Cela fait maintenant deux mois que le mouvement des gilets jaunes secoue le pays. Chaque samedi, des centaines de manifestants descendent dans les rues pour manifester contre le gouvernement avec souvent des affrontements avec les forces de l’ordre. Résultat, les centres-villes ont été désertés pour la période des fêtes de Noël et aujourd’hui, pour les soldes : « Beaucoup de commerçants sont obligés de fermer pour éviter la casse. Pour les plus petits, le manque à gagner durant ces deux périodes pèsent très lourds et met en danger leur survie », s’alarme Johan Bencivenga, le président de l’union pour les entreprises des Bouches-du-Rhône (UPE 13) à l’occasion de sa première conférence de presse de l’année.
S’il a réuni les journalistes mardi 15 janvier, ce n’est pas tant pour leur souhaiter la bonne année que pour alerter sur les « conséquences dramatiques du climat de tension sociale extrême qui pèse sur le monde économique ». Avec neuf samedis consécutifs de manifestation, il affirme que le pays a perdu 0,1 point de croissance, « soit un mois de travail réduit à néant ». Sur le département, le secteur de la grande distribution aurait perdu entre 30 % et 50 % de ses recettes comparée sur la même période l’an dernier. En plus des manifestations du week-end, le blocage des routes a également pesé sur le commerce empêchant les clients mais aussi les marchandises d’atteindre les magasins.
Du petit commerçant aux grands groupes industriels
Les gilets jaunes se sont montrés particulièrement actifs sur les points névralgiques du réseau routier départemental : La Ciotat, Arles, Istres… La grande majorité des marchandises étant acheminées par camions, les transporteurs ont subi de plein fouet cette mobilisation. L’UPE 13 parle de baisse de 10% à 60% de l’activité logistique sur le territoire selon les entreprises. « Le MIN de Châteaurenard a été victime de blocages majeurs impactant toute la chaîne agroalimentaire », se plaint Johan Bencivenga. Il parle également des pertes pour les industriels et les entreprises du BTP à une période charnière : « Beaucoup de grosses usines du pourtour de l’Etang de Berre opèrent actuellement leur grand arrêt. Les prestataires ont eu beaucoup de mal à accéder aux sites, ce qui a retardé la production des industriels », explique-t-il. L’UPE 13 a donc tenté de mettre en place une série de mesures pour accompagner les entreprises dans cette période troublée.
Une cellule de crise en lien avec la préfecture
L’union patronale a mis en place une cellule de crise en lien direct avec la préfecture pour informer les chefs d’entreprises d’éventuels blocages et débordements. Par exemple, elle a travaillé en priorité sur l’approvisionnement en essence de la région en prévenant la préfecture en cas de blocage des raffineries et en informant en temps réel, les transporteurs de l’état du trafic routier. Le site de Kem One à Lavera a également fait l’objet d’une attention tout particulière « car c’est la plus grosse usine de chlore du pays et on l’utilise pour potabiliser l’eau de tout le pays ainsi que celle de certains pays africains », explique Johan Bencvivenga.
Face à la baisse d’activité de certaines entreprises, l’UPE 13 est aussi intervenue auprès de l’Urssaf pour étaler le paiement des charges. Depuis novembre, elle a compté environ 50 000 salariés au chômage partiel à cause des blocages de gilets jaunes. « On a débloqué 32 millions d’euros pour les payer durant cette période », affirme le patron. Il mentionne également le fonds régional solidarité pour les très petites entreprises (TPE) des centres-villes lancé par Renaud Muselier en décembre doté de 2 millions d’euros. Sur le nombre exact de salariés et d’entreprises impactées dans le département, Johan Bencivenga estime « qu’il est encore trop tôt pour avoir des chiffres précis mais on peut estimer que plusieurs milliers de sociétés sont concernées ».
« Un melting pot de véritables souffrances et de revendications des extrêmes »
La patron de l’UPE 13 avoue ne pas « comprendre ce mouvement. Sur la forme déjà avec des policiers qui se font frapper et des vitrines brisées… Sur le fond ensuite, il manque d’homogénéité. C’est un “melting pot” de véritables souffrances et de revendications des extrêmes. On peut comprendre certaines critiques mais le discours s’est délité avec les violences », analyse-t-il. Pour autant, l’UPE 13 va participer au grand débat national lancé par le président de la République. Cette contribution sera portée par le collectif « Mon entreprise, Ma Ville » qui réunit entrepreneurs, syndicats, artisans, commerçants et professions libérales (UPE 13, UPA, UNAPL, FO, CFTC, CGC). « J‘ai par exemple demandé aux syndicats de lister dix symboles des privilèges inadmissibles accordés aux patrons et nous feront de même pour les salariés. Les résultats seront bientôt connus », annonce Johan Bencivenga. De quoi alimenter les discussions sur la relation entre salariés et chefs d’entreprise.