La guerre des trois aura bien lieu
Il y avait des signes avant-coureurs. Comme cette offensive du pollen des cyprès, qui fait des ravages chez 30% des Provençaux et plus encore des Marseillais, puisqu’elle se conjugue avec les assauts répétés des particules fines. La nature n’a finalement précédé que de quelques heures les hommes et les femmes qui agissent sur notre environnement politique. Cette semaine aura concrétisé avec force l’idée qu’une bataille mortelle se prépare à droite. Bruno Gilles, auto-proclamé candidat à la succession du maire de Marseille, a mis tout son cœur à faire la propagande d’une proposition de loi qui vise à stigmatiser l’habitat indigne et à garantir à chaque citoyen un avenir construit dans les normes. Certes il faudra d’abord qu’une commission se penche au palais du Luxembourg sur son initiative mais l’élu LR a fait la démonstration que sa candidature n’emprunterait pas un train de sénateur. La riposte a été fulgurante dans ce camp-là où la présidente du conseil départemental et de la Métropole n’a pas attendu la journée de la femme pour déclarer sa flamme à sa ville. C’est un plan sans précédent qu’elle propose pour l’hyper centre pour accompagner la future requalification qui verra des rues confluentes du Vieux-Port et de la Canebière accessibles aux seuls piétons. Parmi les cartouches dont elle dispose pour livrer bataille la baisse spectaculaire des tarifs pour 20 parkings souterrains. Enfin, dans ce même temps, on apprenait que Renaud Muselier « l’ami » de Mme Vassal et de M. Gilles avait passé une heure et demie en tête à tête avec le président de la République. On imagine mal Renaud et Emmanuel n’évoquer que la région Paca ou l’Europe. Bilan de ses journées hyperactives : pour le moment on s’échauffe, avant de se retrouver dans la même équipe ou comme adversaires.
Et un rêve passa
Il y a eu cette semaine au Théâtre de l’œuvre (photo ci-dessus) un grand rassemblement de tous ceux qui estiment que le drame du 5 novembre au cœur du quartier de Noailles n’est pas une fatalité, mais la conséquence d’une politique désastreuse autant que criminelle. Il y avait là, réunis par l’association Marseille et moi, dans une salle qui a dû refuser du monde, des sociologues, urbanistes, associatifs, politiques, tous à l’unisson pour dénoncer ce que Marseille n’a plus le droit d’accepter : un mal vivre inacceptable, une lèpre urbaine dégradante, des inégalités durables autant qu’insupportables. Les témoignages étaient plus accablants les uns que les autres. Il y a eu aussi de fort beaux coups de gueules, comme celui de cet urbaniste qui a dénoncé la folie immobilière et l’incapacité des édiles à penser le centre-ville et à lui redonner l’éclat que des décennies d’habitants ont longtemps su préserver. On a parlé aussi de mixité sociale, des centaines de logements inutilement vacants, du combat quotidien de Marseillais humbles, mais courageux. Du coup, une sorte de fièvre a parcouru le public. Et si Marseille inventait, par son aile gauche, une nouvelle manière de voler en politique. Un participant a même tenté de relancer un cantique ancien « el pueblo unido jamàs serà vincido ». Peine perdue. Au-dessus de la scène où il se trouvait un mot avait échappé à l’usure du temps « charité ». Un symbole. On pense du coup au cynisme d’un François Mitterrand : « Les gens de gauche rêvent de communion universelle, mais ils ne supportent pas que leur voisin se mouche ».
On prend les mêmes…
Patrick Mennucci illustre à sa manière bien l’adage « l’amour rend aveugle, mais le mariage lui redonne la vue ». Il n’aime pas Samia Ghali, mais il est prêt à lui passer l’anneau au doigt pour reconquérir Marseille. Ainsi va Marseille et les socialistes provençaux qui ne cessent de balayer le passé pour le resservir en miettes à chaque élection. A défaut de voir venir l’armée pour remettre de l’ordre dans les quartiers Nord, Mme Gali peut donc compter sur les maigres troupes de celui qui a été défait par la gauche mélenchoniste. Comment résister à cette propension morbide à l’autodestruction. Jusqu’où les fossoyeurs du rêve social et solidaire iront-ils ? On voit bien émerger ici et là des profils capables de repenser la problématique marseillaise. Le socialiste Benoît Payan, l’écologiste Sophie Camard, le marcheur Saïd Ahamada font entendre leur différence mais comme le disait Staline à propos du Vatican « combien de divisions ? » derrière eux. « C’est au bord du précipice que l’on prend conscience de l’urgence de vivre » ironisait Jacques Attali. Et de faire vivre de nouvelles idées.
Il faut dissoudre la bicyclette
Berthold Brecht s’en amusait : « Puisque le peuple vote contre le gouvernement, il faut dissoudre le peuple ». C’est un peu ce que vient de décider la Métropole à propos de la bicyclette. Il existait depuis peu une piste cyclable entre la campagne Pastré et la Pointe Rouge. C’était un progrès incontestable dans une ville qui a pris un retard considérable par rapport aux autres grandes villes françaises et plus encore si on la compare à la moyenne des pistes dédiées au vélo dans les grandes métropoles européennes. Oui mais à Marseille quel que soit les paysages que l’on traverse et quelle que soit la configuration des fameux quartiers qui nourrissent l’image fausse d’une ville insolite, la seule priorité qui compte reste la voiture. Il est impérieux de pouvoir se garer au plus près d’une calanque, à deux pas d’un port de plaisance, à quelques mètres d’une terrasse. C’est une question vitale. Les élus métropolitains ont donc décidé que la circulation retrouverait dans ce secteur ses deux voies (photo une). La contemplation des Goudes des îlots marins des contreforts qui précèdent les calanques ne souffrent pas qu’on ralentisse le progrès. Les voix des seigneurs métropolitains sont parfois impénétrables pour la raison et puisque le vélo ralentit la course des autos on le dissout.
Les nouvelles mythologies
Au cœur des années 50, l’écrivain et philosophe Roland Barthes avait parfaitement décrit la France de l’après-guerre avec Mythologies et les tropismes qui la traversaient, du mythe du steack frites à celui de la 4cv. Le travail de Jérôme Fourquet directeur du département Opinion de l’Ifop ramène à cette démarche. Avec des données chiffrées en prime. Avec L’archipel français (Le Seuil) Fourquet apporte une somme impressionnante d’éléments qui permettent de décrypter la société dans laquelle nous sommes immergés. Parmi les enseignements que l’on peut tirer de ce travail remarquable, un nombre important peuvent nourrir utilement une réflexion sur Marseille. L’érosion de la classe ouvrière, le repli de certaines communautés, la disparition de repères anciens (mariages, confessions), la fin d’un destin partagé… les pistes sont nombreux. On retiendra aussi le mot d’archipel pour décrire un phénomène patent : là où il y avait un peuple ne reste qu’une somme d’individus. Parmi les réalités de Fourquet, il en est une qui peut encore prêter à sourire si l’on prend le parti pris de l’optimisme. Les prénoms des enfants évoluent avec les changements de la société. A Marseille et même si cela doit contrarier Eric Zemmour il y a de fortes chances que Jean-Pierre (Papin) soit bientôt remplacé par Mario (Balotelli). On est toujours un peu foot ici.
A quand la journée du ravi ?
On se souvient de l’ignominie de Stéphane Ravier sénateur des Bouches-du-Rhône : « Le viol, avait-il osé, c’est un rapport amoureux qu’une partie des deux souhaite. » Et comme l’énormité ne suffisait pas il ajoutait avec le sourire entendu de celui qui assume sa crasse : « la deuxième pourrait faire un effort ». On aurait pu faire en effet un effort à Marseille cette semaine pour rappeler qu’une des plus belles combattantes de la cause féminine était de ce pays. Antoinette Fouque a par son combat bâti une résistance qui dépasse largement le cadre d’une journée consacrée finalement comme le dirait Aragon à l’avenir de l’homme. Sur les rives du Vieux Port on connait mieux l’homonyme de cette grande figure politique. Elle s’appelle Mireille. Fouque elle aussi. Elle fabrique avec talent des Santons. Le prochain 8 mars peut-on lui suggérer de fabriquer un ravi de la crèche qui aurait les traits d’un parlementaire à l’humour de poubelle.