Dans les années 1970, le commandant Cousteau annonçait la mort de la Méditerranée. Quel est son état de santé aujourd’hui ?
Laurent Roy: Dans les années 1970-80, le pronostic pour la mer Méditerranée était alarmant. A l’époque, elle était étouffée par les rejets polluants massifs des villes et des industriels, qui s’y déversaient sans traitement. Beaucoup de progrès ont été accomplis depuis. Par exemple, au début des années 1980, il n’y avait que 15 stations d’épuration sur le littoral français de la Méditerranée. Aujourd’hui, on en compte 250 et leur capacité de traitement a été multipliée par 10. Les principaux rejets industriels sont également en forte baisse. Ces progrès se voient sur la qualité de l’eau : 88% des eaux côtières sont en bon état chimique sur le littoral français. C’est le résultat d’une forte mobilisation financière : l’Agence de l’eau a investi 100 millions d’euros annuels au cours des dernières années pour la réduction des rejets en mer.
Quels sont les prochains défis pour préserver l’eau de la Méditerranée ?
LR: De nouveaux défis ont émergé. L’un des principaux concerne les pollutions en temps de pluie : les eaux de ruissellement se mélangent avec les effluents et sont encore souvent déversées vers les milieux naturels sans traitement, les polluants et notamment les plastiques, qui vont se dégrader en micro plastiques et perturbateurs endocriniens, finissent dans la mer. D’où la nécessité de déconnecter des réseaux les eaux de ruissellement, dés-imperméabiliser partout où c’est possible, et à défaut de créer des bassins de rétention des eaux, comme le bassin Ganay à Marseille. Autre menace, la Méditerranée est une mer fermée très sensible au réchauffement : les conséquences biologiques du réchauffement climatique ne sont pas encore totalement connues, il est important de les étudier pour essayer de les réduire. Reste aussi le défi de la régulation des usages. Les rejets polluants étaient le principal facteur de dégradation dans les années 1980. Aujourd’hui, ce sont les usages ; en particulier, les navires de plaisance (notamment les plus gros, et les paquebots de croisière) causent des dégâts irréversibles en jetant l’ancre sur les herbiers de Posidonie.
Pouvez-vous nous présenter les principaux axes du onzième programme de l’Agence de l’eau ?
LR: Nous voulons tout d’abord développer la connaissance des milieux marins : parce qu’ils sont plus vastes, mobiles et profonds que les milieux continentaux, l’impact biologique des différentes perturbations est encore moins bien connu. La deuxième priorité est d’arrêter les pressions les plus menaçantes : réduire les pollutions par temps de pluie, favoriser l’installation de zones de mouillages adaptées pour préserver les herbiers de Posidonie. Enfin, maintenant que la qualité de l’eau s’est améliorée, il faut faciliter la restauration des milieux marins, aider la nature à reconquérir le terrain.
Quels sont les moyens de l’Agence de l’eau pour remplir ces objectifs ?
LR: L’Agence de l’eau est un établissement public de l’Etat sous la tutelle du Ministère de l’Ecologie. Sa mission est d’aider ses partenaires à aller vers un bon état des eaux, continentales, littorales ou maritimes. Pour agir, l’Agence prélève des redevances auprès des usagers de l’eau selon le principe pollueur-payeur. Avec l’argent ainsi collecté, elle accorde des subventions pour lutter contre les pollutions et restaurer le bon état de l’eau et des milieux. Nous organisons ce colloque à Marseille sur le thème de la Méditerranée pour présenter le type d’actions que nous pouvons aider pour la préservation de cette mer. Il s’agit de mobiliser nos partenaires, collectivités et industriels, pour restaurer et préserver les écosystèmes marins méditerranéens.
A Marseille, les plages sont régulièrement interdites à la baignade pour cause de pollution… Le cas des rejets en mer d’Alteo est aussi régulièrement évoqué. Comment l’Agence de l’eau intervient-elle sur ces sujets ?
LR: Ces sujets illustrent tout à fait le fonctionnement de l’Agence de l’eau. Alteo émettait des rejets polluants et payait à ce titre des redevances considérables à l’Agence de l’eau, selon le principe pollueur-payeur. L’Agence a aidé l’industriel à mettre en place des traitements pour filtrer ses effluents grâce à de lourds investissements. Depuis 2015, les « boues rouges », effluents solides, ne sont ainsi plus rejetées en mer. Deuxième étape, en mars 2019, une station, également subventionnée par l’agence, a été inaugurée pour épurer les rejets en mer des métaux qu’ils contenaient. Il reste encore des polluants « classiques », DCO et DBO5, pour lesquels une autre station d’épuration devra être mise en place. Pour ce qui concerne la pollution domestique, l’agence a subventionné l’amélioration progressive du niveau de traitement par la station d’épuration. Grâce à la forte diminution de la pollution rejetée, elle soutient maintenant en partenariat avec le parc national des Calanques l’installation des récifs artificiels du projet REXCOR pour restaurer la Calanque de Cortiou à Marseille. En parallèle, elle subventionne aussi les travaux considérables entrepris par la métropole pour réduire la pollution de temps de pluie : d’ores et déjà, les rejets à la mer de temps de pluie ont été réduits de moitié.
Repère :
> Le 4 juillet 2019, Colloque Méditerranée, le cap de la qualité retrouvée !
Organisé par l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse à Marseille.L’agence de l’eau fait de la préservation de la Méditerranée une priorité. Avec son nouveau programme « Sauvons l’eau », elle renforce son action sur les nouveaux enjeux de pollution comme la gestion des eaux pluviales ou les contaminants émergents et sur la préservation et la restauration de la biodiversité marine. En ligne de mire, l’urgence climatique qui impacte fortement le littoral et la mer. Le devenir de la Méditerranée est entre nos mains. Parlons-en !
> Infos pratiques:
Le jeudi 4 juillet 2019 Hémicycle du Pharo Métropole Aix Marseille Provence
58, boulevard Charles Livon 13007 MarseilleInscriptions et renseignements en lien ici