En février 2021, Laurent Cohen, lancera officiellement sa gamme de gel hydroalcoolique, « une gamme de gels hydroalcooliques virucides, bactérides et fongicides ». Une mutation pour cette entreprise de 45 salariés implantée aux Pennes-Mirabeau et à Marseille et qui ne fabriquait que du parfum depuis 1934. Avec Gomet’, Laurent Cohen revient sur ces 300 jours qui ont changé l’entreprise.
Début 2020, Corania est une PME qui se déploie à l’international dans le parfum avec un modèle original...
Laurent Cohen : Nous sommes des créateurs, des nez, nous avons créé neuf marques (1) qui sont adaptées à nos réseaux de vente : la parfumerie sélective et la grande distribution. Nous réalisons 60% de notre activité à l’export avec en premier les Etats-Unis où nous avons créé une filiale. Nous sommes la seule marque française de parfum présente dans les 900 magasins du groupe Target. Nous nous développons, en Asie au Japon en Corée et en Chine.
En mars 2020, comment vivez-vous le choc ?
Laurent Cohen : On s’est pris un gros coup de massue sur la tête dès le mois de mars. Le marché s’est effondré, les frontières se sont fermées. Jusqu’à aujourd’hui les ventes à l’international sont en chute de 85%. La consommation de parfum est en baisse sur le marché mondial. Des opérateurs de la parfumerie sélective n’ont pas eu les reins assez solides pour se maintenir dans nos métiers.
Comment vous vient l’idée de transformer votre atelier de parfumerie pour la production de gel hydroalcoolique ?
Laurent Cohen : C’est un décret ! Le 13 mars 2020 un décret « autorise par dérogation la mise à disposition sur le marché et l’utilisation temporaires de certains produits hydroalcooliques utilisés en tant que biocides désinfectants pour l’hygiène humaine ». Cela concerne les pharmaciens comme les parfumeurs ! Ce sont normalement des démarches d’agrément très longues et contraignantes. C’est non seulement une possibilité mais une incitation. Dans un parfum, il y a 80% d’alcool. C’est le contenu de nos produits depuis 87 ans, c’est la matière première la plus importante et nous en avons des stocks.
Aviez-vous cette compétence quasi pharmaceutique pour lancer la production ?
Laurent Cohen : Nous n’avions aucune compétence dans la fabrication de gel, mais nous avions deux ingrédients fondamentaux : la matière première, l’alcool, et surtout la volonté d’y arriver. Je suis allé discuter avec mes techniciens, l’État donnait les composants du gel, mais il fallait trouver les ingrédients et les process. J’ai appelé mes fournisseurs, et il y a eu une chaîne de solidarité incroyable. J’ai pu trouver les contenus et les contenants, qui n’ont rien à voir avec ce que nous fabriquons. Par le plus grand des hasards, j’ai déniché une machine ad hoc, un défloculeur, c’est comme un Blender géant qui permet de casser les molécules. Et pour le conditionnement, nous avons transformé une de nos machines pour mettre en flacon du gel.
Si l’on m’avait demandé de fabriquer du gel, il y a deux ans, j’aurais prévu un délai de 8 mois à un an de préparation. Avec cette crise, avec le talent de l’équipe, avec l’aide des bonnes personnes et… la chance, nous avons mis 15 jours. Le 15 mars, nous avons pris la décision, le 1er avril nous fabriquions le premier litre et le 6 avril, nous apportions ce gel à l’AP-HM. Ce don a suscité une forte demande et nous a offert opportunité de garder l’usine ouverte. Nous voulions faire notre devoir de citoyen et nous avons décidé de consacrer 10% du chiffre d’affaires à un don à l’Assistance publique. En avril, nous avions réalisé un million d’euros de chiffre d’affaires, nous avons donc fait un chèque de 100 000 € au fonds de dotation de l’AP-HM et je crois que nous sommes, nous PME, le plus gros donateur de 2020. Notre objectif était simplement de montrer l’exemple pour soutenir le personnel soignant.