Dans le cadre de sa démarche France Logistique 2025, l’Etat entend faire de la France un carrefour stratégique de la logistique mondiale. Et ce sont les régions qui ont pour tâche de concrétiser ses attentes. En Région Sud, une première délibération a été adoptée en février 2022, dans la foulée d’un Comité interministériel de la logistique (Cilog) en octobre 2021, visant à mettre en place d’ici la fin de l’année un plan consacré à la logistique à l’échelle régionale.
En amont de la préparation de ce plan régional, qui sera donc voté en fin d’année, une conférence régionale a réuni mardi 12 juillet les acteurs publics et privés du secteur pour engager une réflexion commune : La Poste, SNCF Réseau, le Grand port maritime de Marseille, etc. Une conférence organisée à l’initiative de la Région Sud, représentée par son vice-président délégué aux transports et à la mobilité durable, Jean-Pierre Serrus, ainsi que l’Etat, en présence du Secrétaire général délégué aux affaires régionales pour le compte de la préfecture, Didier Mamis. A l’issue de cette concertation d’une demi-journée, organisée avec les Ateliers régionaux de la logistique, Jean-Pierre Serrus, précise pour Gomet’ les contours de la « logistique du futur » en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Elle comprend notamment l’accélération du fret ferroviaire, ainsi que l’appui aux Métropoles et aux initiatives privées pour le développement d’infrastructures et de solutions décarbonées.
Quels enseignements tirez-vous de la conférence régionale de la logistique organisée ce mardi 12 juillet ?
Jean-Pierre Serrus : Jusqu’à présent, la Région ne disposait pas de la compétence du transport logistique, seulement du transport de voyageur. Le 25 février 2022, le conseil régional s’est engagé à rédiger avant la fin de l’année un plan régional de la logistique qui soit en cohérence avec notre plan d’action pour le climat « Une Cop d’avance. » L’objet de cette conférence était de consolider une co-construction de l’action, en voyant ce qui fonctionne déjà et en essaimant. Bien que vice-président en charge de ce dossier, je ne peux pas décider de tous les aspects seul et mettre les entreprises devant le fait accompli. Il faut que nous décidions ensemble pour que tout le monde accepte les objectifs. En tout cas, cette conférence a permis d’aboutir à un constat partagé : celui que la logistique est un domaine riche et complexe, qui regroupe 10% de l’emploi dans la région et influe à la fois sur le Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), ainsi que sur le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).
Quels sont les objectifs du futur Plan régional de la logistique ? A combien se chiffre son investissement ?
J-P. S : Toutes les actions vont s’articuler autour de grands défis : la neutralité carbone d’ici 2050, la sobriété foncière et énergétique, la robustesse des chaînes multimodales et l’innovation pour la desserte du dernier kilomètre. Avec l’arrivée prochaine de la zone à faibles émissions (ZFE), ce dernier point est un enjeu majeur et nous n’avons pas aujourd’hui de solution définitive. Concernant le montant du plan, il est encore trop tôt pour le cerner. Nous sommes pour l’heure au stade de la concertation.
Mais concrètement, quelles solutions vont être mises en place sur le territoire ?
J-P. S : Mais c’est du concret ! L’accélération du report modal, l’amélioration du flux routier, de la décarbonation des flottes avec le plan « Escales zéro fumée », le développement du ferré … Nous allons donner l’impulsion et avons la possibilité d’accompagner toutes les bonnes initiatives pour favoriser une logistique plus durable, par le biais de financement notamment ou d’appel à projets. Ainsi, nous avons lancé la semaine dernière un appel à manifestation d’intérêt pour identifier des sites stratégiques en termes industriels et logistiques. Une fois identifiés, nous ferons en sorte que les entreprises puissent s’y implanter directement, un peu à l’image des sites clés en main à l’échelle de l’Etat. Le plan régional permettra de dresser une stratégie logistique régionale qui corresponde à la réalité du secteur. En revanche, sur certains points comme la réalisation d’infrastructures routières, ce n’est pas la Région qui gère directement, elle accompagne la Métropole.
La Région est cependant directement compétente en matière de transports régionaux. Quels sont les projets en cours pour développer le fret ferroviaire ?
J-P. S : Nous travaillons avec SNCF Réseau pour améliorer notre fret ferroviaire. Nous avons d’ailleurs lancé les travaux sur la gare de triage de Miramas qui a vocation à devenir un hub de la logistique régionale et qui représente un investissement de 16,7 millions d’euros financés par l’Etat (9,4 millions d’euros), la SNCF (5 millions), le Département des Bouches-du-Rhône (3 millions) et la Région (1,6 million). La ligne nouvelle Provence-Alpes-Côte d’azur (LNPCA) a également vocation à transporter des marchandises, en plus du transport de voyageurs. Il y a également le développement de lignes de desserte fines entre Marseille et Miramas, Avignon et Arles … Enfin, le fret ferroviaire se retrouve également sur la zone portuaire, toujours dans une logique d’intermodalité, et joue donc un rôle dans le développement de l’axe Méditerranée Rhône Saône, qui reliera les ports de Marseille et Lyon.
Nous comptons également accélérer sur la digitalisation du fret, à l’instar de ce qui est fait en termes d’open data à Antibes et Cannes et qui a été présenté lors de la conférence (la Ville d’Antibes publie en open data les données concernant le fret de marchandises pour optimiser notamment la logistique du dernier kilomètre et Cannes équipe les aires de livraisons de capteurs pour connaître la durée de stationnement et leurs usages, ndlr).
« Nous voulons faire passer la part modale du fret ferroviaire de 9% à 18% d’ici 2030 »
Jean-Pierre Serrus
La conférence a pointé en effet du doigt le fait que le fret ferroviaire régional devait se moderniser …
J-P. S : Bien sûr qu’on a besoin d’améliorer le fret ferroviaire. Il représente actuellement 9% de la part modale et notre objectif est de le faire passer à 18% à l’horizon 2030.
Mais il est trop facile de critiquer. Nous sommes dans un monde en pleine transformation. Il y a dix ans, nous n’avions pas de consensus sur le fait qu’il fallait réduire à zéro les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050, contrairement à aujourd’hui. Soit on se résigne et on se lamente sur la situation, soit on se retrousse les manches comme Renaud Muselier, le président de la Région et moi-même et nous agissons malgré le peu de temps imparti. C’est pourquoi il faut que l’ensemble des acteurs se réunisse pour dresser un diagnostic et construire des solutions.
Evidemment, on ne pourra pas tout de suite se passer du fret routier, mais on constate qu’il commence à se décarboner grâce au biogaz notamment et le développement de l’hydrogène. Et puis, l’important, c’est le multimodal : le flux routier doit être complété par le ferroviaire, le fluvial, le portuaire avec le développement de l’axe Méditerranée Rhône Saône, la cyclologistique … Nous devons saisir l’urgence comme une opportunité de nous améliorer.
Justement, en termes de cyclologistique, que comptez-vous faire au niveau régional pour la favoriser ?
J-P. S : Agilenville (prestataire de cyclologistique qui est intervenu lors de la conférence, ndlr) montre que le vélo-cargo a totalement sa place dans la logistique. La Région favorise l’intermodalité et le vélo est l’un des outils au service de cet objectif. Nous ne pouvons pas agir directement sur les infrastructures, dont la Métropole seule a la compétence, mais nous pouvons choisir de ne pas investir dans une plateforme logistique qui n’interconnecterait pas des modes de transports lourds avec des modes de transports plus doux comme le vélo. D’ailleurs, c’est ce que nous faisons déjà avec le transport de voyageurs : nous avons fait en sorte que les gares de la région soient équipées d’infrastructures vélos pour permettre l’intermodalité des voyageurs.
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