L’heure de la réconciliation a-t-elle sonné ? Ou du moins celle de la mobilisation. Samedi 13 septembre 2014, les 5 000 socialistes des Bouches-du-Rhône avaient rendez-vous au Dock des Suds, à Marseille, pour les États généraux de la fédération. Finalement, ils n’étaient que 300 à répondre à l’appel. Même si les responsables présents sur place jurent qu’ils sont satisfaits de cette journée, l’évènement n’a donc pas rassemblé les foules, alors que la section PS de Marseille, réouverte en juillet après sa dissolution au lendemain des municipales, ne compte plus que 200 adhérents. Jean-David Ciot, le premier secrétaire fédéral – par ailleurs sous la menace d’une condamnation le 13 octobre prochain dans le cadre de son licenciement douteux du cabinet de Jean-Noël Guérini – avait pourtant invité tous les camarades à « s’exprimer librement » pour « redéfinir la carte d’identité des socialistes des Bouches-du-Rhône ». Vaste programme qui illustre à quel point le parti est au bord du gouffre, alors que les querelles d’égos sont, du moins en apparence, mises de côté.
Car après sa mise sous tutelle et la dissolution des sections d’Aix-en-Provence et de Marseille, le PS local ne parvient toujours pas à sortir la tête de l’eau. La déroute annoncée aux sénatoriales, le 28 septembre prochain, où le parti risque de ne sauver aucun de ses cinq sièges, s’annonce comme une conséquence logique des municipales de mars 2014. « Les sénatoriales, c’est déjà terminé », se désespère un responsable. Et comme si cela ne suffisait pas, les comptes de campagne des huit têtes de liste EELV-PS aux dernières élections à Marseille risquent d’être rejetées par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). De quoi alimenter des doutes, chez certains, sur la survie même de la fédération.
« Il faut remobiliser les militants mais c’est très dur »
Alors que l’ombre de Jean-Noël Guérini a plané sur la campagne, chaque militant a son avis sur la question, plus ou moins optimiste. « On réorganise, on redémarre, on sort d’une tutelle difficile », explique Patrice Poli, secrétaire fédéral, qui milite à Aix et fut l’adversaire éphémère de Jean-David Ciot au poste de premier secrétaire fédéral, en 2011. « L’important, c’est de remobiliser les militants et ça, c’est très dur. Car dans le fond, l’héritage Guérini n’est pas encore soldé », juge-t-il. « Il faut digérer tout ce qui s’est passé ces derniers mois. Ce que je constate, c’est que le PS reparle à nos concitoyens, que d’anciens militants qui n’ont pas encore repris leur carte participent aux débats », confie Jean-David Ciot, qui veut apaiser la fédération en l’ouvrant à d’anciens opposants. « Le problème des personnes est derrière nous, estime-t-il. Chacun a pu en mesurer les conséquences : tout le monde y a perdu ». [pullquote]Jean-David Ciot veut apaiser la fédération, encore meurtrie par les querelles d’égos. Et ouvre la porte à ses anciens adversaires. [/pullquote]
En effet, le combat fratricide qui a opposé Samia Ghali et Patrick Mennucci, tous les deux prétendants à la primaire socialiste en octobre 2013, a laissé des traces. Dans le hall, à leur arrivée en fin de matinée, les deux adversaires se sont croisés, embrassés, entre deux interviews. Une ambiance de guerre froide loin du moment « convivial » souhaité par Jean-David Ciot. « Finalement, c’est presque positif ce qui nous est arrivé, ironise un jeune militant. Du coup il n’y a plus de postes, plus d’élus, plus rien, et il faut tout refaire. » Un autre, plus âgé, corrobore, cynique : « Avant, il y avait les clients d’un tel ou d’un tel. Maintenant, comme il n’y a pas plus d’élus, il y a moins de clientélisme. C’est comme ça que l’on fait la purge ». « Mon rôle, c’est que le PS ne meurt pas. Et il y a un risque », prévient Jean-David Ciot.
L’économie, grande absente des tables rondes
Mais alors que reste-t-il lorsque l’on a tout perdu ? Peut-être les idées… C’est du moins ce qui rassemblait les militants dans une ambiance studieuse, autour de trois ateliers thématiques aux intitulés consensuels : « Le territoire des Bouches-du-Rhône comme facteur de développement de la fraternité au cœur de la Méditerranée » ; « Liberté et vivre-ensemble » ; « Développement et égalité des territoires ».
« Ce matin, je voulais que l’on arrête de parler des structures mais plutôt que l’on parle de fond. Mon souci, c’était de ne pas parler de nous mais de mettre en route une discussion sur le fond », répète Jean-David Ciot.
« C’est le début du processus de reconstruction qui est lancé aujourd’hui, continue-t-il. Nous allons engager un débat sur toutes les questions essentielles comme l’école, la sécurité, l’Europe… » Une quinzaine d’évènements auront lieu dans les prochaines semaines, avec pour objectif, la « remise à plat du socialisme », comme l’a expliqué le député et président du Conseil régional, Michel Vauzelle, invité d’honneur de cette grande réunion locale.
Une quinzaine d’évènements qui aborderont peut-être la ligne économique du PS, étrangement absente des tables rondes, alors qu’au niveau national, les frondeurs menacent de s’abstenir lors du vote de confiance au gouvernement Valls, mardi 16 septembre. « On a abordé la ligne économique », se défend Frédéric Vigouroux, président du conseil fédéral du PS, qui estime par ailleurs que « ce n’est pas facile, nous sommes un parti qui doit se reconstruire, se réinventer… ». Yann Manneval, responsable de l’UD-CGT, a bien parlé d’économie, en effet, en essayant de mettre en perspective les résultats des politiques d’austérité et le tissu industriel français. Mais finalement, le meilleur plaidoyer pour un virage économique du gouvernement est venu de… Michel Vauzelle, qui a reçu un tonnerre d’applaudissements après son discours : « Il n’est pas question que l’ultra-libéralisme s’impose chez nous. Nous n’allons quand même pas prendre comme exemple l’Allemagne, qui n’avait pas le Smic il y a quelques mois ? ». Une expression qu’Arnaud Montebourg n’aurait pas reniée, tout comme celle-ci : « On peut dire que le libéralisme n’est pas à l’ordre du jour au PS ». Pourtant, c’est avec force, et « parce qu’il n’y a pas d’alternative républicaine au PS », que le président du Conseil régional a terminé son discours en incitant la gauche à voter la confiance à Manuel Valls.
« Il est très fort », constate Jean-Paul Nail, ex-LCR (Ligue communiste révolutionnaire), membre du conseil fédéral et animateur de la gauche du parti avec Gérard Filoche. « Il commence par un discours puissant et après, il se remet dans la ligne. » Lui regrette que les débats soient axés sur la région, alors que « pour la première fois, 40% du Bureau national du PS s’oppose à la ligne de Manuel Valls ». « Ces États généraux, c’est pour amuser la galerie, juge-t-il. Nous, nous voulons un congrès. Nous nous opposons à la politique d’austérité. » Avec les soutiens d’Arnaud Montebourg et de Martine Aubry, il tente de monter un relais, dans les Bouches-du-Rhône, du courant frondeur Vive la gauche. Si le débat de fond commencee à émerger de nouveau au PS, les divisions, elles, ne sont pas tout à fait éteintes.