Il peuple le fond de la méditerranée. Tâche sombre crainte par de nombreux baigneurs en été. Banc d’algues régulièrement accroché par les ancres des plaisanciers : l ‘herbier de posidonie. Tout le monde le voit, mais qui connaît réellement son rôle pour notre écosystème ? « C’est un atténuateur de houle. Il permet donc naturellement de protéger les rivages de l’érosion côtière », explique Sophie Sejalon, déléguée au Conservatoire du littoral. Cet établissement public, dont le but est la protection du littoral, a fait de cette algue l’un de ses chevaux de bataille. « À chaque fois qu’il y a des espaces soumis à l’érosion, c’est quasiment toujours parce qu’il y a une brèche dans l’herbier de posidonie », ajoute-t-elle. Pierre Boissery, expert mer au sein de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, vient enfoncer davantage le clou. « Si cette plante est en bonne santé, elle joue son rôle et encaisse les remous du changement climatique. Si elle est en mauvaise forme, elle ne le fait plus ».
Une action : la sensibilisation
Face à ce constat, les autorités ont décidé d’agir. C’est là qu’il y a un hic : « On ne sait pas restaurer l’herbier. La seule chose que l’on peut faire pour le moment, c’est de le préserver », regrette Pierre Boissery. Dans ce sens, des actions de sensibilisation sont menées. Auprès des baigneurs et des plaisanciers, pour leur expliquer le rôle important de la plante. « Les fonds sableux doivent être privilégiés pour le mouillage. Mouiller sur la posidonie peut provoquer de fortes dégradations en arrachant irrémédiablement ses rhizomes (racines) », peut-on ainsi lire sur le site des Écogestes Méditerranée, portés par 14 structures d’éducation à l’environnement de la région Paca.
L’agence de l’eau s’est fixé des objectifs pour favoriser la préservation de l’herbier. Dans son programme « Sauvons l’eau » 2019-2024, elle prévoit de nouveaux plans d’organisation des mouillages. Le but est de réduire de 25% la surface de posidonies soumise à des dégradations par les ancres des bateaux. « La posidonie est en bon état général », met toutefois en avant l’institution, « excepté dans les zones historiquement dégradées telles que les grandes agglomérations et les pôles industrialo-portuaires ».
Une plante à préserver sur terre
Le rôle de l’herbier de posidonie ne se limite pas aux profondeurs de la mer. À terre aussi, il a son importance. « Il a également un rôle d’atténuateur d’érosion. Quand il perd ses feuilles, elles forment des banquettes de posidonies sur le sol qui permettent de protéger les plages pendant l’automne, l’hiver et le printemps lors des tempêtes. Et donc de conserver le sable », met en avant Sophie Sejalon.
Dès les beaux jours cependant, les bancs de feuillages sont évacués. La raison ? Le tourisme balnéaire. Ou plutôt des touristes « répugnés » par la présence des algues sur le sable. Un geste que regrette la déléguée au Conservatoire du littoral. « Ce sera une action de longue haleine de faire que les gens comprennent et acceptent leur présente toute l’année ».
La nécessité d’une action groupée
Cette évolution des mentalités est l’une des clés pour mener à bien la préservation de l’herbier de posidonie et du littoral. Cela doit aussi passer par une remise en question des décisions passées. « Avant, contre l’érosion, on avait tendance à installer de gros blocs rocheux. On s’est aperçu que ça ne fait que déplacer le phénomène ailleurs. Aujourd’hui, l’idée du Conservatoire est de renaturer les espaces. Ça signifie accepter que le paysage change, que certains terrains repartent à la mer. Ce n’est pas encore concevable par tout le monde », conçoit Sophie Sejalon.
Les différents acteurs de l’échange reconnaissent que toutes les actions doivent être menées collectivement. Pour exemple, le projet de préservation de la plage entre Carnon et la Grande-Motte, en région Occitanie, rongée petit à petit par l’érosion. Évoqués dès 2002, les travaux n’ont commencé qu’en 2013 pour se terminer en 2015. 11 ans de concertation entre tous les acteurs et usagers concernés (collectivités, association, habitants, commerçants…) qui ont abouti sur un « succès » pour Mauricette Steinfelder, membre de l’association Plan Bleu. Car si avant la Méditerranée grignotait petit à petit la plage et présageait de l’engloutir, tel n’est plus le cas aujourd’hui. « Ce qui est compliqué est que le dialogue prend du temps et que le temps nous est compté », pointe Frédéric Ménard, directeur du département océans, climat et ressources au sein de l’Institut de recherche pour le développement. Car pendant que les êtres humains discutent et négocient, la mer, elle, poursuit inlassablement sa lente crue. L’urgence est bien là.
Repères :
> Le 2e colloque Science et société « Pour l’adaptation des territoires aux changements climatiques : risques, ressources et transition()s se déroule du 17 au 19 décembre à l’Hôtel du Département. Il est organisé par Air climat et le Groupe régional d’experts sur le climat en région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur (Grec-Sud) en partenariat avec le Comité nationalfFrançais sur les changements globaux (CNFCG), le conseil scientifique du programme Gestion et impacts du changement climatique (Gicc – MTES) et Future Earth.
> Le détail du programme : trois jours de conférences et de débats de haut niveau.