiers » s’ils ont lu la dernière livraison du Point savent que le sénateur-maire n’a pas encore choisi. Et il s’amuse à citer quelques ambitions légitimes ou auto-proclamées : Martine Vassal, Yves Moraine, Dominique Tian, Renaud Muselier et, pourquoi pas, Valérie Boyer. A ceux qui en douteraient il rappelle, du haut de ses 77 ans, qu’une carrière politique se fait dans la durée. La sienne a débuté il y a plus de 50 ans, une photo l’immortalisant en 1965 dans le bureau de Gaston Defferre ceint de l’écharpe tricolore. Un « système » que rejettent de plus en plus d’électeurs, quitte à verser dans l’extrême comme pourrait le démontrer à Marseille et ailleurs la prochaine élection présidentielle. Ce qui ne semble pas ébranler celui qui règne sans partage depuis 1995 et se voit, si on sait lire entre les lignes, en maire octogénaire plutôt qu’en retraité isolé à Saint-Zacharie ou ailleurs…
Jésus revient
Mgr Jean-Michel Di Falco Léandri n’a pas fini de surprendre ses ouailles et sa hiérarchie. Il a lancé, avec succès, dans la variété, le trio Les Prêtres qui a fait un tabac avec plus d’un million de disques vendus, mêlant joyeusement profane et sacré. Mais l’évêque du diocèse d Gap Embrun vient d’aller encore plus loin avec une campagne de publicité des plus iconoclastes. Il y marie en un message tonitruant le cinéma comique, l’élection présidentielle et Jésus. On peut voir sur ses affiches ce bon Fernandel-Don Camillo priant avec cette « base line » très inspirée : « Votez Jésus-Christ, le seul qui n’a jamais changé de programme ! ». Les affiches ont été censurées par l’autorité de régulation de publicité au motif qu’elles pourraient ridiculiser les candidats à l’élection d’avril-mai. Mais l’audace du prêtre ne manquait pas de sel, puisqu’on peut constater en décryptant l’objet du délit qu’il y a quelque chose comme un engagement européen chez lui, avec un zeste de croyance en nos valeurs tricolores. Il ne reste à monseigneur qu’à bosser un peu la loi de 1905 portant sur la séparation des églises et de l’Etat pour obtenir l’onction républicaine. Mais attention au cumul. Il est déjà l’élu de Dieu.
Du bon usage de la rumeur
François Fillon fait décidément feu de tout bois et il n’hésite pas à trouver du carburant dans notre belle région pour attiser les bûchers de la rumeur. Il vient ainsi d’exhumer le témoignage d’une jeune Vauclusienne qui lui avait écrit ceci lorsqu’il était Premier ministre. « Chez les garçons de son entourage, le jeu qui faisait fureur c’était de lancer des lames de rasoir au lance-pierre dans les jambes des filles qui portaient des jupes courtes ». Comme nous supposons que le candidat à la présidentielle a de bonnes relations avec Serge Dassault, il devrait d’urgence lui demander de faire vérifier la chose dans les souffleries qui testent les avions qui font la fierté de l’armée Française. Question à poser aux ingénieurs : « à quelle vitesse doit être propulsée une lame de rasoir pour avoir une chance d’atteindre sa cible à quelques mètres ! » Sans être un expert en la matière mais étant donné les quelques grammes que pèse le projectile, on peut légitimement avancer qu’il y faut une vitesse supersonique. A moins que la fronde en question ne soit celle de David. Et là on quitte la rumeur, pour la mythologie.
Le noyé et la naïade
On ne saura jamais vraiment combien de manifestants sont venus au Trocadéro défendre contre la justice, les médias et les mécréants, François Fillon. Mais quitte à prendre des risques par ces temps de giboulées imprévisibles, comment ne pas tirer notre chapeau devant deux Marseillais héroïques qui ont réussi à s’imposer sur nos petits écrans, pendant l’appel au bon sens (commun) du candidat à la présidence de la République. Si on a vu Christian Jacob et François Baroin se glisser subrepticement à la droite du candidat, nos députés Guy Teissier et Valérie Boyer s’étaient fait un devoir d’être là, depuis le début de la retransmission. On a cru comprendre que les deux premiers étaient arrivés avec quelques minutes de retard, en raison de tractations compliquées entre fillonistes et sarkozystes. Nos Marseillais eux ont tenu toute leur place, depuis le début. Faut-il y voir un signe, mais il nous a semblé que M. Teissier était moins bien informé des prévisions météorologiques que sa collègue. Il ressembla rapidement à François Hollande à l’île de Sein, alors qu’elle arbora, une capuche imperméable du meilleur effet, laissant lire sur son visage son enthousiasme pour celui dont elle a été porte-parole. L’un a pris la tasse, l’autre a bu les paroles de son héraut.
Le périscolaire n’a pas vécu
Montpellier, Nice et Marseille ont été les villes les plus rétives à installer la réforme du périscolaire dans les écoles. Marseille s’est même offert le luxe d’une polémique frontale avec les parents d’élèves, pour tarder à l’appliquer, voire pour certains, avoir eu tendance à la saborder. Il y a de fortes chances aujourd’hui que cette politique, voulue successivement par Vincent Peillon, Benoit Hamon et Najat Vallaud Belkacem, ne passera pas l’été. On peut s’en réjouir en argumentant sur le fait que les municipalités ne sont pas armées, pour faire face au défi de l’introduction d’activités culturelles ou sportives, dans les établissements dont elles ont la charge. On peut aussi le regretter dans une ville comme Marseille, où une partie non négligeable de la population pour diverses raisons – éloignement, moyens financiers, inculture des parents – est exclue durablement de ces activités, qui participent au développement d’un individu. Plutôt que de jeter le bébé avec l’eau du bain, les élus seraient avisés de réfléchir aux conséquences multiples pour un public livré aux seuls contenus de la télé-réalité ou à la seule culture de la rue.
L’agora nécessaire
Le sociologue Jean Viard, comme l’architecte André Stern, n’ont cessé de défendre l’idée. Une ville a besoin d’un espace où se rassemblent, se croisent, s’interpénètrent ses différentes composantes socio-culturelles. Cette agora désirée reste encore à inventer. Certes des entités comme le Vieux Port et ses annexes comme la Canebière, le cours Estienne d’Orves, et désormais le Mucem y participent. Mais elles ne remplissent pour l’heure leur rôle, que lorsque des événementiels battent le rappel. Les dimanches de la Canebière vont en ce sens et leurs premières éditions ont prouvé qu’un certain brassage était possible, en attendant peut-être que la rencontre devienne, dans un futur proche, échange. Il faut, pour aller plus loin, convoquer toutes les énergies qui font que les théâtres, les salles de spectacles, les espaces culturels font, malgré leur dispersion et leur accessibilité compliquée, le plein. 2018 sera de nouveau année culturelle. On s’en réjouit mais faire aussi que ce rendez-vous dépasse l’illusion d’un feu d’artifice est impérieux. Viard rappelait opportunément dans une de ses interventions, qu’il y avait finalement plus de monde à Marseille pour fréquenter les théâtres que le stade vélodrome. L’un et l’autre ne sont pas incompatibles.