Mobilisation générale ce jeudi 31 mai 2018 pour accueillir une nouvelle délégation chinoise à Marseille. Le grand port maritime (GPMM) a organisé au J1 une matinée de débats sur le thème « Marseille et son port sur les nouvelles routes de la soie » sous le haut patronage de l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Le nouveau monsieur Chine du gouvernement est venu aider son ami Jean-Claude Gaudin à vendre les atouts de la Métropole. « Marseille doit devenir le projet numéro un de la France à profiter des opportunités offertes par la belt and road initiative », a-t-il lancé lors de son discours de conclusion.
Pourtant, elle n’est pas la seule ville à lorgner le magot de 1 000 milliards promis par le gouvernement chinois pour favoriser les échanges entre l’Asie et l’Europe. Lyon est également sur les rangs avec notamment son train qui relie la province de Wuhan en quinze jours seulement. Mais pour Jean-Pierre Raffarin, Marseille a une longueur d’avance : « Avec son positionnement géographique stratégique en Méditerranée, elle est idéalement située pour relier l’Asie, l’Afrique et l’Europe. Marseille est la porte d’entrée de la ceinture et Lyon serait plutôt au bout de la route », avance-t-il.
Rapprochement avec Shanghai
Avec sa récente victoire pour l’implantation de l’usine de Quechen sur le port, la Métropole a marqué un nouveau point important dans la course aux investissements chinois. Elle doit maintenant confirmer en concrétisant de nouveaux projets. Jeudi, elle s’est un peu plus rapprochée du port de Shanghai par la signature d’un partenariat avec le GPMM. « Nous sommes très intéressés par les initiatives du port de Marseille dans le domaine de la transition énergétique », déclare Ding Xiangming, le vice-président du port de Shanghai.
Le volet environnemental est au cœur de ce nouvel accord de coopération : « Les branchements à quai, l’avitaillement en gaz naturel liquéfié, l’économie circulaire avec Piicto… ce sont autant de projets grâce auxquels nous avons acquis une grande expertise et que nous souhaitons partager », explique Christine Cabau-Woehrel, la directrice du port de Marseille-Fos. Pour Quechen, la question énergétique a en effet été un élément décisif : « L’approvisionnement en eau et en électricité représente plus d’un tiers du prix de revient de nos produits. Quand on a comparé les offres des différentes villes candidates à notre implantation, c’est Fos qui a été la plus compétitive », confirme Que Weidong, le président du groupe industriel, fabricant de pneus « verts ».
La Chine est aujourd’hui le premier client du GPMM mais elle ne représente pourtant que 6 % de son trafic. Pour l’armateur marseillais CMA-CGM, le potentiel de croissance est énorme : « Il y a quelques années, nos clients chinois ne voulaient pas entendre parler de Fos. Aujourd’hui, la qualité de service s’est grandement améliorée et les échanges avec l’Asie sont en progression constante. Il faut continuer dans ce sens en créant de nouvelles routes maritimes », insiste Rodolphe Saadé, le président de la CMA CGM. En concurrence directe avec les grands ports européens d’Anvers et Rotterdam, Marseille dispose d’un atout non-négligeable grâce à sa taille plus modeste : « Nous pouvons transférer un conteneur sur un train dans la journée de son arrivée pour l’envoyer vers l’Europe du Nord ce que ne peuvent plus faire Anvers et Rotterdam qui sont complètement congestionnés », explique Christine Cabau-Woehrel. Résultats, une marchandise mettra moins de temps à atteindre une ville comme Duisbourg ou Manheim et « surtout, son empreinte carbone sera beaucoup moins importante », affirme la directrice du port. Décidément, le GPMM joue la carte écologique à fond pour séduire ses amis chinois. Lui qui est pourtant souvent pointé du doigt à cause de la pollution générée par les paquebots à quai…
Echanges sur les croisières
Shanghai serait également intéressé par un partage des connaissances sur le développement de l’activité de croisières. Si les Chinois sont de gros consommateurs, leurs ports restent en retard pour ce qui est de l’accueil. Cette industrie en est encore à ses balbutiements chez eux mais elle est appelée à fortement se développer dans les quinze ans à venir. Et Marseille pourrait encore en être un des premiers bénéficiaires. Provence Promotion annonce que des négociations ont déjà été entamées avec deux compagnies chinoises dont le groupe Genting pour faire partir des bateaux de Marseille à partir de 2025.
L’autre grand chantier concerne l’aéroport. « Nous devons impérativement avoir des lignes directes avec la Chine et notamment Shanghai », rappelle Jean-Luc Chauvin, le président de la chambre de commerce. Des négociations sont en cours avec la compagnie Etihad Airways pour la création d’un vol au départ de Marignane. Le patron de la chambre profite d’ailleurs de la présence de Jean-Pierre Raffarin pour rappeler que « nous avons besoin de l’aide de l’État sur ce dossier ».
Un jeu au plus haut niveau de l’Etat
« J’ai bien entendu votre demande mais je pense que vous disposez, avec Jean-Claude Gaudin, d’un excellent relais avec le gouvernement, répond l’ancien premier ministre. On l’a bien vu avec Quechen. L’appui du Président est déterminant dans les négociations avec la Chine. Il faut régulièrement le tenir informer de vos projets car c’est à ce niveau que tout se décide », insiste-t-il. La venue régulière de l’ambassadeur de Chine à Marseille et aujourd’hui, celle du port de Shanghai est une preuve de l’intérêt des chinois pour la Métropole. Pour transformer l’essai, les acteurs économiques doivent désormais comprendre comment fonctionne le projet de route de la soie. Elle est basée sur deux outils financiers majeurs. La banque asiatique des investissements pour les infrastructures, dont la France est un des 86 pays membres, se propose de financer des projets d’envergure internationale pour le développement de nouveaux réseaux de communication comme les transports maritimes, le ferroviaire, l’aéroportuaire ou encore le numérique. « A condition de parvenir à mettre au point des projets forts, Marseille peut profiter de cette manne », annonce Jean-Pierre Raffarin.
La deuxième institution clé est le Silk Road Fund qui se positionne davantage sur les projets entrepreneuriaux. Ce sont donc les entreprises locales qui doivent s’en emparer en proposant ici aussi des innovations en adéquation avec la stratégie chinoise de développement du commerce. « A l’époque, le plan Marsahll était de 130 milliards de dollars. La Belt and Road Initiative prévoit de mobiliser 1 000 milliards de dollars. Imaginez les opportunités ! », s’enthousiasme Jean-Pierre Raffarin. Cependant, l’ancien premier ministre reste prudent : « Il faut se rappeler que le plan Marshall a été très critiqué car soupçonné de cacher des arrières pensées dominatrices de la part des américains ». Le programme chinois serait-il lui aussi un moyen pour Pékin d’étendre son pouvoir autour du globe ? Le monsieur Chine du gouvernement répond par un petit rire énigmatique avant de se retourner pour prendre une dernière photo avec l’ambassadeur…
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