Que faire pour améliorer la qualité des eaux de la Méditerranée ? C’est là tout l’enjeu de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et de son programme « Sauvons l’eau », présenté à l’occasion d’un colloque au Palais du Pharo de Marseille le 4 juillet dernier. Ce dernier – le numéro 11 – est entré en vigueur depuis janvier 2019 et couvre les six prochaines années jusqu’en 2024. Il a pour objectif de réduire les pollutions liées aux temps de pluie et aux substances émergentes (chimiques et microplastiques), de favoriser l’installation de zones de mouillages adaptées pour préserver l’herbier de posidonie et de faciliter la restauration des milieux marins.
Moins de bitume : une prise de conscience encore lente
Laurent Roy, directeur de l’agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse, veut avant tout souligner que la situation de la Grande Bleue est « meilleure qu’avant ». « Dans les années 1970-1980, on était face au constat que la Méditerranée allait mourir, étouffée par les rejets polluants. La qualité de l’eau s’est améliorée depuis, notamment parce qu’il y a eu de gros effort pour agir dans ce sens ainsi qu’un frein sur l’artificialisation des sols », insiste-t-il.
Il reste toutefois des « problématiques considérables » à solutionner, des mots mêmes du directeur. Parmi elles, la pollution liée à la pluie, qui découle d’un problème d’imperméabilisation des terres. Lors des grosses averses, il n’est pas rare de voir l’eau ruisseler sur les routes et se retrouver dans les réseaux de canalisations. Ces derniers deviennent vite saturés par la quantité d’eau importante et une partie est alors directement rejetée dans la mer, sans aucun traitement. Pour pallier ce problème, les bassins de rétention ne suffisent plus, comme le souligne Didier Réault, adjoint au maire de Marseille délégué à la mer. « Il faut garder des terres naturelles au bord des fleuves côtiers, je pense notamment à l’Huveaune. Ces zones d’expansion de crue permettent de lutter contre les inondations mais aussi d’avoir une capacité d’infiltration de l’eau au plus près de là où elle tombe. Et on sait que la terre est le meilleur traitement de l’eau à long terme, surtout en amont ».
La « tendance » serait à la désimperméabilisation des sols. Du moins elle commence à se frayer un chemin. L’agence de l’eau vient par exemple de lancer un appel à projets qui vise tout projet de désimperméabilisation et de végétalisation pour gérer les eaux de pluie des cours d’école, collège, lycée et université. Une notion toutefois beaucoup oubliée encore aujourd’hui dans les projets d’urbanisme des villes.
Rejets polluants et plastiques aussi en priorité
L’objectif pour l’agence de l’eau est également de lutter contre les pollutions toxiques, recensées en grand nombre dans la Méditerranée. Des pollutions au tributylétain, composé issu des peintures antisalissure des bateaux, aux pesticides, au mercure et au cadmium, provenant de l’activité industrielle… (voir carte ci-dessous). Sans oublier les microplastiques, médicaments et autres polluants qui ne sont actuellement pas traités par les stations d’épuration. Pour changer la donne, les actions de l’agence de l’eau portent davantage sur du financement de recherche et développement. « Les systèmes d’assainissement n’ont pas été construits pour traiter ces substances. C’est pourquoi on subventionne des solutions techniques qui ont pour but d’abattre ces polluants non pris en charge d’ordinaire », explique Laurent Roy, conscient toutefois qu’il faut aussi lutter à la source de ces pollutions pour en limiter au maximum la quantité.
Changement de cap
À leur création dans les années 1960, les agences de l’eau, dont celle qui couvre le territoire Rhône Méditerranée Corse, avaient pour objectif d’accompagner les collectivités pour mettre en place des réseaux d’eau potable, d’assainissement et des stations d’épuration. Une fonction dont elles se sont désengagées pour partie car « le boulot a été fait » considère Laurent Roy. Les priorités ont évolué autour des changements climatiques, des pollutions et de la nécessité de préserver et restaurer les fonds marins, par exemple l’herbier de posidonie, comme nous vous en parlions il y a quelques mois ici.
L’agence bénéficie pour cela d’un budget de l’ordre de 2,6 milliards d’euros sur six ans, soit environ 440 millions d’euros par an. Au cours du précédent programme, elle avait consacré 100 millions d’euros annuels à la Méditerranée principalement pour lutter contre la pollution. Une enveloppe qui devrait rester la même pour ce nouvel exercice.
Repère :
Il existe six agences de l’eau en France. Il s’agit d’établissements publics de l’État sous tutelle du ministère de l’environnement. Elles collectent des redevances, en d’autres termes des impôts, sur le principe du pollueur-payeur à tous les usagers (ménages, collectivités, industriels, agriculteurs) en fonction des volumes qu’ils prélèvent et de la pollution qu’ils rejettent. L’argent collecté est ensuite redistribué sous forme de subvention pour des projets visant à améliorer l’état de l’eau.Liens utiles :
> Colloque Sauvons l’eau ! Les enjeux et défis avec Laurent Roy (Agence de l’eau)
> L’herbier de posidonie, plante à préserver pour éviter l’érosion du littoral