La relation entre les collectivités et les agences trouve un nouvel équilibre avec la diversification des prestataires. Finie la collectivité adossée à l’agence unique omnipotente. Quels nouveaux rapports ? Quelles répercussions sur les acteurs ? Bienvenue dans le monde des marchés publics.
Cette histoire pourrait commencer au bord de la Méditerranée, entre Nîmes et Perpigan avec comme épicentre Montpellier. Dans les années 2000, la communication publique se résumait à un nom : Pascal Provencel et son agence Sens Inédit. Proche de Georges Frêche, président de Région, de l’agglomération et maire de Montpellier, le communicant attrapait l’écrasante majorité des appels d’offres publics du coin.
Plusieurs agences pour une collectivité
Puis les élections passent, les équipes se renouvellent et les pratiques changent. Dorénavant, la grande majorité des collectivités divisent leurs marchés en lots (conseil, exécution graphique, événementiel, RP, digital etc). C’est le cas du département de l’Hérault pour son marché lancé en 2016. « Le temps où une agence répondait ou prétendait répondre à tous les besoins, du conseil stratégique auprès de l’élu à l’habillage des véhicules est derrière nous », analyse Alain Doudiès, ancien directeur de la communication du Conseil régional de Midi-Pyrénées puis du Conseil général du Gard et aujourd’hui consultant. « Il s’agit d’une évolution progressive qui traduit la professionnalisation des directions de la communication au sein des collectivités locales. Leur demande est plus fine, plus précisément formulée, plus exigeante. Elle donne ainsi, sinon l’assurance, du moins une plus grande capacité à choisir le prestataire correspondant aux besoins. »
Plusieurs agences pour un même marché
Certaines collectivités vont plus loin encore. La nouvelle grande région Occitanie a lancé un appel d’offres inédit de mémoire de journaliste spécialisé. Il s’agit d’un marché divisé en 4 lots (conseil, création graphique audio et vidéo, exécution graphique, exécution graphique du journal institutionnel). Et sa forme ? Multi-attributaire ! Concrètement, pour chacun de ses lots, la Région pourra choisir entre les agences retenues comme l’indique le Cahier des Clauses Administratives Particulières adossé au marché : « Les modalités d’attribution des bons de commande se feront à tour de rôle, en fonction de la disponibilité et de l’expérience dans le domaine objet de la commande. » La collectivité se constitue là un ‘‘panier’’ d’agences dans lequel elle a la possibilité de piocher selon les besoins, sans les remettre en concurrence. Toutes les modalités sont envisageables. « Il suffit de les préciser dans le règlement de la consultation », précise un(e) technicien(ne) des marchés publics d’une grande collectivité resté(e) anonyme en raison de son devoir de réserve, « il faut simplement respecter les principes de la commande publique », c’est-à-dire la transparence et l’égalité de traitement entre les candidats. Dans l’absolu le Code des marchés publics donne même la possibilité de remettre en concurrence les attributaires à chaque bon de commande comme dans un marché subséquent à tranches conditionnelles. Mais il ne sont pas utilisés dans la communication hormis pour l’impression.
En 2014, la Ville de la Grande-Motte avait choisi, elle aussi, un mode multi-attributaire, mais celui-ci en cascade. Cette nuance permettait, au cas où l’agence classée première de la consultation ne pouvait pas répondre à l’ordre de commande dans les délais, de passer à l’agence classée deuxième. Mais « nous n’avons jamais utilisé les possibilités du multi-attributaire », revient Cécile Barral, la directrice de la communication. La première agence a toujours pu répondre dans les délais. A tel point que dans son nouveau marché lancé en 2016, Cécile Barral revient au mono-attributaire. « Je pense que le multi-attributaire est une bonne chose quand on a beaucoup de volumes, mais pour nous ce n’était pas la peine. En revanche, dans le monde ultra concurrentiel des agences de com, il faut savoir faire jouer la concurrence, surtout si on veut de la réactivité. »
Du côté des agences, Pierre Niergue, co-gérant de Wonderful (Montpellier) et Vice-président délégué à l’Occitanie de l’UCC Med (syndicat des agences conseil), défend de longue date une relation de confiance entre l’annonceur public ou privé et son agence : « On ne change pas son docteur ou son expert comptable tous les jours, c’est la même chose pour notre profession intellectuelle », compare t-il. Néanmoins il se réjouit que les collectivités diversifient leur agence après le règne de la mono agence hégémonique sur le territoire. « En revanche, une fois que les agences sont sélectionnées, il ne faut pas les remettre en concurrence sur chaque dossier du quotidien et leur demander des créations et du conseil sans rémunération », ponctue-t-il.
La question de la confiance, de la proximité et de la fidélité reste au centre de la relation entre l’annonceur public et leurs agences. Un fil très fin sur lequel marcher pour ne pas piétiner la déontologie. Une relation entre personnes. Saine tant que le meilleur gagne. Mais ça, c’est un autre sujet.
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