Avec la place vacante laissée par le député socialiste sortant Vincent Burroni et le score record de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle (54,52%), la 12e circonscription des Bouches-du-Rhône pourrait bien tomber entre les mains du FN à l’issue de ces élections législatives. Le territoire est sensible au discours du Front national depuis des dizaines d’années et Vitrolles a déjà subi une gestion, très contestée, par le couple Mégret entre 1997 et 2002. Conscient du potentiel électoral que représente le territoire de Vitrolles – Marignane, le Front national y a placé Jean-Lin Lacapelle, secrétaire national aux fédérations et à l’implantation au sein du parti. Mais les candidats qui lui font face, parmi lesquels Éric Diard, député de la circonscription de 2002 à 2012 et à qui il a manqué quelques centaines de voix, il y a cinq ans, pour conserver son siège, n’ont pas dit leur dernier mot.
La gauche résiste
En se plaçant en deuxième position avec 19,12% des suffrages exprimés au premier tour de l’élection présidentielle, La France insoumise a réussi à canaliser les voix des électeurs de gauche dans la circonscription. « Notre objectif est clairement affiché, c’est d’être au second tour », soutient Damien Merono, candidat titulaire de La France insoumise. Pour le jeune Vitrollais, étudiant en droit, l’objectif est « de convaincre les électeurs pour qu’ils puissent changer d’avis », notamment ceux qui se tournent vers le « vote contestataire » Front national. Affirmant se positionner comme la véritable force d’opposition de gauche dans la circonscription, le candidat assure que « le PS est en déclin complet » et qu’ils « ne réuniront pas suffisamment de voix ».
Entre le résultat très faible de Benoît Hamon lors de l’élection présidentielle (3,38%) et la décision du député socialiste sortant de ne pas se représenter, la présence d’un candidat PS sur la circonscription était loin d’être une évidence. « Dans une campagne normale, les candidats se servent de la dynamique de la présidentielle, raconte Isabelle Rovarino, conseillère municipale à Vitrolles et candidate socialiste. Pour nous, c’était un peu compliqué. On s’est posé la question de continuer ou pas, et on s’est dit que rien d’autre ne nous représentait ». Si elle admet que les électeurs la charrient de temps en temps avec des « Ah, vous êtes encore vivants ! » et des « Oh, un dinosaure », la candidate insiste sur sa motivation et celle des militants socialistes, qui « ont envie de défendre les valeurs de la gauche et du PS ».
Soulagée de l’accueil positif qui lui est réservé par les électeurs sur le terrain, Isabelle Rovarino ne perd pas de vue son objectif : « Notre principal adversaire, c’est clair, c’est le Front national ». Viennent ensuite les candidats Les Républicains et La République en marche, « deux candidats de droite » selon la conseillère municipale, qui ajoute vouloir former une « opposition constructive » au gouvernement d’Emmanuel Macron.
« Le FN est en train de s’affaiblir »
Accusant les candidats du Front national et de La République en marche de « copier-coller le programme de leur candidat sans aucune référence au territoire », le candidat Les Républicains, Éric Diard, maire de Sausset-les-Pins, se présente comme un candidat de proximité auquel « les électeurs peuvent s’identifier ». « Le FN est en train de s’affaiblir sur cette circonscription », assure-t-il, confiant. Pour lui, deux raisons à ce déclin : « Le candidat du Front national, Jean-Lin Lacapelle, est un parachuté parisien et ça ne passe pas bien, et Marine Le Pen a fait un très mauvais débat à l’élection présidentielle ». Et même concernant Marignane, où Marine Le Pen a obtenu 60,26% des voix au second tour de l’élection présidentielle, le candidat LR semble serein : « Le vote FN va s’y abaisser mécaniquement avec la présence en suppléant du maire de Marignane Éric Le Dissès, certifie-t-il. Il empiète énormément sur le Front national ».
Le candidat pointe également du doigt la « confusion » qui émane de la candidature d’un « dissident », à savoir Jacques Clostermann, soutenu par Jean-Marie Le Pen. Mais s’il adresse de nombreuses critiques à Jean-Lin Lacapelle, le maire de Sausset-les-Pins n’en oublie pas pour autant Camille Bal, candidate de La République en marche dans la circonscription. L’accusant d’avoir rejoint la campagne très tardivement, Éric Diard soutient que la candidate LREM « a réussi à avoir l’unanimité des élus contre elle ».
Avocate marseillaise et candidate La République en marche, Camille Bal fait face aux nombreux affronts de ses adversaires. « Aujourd’hui on m’attaque sur tout, sur mes diplômes d’avocat, sur mon titre de vice présidente de chambre de commerce…, raconte-t-elle. Ce sont des propos gravement diffamatoires ». Des attaques qui ne l’empêchent pas de s’investir dans la campagne : « J’ai rencontré beaucoup d’élus et mon projet est soutenu par pas mal d’entre eux, assure-t-elle, et je suis sur le terrain jour et nuit ». Rappelant que « le député est là pour porter la loi », la candidate assure préparer des propositions de loi en fonction des problématiques locales et avoir bien l’intention de « prendre à bras le corps chacun de ces problèmes du territoire », tels que le fort taux de chômage ou encore les problématiques liées à la pollution de l’étang de Berre.
Pour la candidate, être issue de la société civile est un véritable atout. « On est plus garant de la transparence, et on fait de la politique avec sincérité » soutient l’avocate, reprochant à Éric Diard d’être « un patricien qui a vocation à le rester quel que soit le mandat, et qui a un bilan très maigre ». « Si certains candidats me reprochent d’être de droite, c’est parce qu’ils ne prennent pas la peine d’écouter ce que je dis, ajoute la candidate. J’ai beaucoup travaillé dans les quartiers défavorisés, et les problématiques sociales sont au coeur de mes préoccupations », détaille-t-elle avant d’ajouter avoir également pour objectif de « booster l’esprit d’entreprise, parce que c’est nécessaire pour la création d’emploi ».
« Une candidature d’aigreur et de règlement de compte »
« Ils feraient mieux de parler de politique au lieu de parler de parachutage », s’agace de son côté le candidat frontiste Jean-Lin Lacapelle, conseiller régional en Ile-de-France. « Je me suis installé à Marignane dès le lendemain du second tour de la présidentielle et je suis tous les jours sur le terrain », répond-il face aux reproches de ses adversaires. Accusant le candidat Les Républicains d’adopter un discours « complètement dépassé », il ajoute que « ça n’est certainement pas lui qui va défendre les électeurs, il a déjà été élu deux fois député et il n’a rien fait contre l’immigration, pour la préférence nationale, etc ». En cas d’élection, le candidat a déjà prévu « d’essayer de revenir sur la fusion des commissariats de Marignane et de Vitrolles » et de « s’atteler aux problèmes de l’islamisme radical en faisant tout pour que la mosquée salafiste de Vitrolles soit fermée ».
Pour Jean-Lin Lacapelle, la candidature de Jacques Clostermann, soutenu par le fondateur du Front national Jean-Marie Le Pen, ne constitue pas une source d’inquiétude. « Il n’a jamais été du Front national et il est entouré des exclus. C’est une candidature d’aigreur et de règlement de comptes, balaie-t-il. Si c’est un véritable patriote il me soutiendra au second tour ».
Une campagne décidément explosive dans cette circonscription des Bouches-du-Rhône, où rien ne semble joué d’avance pour le second tour.
[Les candidats de la 12e circonscription]
Éric Diard (Les Républicains)
Jacques Clostermann (Extrême droite)
Fat Derdour (Divers)
Angela Lavergne (Ecologiste)
Jean-Yves Rosiod (Divers)
Laurence Jouanaud (Parti communiste français)
François Roche (Extrême gauche)
Camille Bal (La République en marche)
Damien Merono (La France insoumise)
Isabelle Rovarino (Parti socialiste)
Virginie Petiot (Divers)
Nathalie Sirben (Europe écologie-Les Verts)
Jean-Lin Lacapelle (Front national)
Gérard Faissal (Debout la France)Liens utiles :
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