Sur les marchés, de plus en plus d’analystes le clament : Innate Pharma est en passe de devenir une “Big Pharma”. « C’est l’une des seules sociétés dans le monde capable de restaurer l’immunité innée et adaptative du patient pour attaquer le cancer », souligne Damien Choplain, analyste chez Gilbert Dupont. Une nouvelle approche technologique qui a déjà convaincu les plus grosses compagnies du monde de la santé : Bristol Myers-Squibb (BMS), Astrazeneca ou dernièrement Sanofi. Ces géants de la santé ont signé des accords de co-développement des produits de la PME marseillaise, persuadées qu’ils sont le futur de la lutte contre le cancer.
Une capitalisation sur le point d’exploser
Capitalisée à hauteur de 567 millions d’euros, la “petite” pharma développe des anticorps monoclonaux capables de bloquer les récepteurs inhibiteurs des lymphocytes tueurs, naturellement présent dans le corps, permettant à ces derniers de remplir leur rôle en attaquant les cellules tumorales. C’est notamment le cas de Lirilumab qu’elle a licencié à BMS en 2011. Innate Pharma a reçu un paiement de 35 millions de dollars dès la signature et pourrait percevoir jusqu’à 430 millions au total. Une étude clinique de phase II sur 160 patients est en passe de prouver l’efficacité de Lirilumab sur la leucémie aiguë myeloïde. Les résultats doivent être présentés à l’automne prochain : « Si tout va bien, on pourra enclencher une phase III », soit la dernière étape avant la mise sur le marché, avance confiant, Hervé Brailly, le fondateur et président d’Innate. Ces résultats pourraient annoncer un tournant déterminant pour la société qui verrait alors sa capitalisation exploser sur les marchés à plusieurs milliards de dollars. D’autant que ce ne sont pas les seules bonnes nouvelles attendues.
Un “pipe” de 7 anticorps pour lutter contre le cancer
Au total, Innate Pharma réalise 13 études cliniques sur trois produits différents : Lirilumab, Monalizumab, un autre anticorps inhibiteur licencié à Astrazeneca et IPH4102, un anticorps cytotoxique. Outre l’étude citée plus haut, une autre publication est prévue d’ici la fin de l’année pour Lirilumab mais sur le traitement de tumeurs solides. Enfin, lors du congrès mondial de Chicago sur le cancer, Martine Bagot, professeur à l’hôpital Saint-Louis de Paris, a présenté les le protocole de l’étude de phase I pour l’IPH4102 lancé en décembre dernier. Cet anticorps vise les lymphome T cutanée, une maladie rare et orpheline qui touche un peu plus de 2 000 personnes dans le monde, soit un marché de quelques centaines de millions de dollars. Moins avancés, quatre autres programmes pré-cliniques sont en cours pour des anticorps (IPH 33, IPH 4301, IPH 52, Anti-CD 73) visant différentes indications : maladies inflammatoires, immunes et un grand nombre de cancer. Grâce aux premiers revenus apportés par les accords de licence, Innate Pharma dispose d’une solide trésorerie de plus de 250 millions d’euros et espère pouvoir développer un produit seul en finançant les études cliniques. Une étape indispensable au changement de dimension de la pharma marseillaise.
Un stratégie d’essaimage sur Luminy
A Luminy, Innate Pharma fait déjà figure de championne et veut être le moteur du pôle d’immunologie en cours de construction. Elle-même issue d’une ancienne société née sur le campus, Immunotech, elle encourage les jeunes chercheurs à créer leurs propres start-ups : « Il faut développer une stratégie d’essaimage avec de l’accompagnement managériale, des pépinières », avance Hervé Brailly. Des travaux sont actuellement en cours à Luminy pour offrir plus d’espace aux futures pépites de la santé qui voudraient s’installer. Innate Pharma prévoit d’ailleurs un doublement à moyen terme de ses locaux sur le campus mais pointe tout de même les problèmes d’accessibilité du site : «Les transports sont insuffisants. Si on grandit encore, on conservera les laboratoires à Luminy mais le siège serait trop enclavé, on pourrait le déménager », prévient le patron.