Sur le Vieux-Port, il se tortillait. Et il fallait le voir se gausser, devant la presse, de l’accueil « merveilleux » que sa liste reçoit auprès des grands électeurs. Des maires des petites communes de la métropole d’Aix-Marseille-Provence qui lui sont reconnaissants d’ouvrir à plein les vannes du Conseil général, à coups de subventions qui se chiffrent en millions. En public, Jean-Noël Guérini, soutenu par le Parti radical de gauche local, a le pronostic modeste : « Je ne sais même pas moi-même si je serai élu », explique-t-il, alors qu’il espère en privé jusqu’à deux sièges avec sa liste taillée pour convaincre les petites communes. Samia Ghali, qui fut quatrième co-listière en 2008, et mena les socialistes en 2014, sera-t-elle réélue ? « J’en doute », se contente-t-il d’affirmer. Celui qui doit affronter la justice le 13 octobre 2014 dans le cadre du licenciement douteux de son conseiller Jean-David Ciot balaie ses ennuis judiciaires d’un revers de main : « Les gens s’en foutent ! ».
Pourquoi Jean-Noël Guérini est-il de si bonne humeur ? C’est peut être parce qu’au PS, ses ex-camarades s’inquiètent du scrutin des sénatoriales, qui sanctionnera logiquement leurs défaites successives aux élections locales. « Nous allons perdre les sénatoriales ? Vous enfoncez une porte ouverte ! », s’exclame un responsable du PS des Bouches-du-Rhône, qui ne voit pas comment les choses pourraient en être autrement. « On a perdu toutes les élections locales, c’est logique que l’on perde les sénatoriales… », termine-t-il, faisant référence aux grands électeurs qui éliront les sénateurs, maires, conseillers municipaux et conseillers généraux du département. Aux dernières municipales, les socialistes espéraient remporter Marseille et Aix-en-Provence. Ils n’ont pas réussi. Pire, ils ont perdu, en plus, Salon-de-Provence et Aubagne. Difficile dès lors, pour Samia Ghali, de conserver jusqu’à son siège de sénatrice, obtenu en 2008. « Aujourd’hui, nous ne sommes pas en capacité de faire élire un sénateur ou une sénatrice dès le premier coup », admet Jean-David Ciot, le premier secrétaire fédéral du PS dans les Bouches-du-Rhône.
La métropole comme argument ou comme repoussoir
Mais Samia Ghali et Jean-Noël Guérini ont encore, au moins, un point commun. Dans cette campagne, ils ferraillent tous les deux contre la métropole d’Aix-Marseille-Provence, qui doit voir le jour en 2016. Si les maires opposés au projet n’espèrent plus combattre son existence, ils comptent bien jouer de leur influence, dans les commissions de travail mises en place par le gouvernement, pour faire bouger les lignes de la loi, qui reviendra au Parlement dans les mois qui viennent. Et les candidats aux sénatoriales l’ont bien compris : pour engranger le maximum de votes de grands électeurs, mieux vaut promettre aux maires qu’ils se battront pour défendre leurs intérêts.
C’est le cas de Stéphane Ravier, qui espère devenir le premier sénateur de son parti : « Je m’oppose à cette métropole gaudienne, je suis pour la liberté des communes. J’explique aux maires que s’ils ne veulent pas devenir des maires de secteur, il faut refuser cette métropole », confie-t-il. Résultat, il aurait déjà plus de 310 voix sur les 459 nécessaires pour être élu, notamment dans certaines communes dirigées par des maires UMP déboussolés par la situation de leur parti et tentés par le vote FN. Car le sénateur-maire de Marseille Jean-Claude Gaudin a beau tenter de nuancer son soutien à la métropole, en expliquant qu’il se bat pour que le droit du sol reste aux communes, ce projet lui colle à la peau. L’actuel président du groupe UMP au Sénat – qui a un temps caressé l’espoir d’en devenir le président – espère obtenir quatre, cinq, voire six sièges, quand en 2008, son parti n’en avait acquis que trois, laissant cinq sièges à la liste d’union de la gauche. Mais la donne a complètement changé. Cette fois, cinq listes différentes à gauche se sont lancées dans la bataille, au risque de la dispersion.
Pas de réel débat de fond sur la métropole
Au milieu de ce combat politique, les écologistes paraissent bien esseulés dans leur défense de la métropole. Présents sur une liste autonome au PS qui a provoqué des débats en interne, ils s’affichent comme « les seuls à défendre un projet métropolitain fort », comme l’a rappelé Dorian Hispa, attaché parlementaire et cinquième sur la liste de Guy Bénarroche, le secrétaire régional du parti. Lequel n’a pas manqué de rappeler que si Europe-Ecologie-Les Verts présentait une liste, c’était pour avoir un élu, même s’il sait bien que ses chances sont très minces. Même objectif pour la communiste et sénatrice sortante Isabelle Pasquet, qui se présente comme une alternative au PS, alors que le Front de gauche s’étiole au niveau national sur la stratégie d’alliance avec les socialistes.
Dans ce scrutin compliqué, où national et local se mélangent, difficile d’y voir clair et de faire émerger un véritable débat de fond sur la métropole. Pourtant, les écologistes ont bien tenté de le faire par la bouche de Jean-Yves Petit, vice-président EELV du Conseil régional de Paca : « Pour nous l’objectif métropolitain, c’est d’apporter de la démocratie. Si c’est pour faire un conseil des maires comme à MPM et donc une métropole sans projet, ça ne servira à rien ». Dans ce maëlstrom d’alliances politiques, le débat de fond, lui, peine malheureusement à percer.
Les sénateurs sortants :
Jean-Claude Gaudin (UMP) : maire de Marseille
Bruno Gilles (UMP) : maire du 3e secteur de Marseille
Sophie Joissains (UMP)
Serge Andreoni (PS) : maire de Berre-l’Etang
Samia Ghali (PS) : maire du 8e secteur de Marseille
Jean-Noël Guérini (PS) : président du Conseil général des Bouches-du-Rhône
Roland Povinelli (PS) : maire d’Allauch
Isabelle Pasquet (PCF)
Les 8 têtes de listes du département :
Jean-Claude Gaudin (UMP)
Samia Ghali (PS)
Pierre Cayol (Debout la République)
Stéphane Ravier (Front national)
Isabelle Pasquet (Front de gauche)
Guy Bénarroche (EELV)
Jean-Noël Guérini (Parti radical de Gauche)
Justine Serrano (Nouvelle Donne)
(Crédit photo : Flickr/CC/Boris Drenec)