Le club de la presse de Marseille a organisé un déjeuner-débat, autour de Marie France Etchegoin et de son dernier livre, « Marseille. Le roman vrai.» (chez Stock). C’est peu de dire que ces pages dérangent. A commencer par une des familles citées au cours de cette minutieuse enquête, qui a cru bon de faire un mauvais procès à la journaliste – pour cause de réputation atteinte – et de le perdre illico.
Plus surprenants, ces Marseillais des quartiers nantis qui, ayant lu ou non ces chapitres, ne supportent pas une affirmation de l’ancienne collaboratrice de l’Obs. Elle affirme qu’il existe une certaine « porosité » entre des quartiers qui se regarderaient en chien de faïence et ne s’interpénètreraient pas, selon l’opinion confortable des bien-pensants.
[pullquote] Un certain parallélisme entre les rois du shit et les rois du chic.[/pullquote] Que démontre au fond Marie-France Etchegoin : qu’il existe un certain parallélisme entre les rois du shit et les rois du chic. Entre les cercles familiaux de la drogue qui règnent sur la Castellane, Plan d’Aou ou Frais Vallon, et les cercles, plus huppés, qui s’affichent au bien nommé Cercle des nageurs de Marseille. Sans aller jusqu’à entamer une thèse, la journaliste, après avoir longtemps mené enquête, au pôle sud comme au pôle nord, explique, sans juger, que la planète Marseille s’organise autour de clans, de fratries, de familles. Les Guérini étant si ce n’est les plus remarquables au moins les plus remarqués. Une organisation méditerranéenne pourrait-on écrire aussi, que l’on retrouve dans des villes cousines, Naples ou Palerme.
C’est là, semble-t-il, à écouter l’intervention outrée d’une attachée de presse, que le bât blesse. A l’entendre on ne peut imaginer que d’honnêtes gens qui, fréquentent le fameux cercle, ont vue sur mer depuis les quartiers favorisés, mettent leurs enfants à Provence, puissent être, en quelque point que ce soit, identifiés à ce peuple barbare, sans foi ni loi, pourvoyeur de stupéfiants et de mort, qui règne sur ces quartiers bétonnés où on l’a relégué et où l’on ne mettra jamais les pieds, à l’instar des élus qu’on a fait rois de la ville.
[pullquote]Marseille est faite de plaies et de bosses, de joies et de peines.[/pullquote] Etchegoin, qui aime cette ville pour y avoir habité et y revenir avec jubilation, s’est installée pour bâtir son ouvrage, au cœur des misères béantes, comme des réussites triomphantes. Elle en est revenue avec une certitude. Marseille est faite de plaies et de bosses, de joies et de peines, de vantardises et d’omerta, de promesses et de désespoirs, de peuples emmêlés et de principautés emmurées. Bref Marseille n’est pas simple. Comme un roman vrai qu’on relit chaque jour avec bonheur.
© 2014-2023 Gomet' Media SAS