L’établissement public foncier (EPF) de Provence-Alpes Côte d’Azur a accueilli des maires inquiets à son dernier conseil d’administration qui s’est tenu mardi 13 mars à Marseille : « Partout, les élus partagent un constat alarmant : les bailleurs sociaux se désengagent massivement des nouvelles opérations », affirme Nicolas Isnard, président de l’EPF Paca et maire de Salon-de-Provence. Lui le premier, sur sa commune, il raconte : « Je n’arrive pas à trouver preneur pour seulement cinq maisons en logement social. L’aménageur a même tenté de revendre les terrains nus pour une bouchée de pain. Aucun bailleur n’a répondu ». Et la situation se répète sur les villes environnantes de Cheval Blanc, Le Puy-Sainte-Réparade, Entraigues-sur-la-Sorgues…
Selon les chiffres de l’agence régionale HLM Paca-Corse, seulement 4 300 logements sociaux ont été agréés dans les Bouches-du-Rhône en 2017, soit un recul de 17 % du volume d’activité comparé à l’année précédente. « On ne peut ignorer l’impact des nouveaux choix politiques et budgétaires annoncés à partir de l’été 2017 et inscrits dans le projet de loi de finances pour 2018 aujourd’hui voté », analyse Bernard Olivier, le président de l’agence régionale HLM. La diminution des loyers que demande l’État aux bailleurs pour compenser la baisse de 50 euros des APL est l’une des principales mesures dénoncées par les acteurs du logement social mais à cela s’ajoute aussi la suspension des subventions de la Région et le passage de la TVA à 10 %. Ils affirment qu’ils perdront, à terme, près de la moitié de leurs fonds propres à cause de cette réduction imposée et demandent instamment au gouvernement de faire marche arrière.
Le Préfet face aux bailleurs sociaux le 22 mars
Face à cette fronde, le préfet a convoqué l’ensemble des bailleurs sociaux le 22 mars prochain pour trouver une solution. Pour l’État, les organismes HLM disposent d’un trésor de guerre qu’ils doivent dépenser. Dans un référé qui date de septembre 2017, la Cour des comptes estime qu’ils ont accumulé des réserves supérieures à 30 milliards d’euros, qui correspondent à la différence entre leurs fonds propres (161 milliards) et leurs encours d’emprunt (128 milliards). Petit détail, la Cour des comptes inclue la valeur des immeubles dans les fonds propres, ce qui ne constitue pas une réserve d’argent à défaut de vendre ces biens… « Nous ne sommes pas là pour commenter la politique du gouvernement, avance prudemment Claude Bertolino, la directrice générale de l’EPF Paca, mais l’aide à la création de logements sociaux est l’une de nos missions prioritaires. Et force est de constater que ça risque d’être beaucoup plus compliqué dans les mois à venir », prévient-elle.
Pour aider les communes à finaliser une vingtaine d’opérations, l’établissement public a pioché dans les fonds SRU une enveloppe de 3,4 millions d’euros : « Cela devrait permettre de compenser la baisse des opérations attendues pour 2018 mais il ne s’agit là que d’un pansement », alerte Nicolas Isnard. Actuellement, le département des Bouches-du-Rhône compte 24 communes dites « carencées », c’est-à-dire qui n’ont pas rempli leurs objectifs entre 2014 et 2016 et dont les efforts ne sont pas jugés suffisants pour échapper aux pénalités financières prévues par la loi. Avec la désaffection des bailleurs face aux efforts exigés par le gouvernement, nombre d’entre elles craignent de ne pouvoir construire de nouveaux logements sociaux dans les années à venir et pourraient faire les frais du conflit engagé entre l’État et les organismes HLM.
Repères 112,7 millions d’euros engagés lors du conseil d’administration
Outre les doléances des maires sur le logement social, l’établissement public foncier a voté une enveloppe de 112,7 millions d’euros sur 25 dossiers opérationnels dans la région Paca. Parmi les opérations significatives sur le territoire métropolitain, l’EPF a signé un nouvel avenant à la convention d’accompagnement d’Euromed 2 à Marseille pour des terrains qui accueilleront en majorité du logement sur la partie des Arnavaux et des Crottes. A Miramas, il a signé une nouvelle convention de 6 millions d’euros avec la Ville pour l’acquisition de 29 hectares sur la zone des Molières. Situé non loin du Village des marques, ce périmètre accueille déjà un Intermarché qui souhaite s’étendre et la mairie envisage l’installation de 31 000 m2 de commerces dont un hôtel et un cinéma. Un temps cantonné aux projets d’envergure sur les communes de grandes et moyennes tailles, l’EPF souhaite également se tourner vers les villes plus modestes. Ainsi, il vient de signer une convention avec Aurons, commune de 600 habitants, située au nord de Salon-de-Provence. Le projet prévoit la requalification du terrain de l’ancienne conserverie d’abricots pour y accueillir du logement et une résidence senior. Sur le seul département des Bouches-du-Rhône, le dernier conseil d’administration a engagé 28,5 millions d’euros.
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