La France a gardé, en 2024, la première place européenne des investissements étrangers et ce, pour la sixième année consécutive, malgré un net recul qui fragilise l’ensemble du Vieux Continent, selon le baromètre du cabinet de conseil EY publié ce mercredi 14 mai.
Avec 1 025 investissements directs à l’étranger (IDE) annoncés l’an dernier, la France demeure leader, devant le Royaume-Uni qui a attiré 853 projets d’investissements, et l’Allemagne qui en a enregistré 608. « Une excellente nouvelle », s’est réjouit l’Elysée, à l’approche du sommet Choose France, ce lundi 19 mai, mais qui cache une réalité beaucoup plus nuancée et une dynamique clairement à la baisse.
Le plus bas niveau d’investissements depuis huit ans…
Les investissements étrangers en France ont en effet atteint en 2024 leur plus bas niveau depuis 2017 (à l’exception de l’année du début du Covid, en 2020), en retrait de 14 % par rapport à 2023 et de presque 20 % par rapport à 2022 et 2021. Un recul qui touche l’ensemble de l’Europe (-13% pour le Royaume-Uni par rapport à 2023 ; -17% pour l’Allemagne) où les investissements étrangers ont diminué pour la deuxième année consécutive et sont désormais à leur niveau le plus bas depuis neuf ans : 5 383 projets ont été annoncés en Europe en 2024, soit une baisse de 5% par rapport à 2023.
Et ce, alors que dans le même temps, ils ont progressé d’environ 20 % aux Etats-Unis, les investisseurs étant attirés par les conditions du programme IRA (Inflation reduction Act) et les promesses pro-business formulées par Donald Trump, note le cabinet de conseil EY. Le nombre de projets annoncés par les investisseurs américains en Europe a diminué de 11 % par rapport à 2023 et de 46 % par rapport à 2021. «L’Europe ne parvient pas à rassurer les investisseurs quant à sa capacité à surmonter les crises et à proposer des solutions nouvelles », note le rapport EY.
… et la 3e place, seulement, en termes de créations d’emplois
Au milieu du marasme européen, la France reste néanmoins devant ses voisins. Mais loin de fanfaronner. Plus préoccupant pour notre pays, en effet : en 2024, seuls 29 000 emplois ont été créés par ces investissements, en recul de 27 % sur un an et de 35 % par rapport à 2021, année faste dans la foulée de l’élection d’Emmanuel Macron, « ce qui est indicatif de la prudence, des coûts et des délais relatifs aux implantations », selon le baromètre. Ce qui le place tout juste sur le podium européen (3e) en la matière.
Marquée conjoncturellement par « une instabilité politique et budgétaire plus connue depuis longtemps », la France se distingue dans certains secteurs stratégiques (énergie, intelligence artificielle, agro-alimentaire) mais est particulièrement à la peine dans l’industrie, notamment la chimie et l’automobile, qui connaissent plus de fermetures que d’ouvertures d’usines pour la première fois depuis la crise du Covid, et les services à valeur ajoutée.
Le coût du travail toujours pointé du doigt
« Aux yeux des investisseurs étrangers, l’attractivité industrielle souffre d’un manque de foncier, de compétitivité énergétique, de robotisation, d’innovation et d’agilité », détaille le rapport. Malgré ses réformes et de son niveau de qualification et d’innovation, la France souffre notamment, encore, du coût de sa main d’œuvre, qui est parmi les plus élevés en Europe : lorsqu’un projet étranger crée 30 emplois en moyenne en France, il en crée 48 en Allemagne, 125 en Espagne.
Autre bémol pour la France, les investisseurs étrangers procèdent très majoritairement par extension de sites qui existent déjà plutôt par création ex-nihilo, et ce beaucoup plus qu’ailleurs en Europe (63% contre 36% en moyenne).
Choose France 2025 : l’Elysée annonce un record de 37 milliards d’euros d’investissements
Pour sa 8e édition, le sommet Choose France réunit, ce lundi 19 mai, 200 grands patrons venus des cinq continents, dans le cadre fastueux du château de Versailles, sur le thème « France, terre de créativité ». Lancé par Emmanuel Macron en 2018, le président français transformé en “super VRP”, l’événement a pour objectif d’attirer d’importants investissements étrangers en France. Ce devrait encore être le cas.
Quelque 37 milliards d’euros d’investissements étrangers, dont 20 milliards « entièrement nouveaux » doivent en effet être annoncés, a fait savoir dès dimanche 18 mai l’Elysée, les autres étant la concrétisation d’annonces précédentes concernant l’intelligence articificielle. Ces vingt milliards d’euros sont « des projets totalement nouveaux qui se répartissent dans tous les secteurs (économie circulaire aux terres rares en passant par la mobilité, le numérique ou encore la logistique et le tourisme) et qui témoignent de la dynamique d’attractivité et de réindustrialisation en cours », précise l’Elysée, qui souligne que cette somme constitue un nouveau record, après les 15 milliards d’euros annoncés l’an dernier.
Les 17 milliards d’euros restant sont des projets « désormais localisés », dont l’enveloppe globale avait été présentée lors du Sommet sur l’IA de Paris en février dernier.
Sur le détail de ces investissements, peu a filtré jusqu’ici. Selon Le Parisien, Prologis, un géant américain de la logistique, devrait annoncer à l’occasion de cette nouvelle édition un investissement de 6,4 milliards d’euros dont un milliard d’euros consacré à l’immobilier logistique, avec le développement de 750 000 m2 de nouveaux espaces autour de Paris, Lyon, Marseille et Le Havre. À la clé : la création de 3 200 emplois directs et 2 400 emplois indirects. Selon Les Echos, l’américain Digital Realty devrait aussi confirmer des engagements pour des data centers à Marseille et à Dugny (Seine-Saint-Denis), pour 2,3 milliards. A suivre
Malgré tout, selon l’enquête réalisée en mars 2025 par EY auprès de 200 dirigeants, « s’ils fléchissent, les dirigeants n’abandonnent pas et pourraient augmenter leur présence en France, 2e économie de la 2e région économique mondiale. En dépit de sa taille, somme toute limitée, la France a su saisir la balle au bond dans des secteurs d’avenir (IA, énergie décarbonée, logiciel, aéronautique, défense…) dans lesquels elle dispose des champions mondiaux, des talents humains et des ressources qui lui offrent certaines garanties en matière de souveraineté. Un avantage précieux pour ses partenaires européens. »
Pour les investisseurs étrangers, la France doit agir selon deux impératifs. D’abord, protéger sa compétitivité à court terme sans aggraver davantage les prélèvements fiscaux (priorité N.1 pour 37 % des dirigeants), le soutien aux PME-ETI (N.4,29 %) et bien entendu la réduction de la dette (N.6, 22 %). Parallèlement, elle doit proposer un cap de long terme en soutenant des activités stratégiques telles que les cleantech, l’IA ou la défense (priorité N.2, 35 %), l’innovation numérique (N .3, 30 %) et investir dans ses infrastructures (N.5, 27 %). 75% des investissements étrangers et des emplois créés ont eu lieu hors de l’Île-de-France.
La Région Sud, 5e des régions françaises pour les investisssements étrangers…
Autre fait notable, les entreprises étrangères s’implantent partout en France (75 % hors d’Île-de-France), « preuve que l’offre territoriale séduit au-delà des grandes métropoles et de leurs agglomérations ».
Dans ce contexte, la Région Sud se hisse à la 5e place des régions françaises les plus attractives, gagnant deux places par rapport à 2023. Au total, 72 projets d’investissements étrangers ont été annoncés en Provence-Alpes-Côte d’Azur en 2024, soit 13% de plus qu’en 2023, représentant 7% des projets nationaux. Ces investissements ont permis la création de 1 991 emplois en 2024, soit 9% de plus qu’en 2023, portés notamment par des projets comme Knauf à Fos-sur-Mer, Proptexx à Sophia-Antipolis (Nice) ou Novar à Avignon.
… portée par les projets R&D et IA
En 2024, les implantations et extensions de centres de R&D ont représenté un quart des projets d’IDE et des emplois créés en Provence-Alpes-Côte d’Azur (19 projets pour 500 emplois créés), ce qui la place dans le Top 3 des régions européennes pour les centres de recherche et de développement.
Enfin, la Région Sud est la région la plus attractive de France pour les investissements dans l’intelligence artificielle : 12 projets d’intelligence artificielle ont vu le jour en 2024 (soit 28 % des projets étrangers IA en France) pour 192 emplois, dont le nouveau laboratoire Accenture à Sophia-Antipolis. « Cette dynamique repose sur nos filières d’excellence comme l’intelligence artificielle et la décarbonation, mais surtout sur une stratégie d’attractivité renforcée, s’est félicité dans un communiqué Renaud Muselier, le président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Notre cap est clair : investir, innover, et faire du Sud un moteur de croissance et un territoire d’opportunités ! »
Document source : le baromètre de l’attractivité en Europe, France et Région Paca
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